Autorisation à M. le Maire de Paris de signer avec la R.I.V.P. un bail à caractère emphytéotique

Autorisation à M. le Maire de Paris de signer avec la R.I.V.P. un bail à caractère emphytéotique portant location de la propriété communale située 11-11A-13, rue Popincourt (11e).- Réalisation par la R.I.V.P. sur ces parcelles d’un programme de construction comprenant 103 logements locatifs intermédiaires, une loge de gardien et 116 places de stationnement.- Autorisation à M. le Maire de Paris de signer avec la R.I.V.P. une convention afférente à ce programme.- Participation de la Ville de Paris au financement de l’opération et octroi de sa garantie pour le service des intérêts et l’amortissement des emprunts à contracter par la R.I.V.P.

M. LE MAIRE DE PARIS.- Nous passons au projet de délibération D. 201 autorisant notamment M. le Maire de Paris à signer avec la R.I.V.P. un bail à caractère emphytéotique portant location de la propriété communale située 11-11A-13, rue Popincourt (11e).
Mme SCHNEITER a la parole.

Mme Laure SCHNEITER.- Nous avons donc aujourd’hui deux projets d’opération.
L’un est le lancement de l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat du Faubourg-Saint-Antoine dans le 12e, l’autre est la location par bail emphytéotique à la R.I.V.P. de la propriété communale située rue Popincourt.
Je disais tout à l’heure qu’avec ces deux projets, nous avons l’exemple même que la Ville est capable du meilleur comme du pire en matière d’urbanisme.
D’un côté, une O.P.A.H., respectueuse d’un quartier, de son histoire, de son patrimoine, de sa population ; de l’autre la destruction, puis la densification.
Le projet de la rue Popincourt a été décrié par les riverains et l’association « Onze de pique ». Vous avez bien voulu revoir à la baisse les hauteurs de construction, mais c’est très insuffisant. Les habitants de ce quartier ne veulent pas vivre entre béton et bitume.
Savez-vous de combien de mètres carrés d’espaces verts disposent les habitants du 11e ?
De 14 centimètres carrés par habitant, 14,15 centimètres carrés exactement ! Je vous rappelle que les recommandations de l’U.N.E.S.C.O. sont de 10 mètres carrés par habitant. Je ne comprends même pas que dans ces conditions, vous puissiez prévoir autre chose que la création d’un jardin.
Les habitants souhaitent ce jardin de 3.000 mètres carrés, ce qui représente une surface bien modeste, vous en conviendrez. C’est d’autant plus important de faire ce choix que c’est dans ce périmètre le dernier terrain qui permette une telle réalisation. Le quartier commence à souffrir d’une densification excessive alors qu’il a déjà perdu un nombre considérable d’immeubles et d’ateliers qui en avaient fait le charme.
Comment envisage-t-on d’amener encore 1.500 habitants supplémentaires alors que les chantiers se multiplient dans un quartier qui devrait être entièrement, et non partiellement, protégé ?
Vous vous êtes déclarés, à de nombreuses reprises, soucieux du cadre de vie des Parisiens, de leur environnement et partisans « d’un urbanisme doux, à visage humain ». Alors, montrez-leur que vous êtes capables de passer aux actes !
La deuxième phase de construction doit être définitivement abandonnée, les travaux arrêtés. Il faut revoir avec la R.I.V.P. l’aménagement de ce secteur pour donner satisfaction aux habitants. Pour marquer votre volonté de réétudier ce dossier, je vous demande, Monsieur le Maire, de retirer ce projet. Sans bail emphytéotique, la R.I.V.P. est dans l’illégalité, puisqu’elle a obtenu un permis de construire avant d’avoir signé son bail emphytéotique avec la Ville de Paris. Il faut que ce genre de pratique cesse, Monsieur le Maire, ces méthodes sont mal ressenties par les habitants. Vous disposez de tous les moyens pour réorienter la conception même de ce programme vers l’entière et pleine satisfaction des riverains.

