Communication de M. le Maire de Paris relative à la politique du sport à Paris. Intervention de Patrick BLOCHE dans le débat.

Mes chers collègues, le débat est ouvert.

M. Patrick BLOCHE.- Monsieur le Maire, mes chers collègues, en prenant connaissance de votre communication, nous avons été frappés par le contraste existant entre la précision du bilan que vous dressez de votre gestion durant ces 18 dernières années et l’absence d’indications sur les moyens que vous comptez mobiliser pour réaliser les objectifs que vous vous fixez pour l’actuelle mandature. A un mois de l’examen du budget pour 1996, nous devons nous contenter d’orientations générales qui prennent parfois l’aspect d’un catalogue de bonnes intentions. Vous n’avez pas souhaité lever le voile sur vos choix budgétaires et surtout vous évitez toute programmation pour les 5 ans à venir. C’est dommage pour l’intérêt même du débat d’aujourd’hui. Notre réserve est d’autant plus grande qu’en 1995, le budget municipal de la Direction de la Jeunesse et des Sports n’avait connu une hausse que de 1,5 % par rapport à l’année précédente, les dépenses de fonctionnement n’augmentant d’ailleurs que de 0,8 %. Il n’est pas inutile de rappeler pour mémoire que le budget global de la D.J.S. ne représente que 3,5 % du budget général de la Ville.
Mais mon propos s’inscrira avant tout dans les perspectives que peut nous offrir l’actuelle mandature.
Je souhaiterais ainsi, au nom du groupe socialiste, exprimer trois préoccupations principales :
– le souci de la proximité pour favoriser les pratiques sportives des Parisiens ;
– les actions en direction des jeunes, notamment dans les quartiers en difficulté ;
– la nécessaire clarification de la contribution de la Ville au sport de haut niveau.
480.000 licenciés, 2.000 associations : les Parisiens aiment le sport et leurs pratiques doivent pouvoir être en harmonie avec leurs modes de vie. C’est dire toute l’importance et l’utilité sociale des équipements de quartier.
Vous évoquez, quant à leur implantation ces dernières années, un rééquilibrage vers l’Est que nous jugeons insuffisant et qui nous invite à vous dire : Encore un effort, Monsieur le Maire !… Nous espérons ainsi que les nécessaires travaux d’adaptation du Parc-des-Princes à la Coupe du monde de 1998 ne constitueront pas un frein financier à la création d’équipements dans les quartiers.
Mais c’est sur l’accès à ces équipements de proximité et sur leur fréquentation que je souhaiterais surtout insister. Vous admettez- enfin ! – leur mauvaise utilisation. Vous considérez même- et je vous cite – qu’il s’agit d’un « enjeu considérable ». Nous pensions de ce fait assister à une remise en cause fondamentale du dispositif d’attribution des créneaux horaires actuellement en vigueur et dont est responsable une Direction de la Jeunesse et des Sports au pouvoir sans partage.
A partir du moment où vous sollicitez l’engagement de tous, comment pouvez-vous ainsi ignorer le rôle que devraient normalement jouer les 20 mairies d’arrondissement en étroite relation avec les Offices municipaux des sports et les représentants du mouvement associatif.
Il ne s’agit pas pour moi de développer outre mesure notre revendication, déjà évoquée lors de nos débats sur les inventaires et les états spéciaux des arrondissements, d’une gestion effective des gymnases, terrains d’éducation physique et autres salles de sport. Néanmoins, nous ne pouvons accepter votre refus de la logique décentralisatrice et démocratique de la loi « Paris-Marseille-Lyon ».
Cette loi, par son article 15, répond depuis 13 ans au souci d’efficacité qui vous anime aujourd’hui. Mieux qu’une lointaine D.J.S., nous sommes présents sur le terrain pour constater de visu la bonne ou la mauvaise utilisation des équipements sportifs de nos quartiers.