M. LE MAIRE DE PARIS.- Monsieur FERRAND, vous avez la parole.

M. Eric FERRAND.- Merci, Monsieur le Maire.
Je crois indispensable de revenir quelques instants sur ce dossier qui est important pour le 11e arrondissement, mais qui est aussi très significatif d’une pratique assez condamnable de la Ville de Paris. Il s’agit d’un terrain de près de 5.000 mètres carrés placé entre la Bastille et la place Voltaire, et la Ville y a établi un projet de construction de 103 logements intermédiaires de type P.L.I. et la création d’une crèche. Ce programme, qui est considérable, a été présenté en plusieurs étapes, grâce à un saucissonnage qui a rendu impossible toute appréciation globale de l’opération. Des délibérations d’octobre et décembre 1994 n’ont porté, en Conseil d’arrondissement, que sur le principe de la construction d’une crèche. C’est important de le préciser pour la suite.
Depuis la fin de l’année 1994, ni les élus du 11e, ni le Conseil de Paris n’ont eu à se prononcer sur l’ensemble du projet, c’est-à-dire sur la construction d’une centaine de logements P.L.I.
Deux permis de construire ont néanmoins été délivrés à la R.I.V.P. par arrêtés municipaux des 24 février et 12 juillet 1995.
Dès la rentrée de septembre 1995, le nouveau Maire du 11e, M. Georges SARRE, a, lors d’entretiens avec M. BULTÉ et Mme COUDERC, souhaité que cette opération soit complètement réexaminée. Si la Mairie du 11e s’est déclarée favorable à la première phase de l’opération, soit la construction de 22 logements et d’une crèche, elle a demandé au Maire de Paris, à vous, Monsieur TIBÉRI, l’annulation de la seconde phase : la construction de 81 logements intermédiaires au coeur d’îlot. A la place, le Conseil d’arrondissement souhaite la construction d’un jardin public de 3.000 mètres carrés associé à de petits équipements collectifs, avec un accès vers la rue de la Roquette.
En dépit de la clarté de cette position, la Ville a inscrit à l’ordre du jour du Conseil d’arrondissement du 13 novembre 1995, un projet de délibération ayant pour objet d’autoriser la location de ce terrain communal à la R.I.V.P., et le montage financier de l’opération dans sa conception initiale.
Le Maire du 11e a décidé de retirer cette délibération de l’ordre du jour en rappelant dans une lettre au Maire de Paris, le 8 novembre 1995, notre position sur ce jardin.
C’est alors que, sans aucune base légale, le terrain communal n’ayant pas été loué à la R.I.V.P., celle-ci a décidé de lancer le chantier fin novembre là où la Mairie d’arrondissement proposait un jardin. Comme vous l’imaginez, mes chers collègues, ce coup de force a provoqué de vives réactions dans le quartier, amenant l’association « Onze de Pique » à occuper symboliquement le chantier le 21 décembre dernier.
De son côté, la Mairie du 11e s’est élevée vigoureusement contre ce procédé illégal et a demandé au Maire de Paris ainsi qu’au Préfet de la Capitale de faire interrompre les travaux. Malgré ces démarches et le caractère évident d’illégalité des travaux entrepris par la R.I.V.P., il a fallu attendre fin janvier pour que le chantier soit arrêté. Aujourd’hui, un projet de délibération autorisant le programme de construction initialement prévu est à l’ordre du jour de notre Conseil.
Je ne peux que m’en tenir à la position arrêtée depuis toujours par la Mairie du 11e, soutenue en cela par les habitants du quartier : ce projet n’est pas acceptable en l’état. En effet, le quartier Bastille-Voltaire est constitué d’une trame serrée de rues étroites et de passages. Il souffre d’être traversé par une circulation automobile intense. A l’heure actuelle, il n’existe aucun jardin, aucun espace de respiration entre la place de la Bastille et la place Voltaire. La sensation d’étouffement que chacun éprouve risque encore de s’aggraver avec l’achèvement de plusieurs opérations immobilières lourdes, majoritairement vouées au logement P.L.I. : ce sera le cas de Notre-Dame-d’Espérance avec 92 logements, de Basfroi-Dallery avec 205 logements, du 16, rue Popincourt avec 64 logements supplémentaires. Dans quelles conditions vont vivre les habitants actuels et futurs de ce secteur ? La question se pose. Existe-t-il une nécessité autre que strictement financière dans la construction de 100 logements intermédiaires supplémentaires au coeur d’un quartier déjà hyper-dense ? Au demeurant, chacun peut observer sur place que la configuration de coeur d’îlot ne se prête guère à la construction : les bâtiments surplomberaient la cour de l’école maternelle de la rue Popincourt, et ils masqueraient la lumière…
C’est peut-être long, je comprends que cela vous dérange… … et ils masqueraient donc la lumière dans les cours des immeubles de la rue Sedaine. Le terrain du 11-13 de la rue Popincourt offre la dernière opportunité de créer un jardin de dimension raisonnable, 2.000 à 3.000 mètres carrés, dans le quartier Bastille-Voltaire. C’est pourquoi, conformément à notre proposition, la Ville de Paris se doit de créer là un bel espace public, une ample respiration, bref l’un de ces lieux magiques dont Paris sait parfois réserver la surprise. Est-ce trop demander ?
Au-delà de l’anecdote sur le déroulement plutôt chaotique et un peu hypocrite, il faut bien le dire, de cette opération, au-delà de la nature même de cette opération qui nous impose encore des P.L.I., au-delà du fait même que cette opération d’urbanisme, qui s’ajoute à deux ou trois autres prévues dans un quartier déjà très dense, sans accompagnement d’équipement collectif suffisant, notamment…