Par quelles arguties juridiques pouvez-vous encore refuser la mise en place, dans chacun des 20 arrondissements, d’une commission mixte composée d’un nombre égal de représentants du Maire d’arrondissement et du Maire de Paris désignés par les conseillers élus ?
Le groupe socialiste souhaiterait une réponse claire de votre part sur ce point.
Evoquer une meilleure fréquentation des équipements conduit naturellement à souligner le rôle essentiel joué par le milieu associatif. De fait, comment ne pas s’étonner de la faiblesse du montant global des subventions annuelles de fonctionnement attribuées aux associations sportives : 18 millions de francs en 1995, soit 2,3 % du budget municipal de la D.J.S. ou autrement dit 0,08 % du budget général de la Ville.
Aussi, les associations rencontrent-elles en général des difficultés à financer l’encadrement de leurs sportifs, notamment lorsqu’il s’agit de jeunes. Le nombre- plus important que dans d’autres domaines – des bénévoles ne saurait dissimuler cette situation. A cet égard, les contrats d’objectifs que vous souhaitez généraliser permettront sans doute un emploi plus rationnel de l’argent public. En quoi pourront-ils compenser la stagnation que vous annoncez déjà des subventions aux associations ?
Cette question des moyens financiers que vous évitez d’aborder directement se pose tout particulièrement pour les actions menées en direction des enfants et des jeunes. La gratuité sur laquelle vous insistez des Centres d’initiation sportive dont les activités s’adressent aux 8-16 ans s’accompagne malheureusement d’une certaine confidentialité qui fait que trop peu de jeunes sont informés des possibilités qui leur sont offertes. Les C.I.S. fonctionnent en raison de leur public relativement restreint. Qu’en serait-il s’ils connaissaient un véritable succès populaire ?
Par ailleurs, vous considérez- à juste titre – que le sport doit être un élément de la réponse à donner aux enjeux sociaux et urbains d’aujourd’hui.
Vous utilisez même une jolie formule pour évoquer (je vous cite) « la pratique informelle parfois très expansive des jeunes inorganisés ». Lorsque vous dites souhaiter développer de petits équipements en libre accès dans les espaces disponibles pour faire face aux phénomènes d’occupation spontanée, vous envisagez d’assurer un encadrement léger avec l’aide du milieu associatif. Aussi, je regrette de ne pas connaître l’effort budgétaire que vous comptez fournir afin de mettre en oeuvre ce dispositif.
Cela d’autant plus que vous faites appel à l’esprit de la convention sur la politique de la ville, signée en mars 1995. Il est d’ailleurs surprenant que vous n’évoquiez, au détour d’une phrase, que l’esprit de ce contrat entre l’Etat et la Ville alors que vous avez vous-même officiellement lancé- il y a un mois – la démarche de Développement social urbain et que le sport est une des actions thématiques qui doivent intervenir prioritairement sur les quartiers retenus.
Dans le cadre de ces D.S.U., comment comptez-vous concrètement répondre aux objectifs qui ont été fixés dans les domaines de l’information des jeunes, du développement des actions d’animation (notamment pendant les périodes de vacances scolaires), d’aide aux pratiques sportives, du soutien aux projets sportifs qui privilégient l’initiative et l’expression des jeunes et contribuent à leur insertion dans la Ville ?
Là aussi des réponses de votre part s’imposent. Je souhaiterais enfin aborder le sport de haut niveau qui est un élément important d’une politique sportive municipale, surtout lorsqu’il s’agit de la Capitale.
Nous avons comme vous le souci de l’image internationale de Paris, même si la pression médiatique vous conduit à entretenir une certaine confusion entre le soutien au sport de haut niveau et la contribution apportée au sport-spectacle.
Si Paris se veut être la capitale du sport, elle se doit de soutenir réellement les clubs qui jouent un rôle majeur dans la détection et la formation des futurs athlètes. Par ailleurs, la décision récente prise par l’Etat de fermer la Direction départementale de la Jeunesse et des Sports de Paris ne saurait, en ce domaine, nous rassurer.
Mais parlons, puisque vous nous y invitez, du « P.S.G. », du Parc-des-Princes et du Stade de France. Lors de la dernière séance du Conseil de Paris, vous nous avez proposé- de manière anticipée – de prolonger jusqu’à l’an 2000 les liens contractuels entre la Ville et le P.S.G. Cet empressement ne nous avait pas échappé, ni surtout le fait que le maintien de la présence du club au Parc-des-Princes en était le motif essentiel. Vous ayant apporté notre soutien pour éviter un éventuel transfert du P.S.G. au Stade de France, nous sommes d’autant plus fondés à vous poser quelques questions. En effet, a été récemment publié le décret du 24 janvier 1996 mettant en oeuvre les dispositifs prévus par l’article 19-3 de la loi du 16 juillet 1984 que vos amis ont modifiée en 1994. La conséquence en est la réduction progressive (de 25 % aujourd’hui à 10 % en 1998-1999 en ce qui concerne le P.S.G.) du pourcentage maximal de subventions des collectivités territoriales dans l’ensemble des recettes d’un groupement sportif, jusqu’à leur extinction complète le 31 décembre 1999.
Lors de la séance des questions à l’Assemblée nationale, mardi dernier, le Maire d’Auxerre a témoigné d’une certaine inquiétude à laquelle le Ministre de la Jeunesse et des Sports a répondu- c’est classique ! – par la création d’un groupe de travail…
Je suppose, Monsieur le Maire, que vous avez une idée précise des conséquences financières du décret du 24 janvier dernier sur les liens unissant le P.S.G. à la Ville.
Au-delà du devenir de la subvention actuelle de la Ville qui s’élève à 33 millions de francs, nous vous interrogeons donc sur la poursuite de l’utilisation du Parc-des-Princes par le P.S.G. à partir de l’an 2000. Faut-il rappeler, en effet, que notre stade parisien voit déjà partir pour le Stade de France les Fédérations de rugby et de football, soit un manque à gagner important. C’est donc sur la pérennité de la gestion du Parc-des-Princes et les éventuelles conséquences sur le budget de la Ville que nous aimerions avoir d’indispensables précisions.
Je profite d’ailleurs de cette évocation des relations entre le P.S.G. et la Ville pour vous demander de veiller tout particulièrement à ce que le P.S.G. joue pleinement son rôle de club parrain des clubs de football parisiens.
Deux dernières questions, enfin, liées à ce qui précède : quelles initiatives comptez-vous prendre concrètement pour associer les Parisiens, et notamment les jeunes, à la Coupe du monde de 1998 ? Avez-vous le projet précis de création d’un grand club omnisports parisien comme le laisse entendre votre communication ?
En guise de conclusion, je me permettrai d’évoquer une récente enquête du « CREDOC » qui estime que les « pratiques sportives informelles ont le vent en poupe ». Elles touchent près du quart des jeunes de 14 à 17 ans et 40 % des 18-65 ans. Cette étude considère que « ces évolutions dans les pratiques sportives et les attentes vis-à-vis du sport reflètent les tendances de fond de la société observées depuis le début des années 1990. Les Français se préoccupent moins de compétition et d’apparence et davantage de convivialité et de valeur d’usage » !
Je pense que nous sommes confrontés à un bel enjeu concernant les changements de nos modes de vie, particulièrement sensibles à Paris. Il rejoint, dans une certaine mesure, celui sur les rythmes scolaires que vous effleurez dans votre communication. Dans l’attente de la déclinaison parisienne de ce débat national, songeons au jour où les enfants ne seront plus initiés au sport à l’issue d’une longue journée scolaire (comme c’est le cas actuellement dans les ateliers bleus). Songeons également au jour où les Parisiens pourront combiner harmonieusement aménagement de leur temps de travail et libre pratique sportive.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, du Mouvement des citoyens et communiste).