M. LE MAIRE DE PARIS.- Je vous invite à conclure, mon cher collègue.

M. Eric FERRAND.- … notamment en maternelle, c’est le fondement même de la démocratie locale qui est posé très clairement. M. le Maire de Paris, Monsieur TIBÉRI, je considère que vous n’êtes pas resté fidèle à vos déclarations d’intention selon lesquelles vous resteriez à l’écoute et vous tiendriez hautement compte des remarques et avis des Conseils d’arrondissement, expression institutionnelle des habitants de nos quartiers.
Nous voterons contre ce projet.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, du Mouvement des citoyens et communiste).

M. LE MAIRE DE PARIS.- Cher collègue, que vous ne soyez pas d’accord, c’est parfaitement votre droit, mais ne donnez pas de leçons. J’ai pris des engagements, je les tiendrai, il faut dialoguer, respecter et tenir compte autant que faire se peut des remarques, mais il faut aussi arbitrer.
Si je suivais votre raisonnement, il faudrait suivre ce que vous vous souhaitez. Il faut dialoguer, il faut tenir compte de l’environnement, de la protection du site, d’un urbanisme plus proche des gens et, en même temps, il faut aussi construire des logements car il y a des Parisiennes et des Parisiens qui attendent des logements. C’est cet équilibre que nous devons chercher ensemble. Je sais que vous êtes contre le logement des classes moyennes, mais il faudra en tenir compte, mon cher collègue.
La parole est à M. BLOCHE.

M. Patrick BLOCHE.- J’interviendrai brièvement mais je souhaitais néanmoins m’inscrire dans ce débat pour vous montrer à la fois la cohésion et la mobilisation des élus du 11e arrondissement. Mon collègue, Eric FERRAND, vous a fait l’historique de cette affaire. A l’origine, effectivement, ce terrain d’un demi-hectare avait été acheté par un promoteur privé qui voulait construire des logements de haut de gamme. A l’époque déjà, l’association « Onze de Pique », particulièrement active dans le 11e arrondissement, avait déposé un recours contre le permis de construire, estimant que le projet portait préjudice aux riverains.
M. Eric FERRAND a rappelé à l’instant- et Mme Laure SCHNEITER l’a fait précédemment – les enjeux que représente pour nous ce terrain, situé dans une zone particulièrement dense et proche de la mairie du 11e arrondissement. En effet, un certain nombre de programmes immobiliers sont en cours de réalisation à proximité des secteurs Notre-Dame-de-l’Espérance et Basfroi-Dallery. Ainsi, la densification du quartier va rester forte. C’est la raison pour laquelle, il nous est paru opportun de réfléchir à la possibilité d’aérer quelque peu ce quartier à travers le projet du 11-13, rue Popincourt.
Ainsi, dans le cadre d’un projet plus vaste visant à implanter un certain nombre de jardins et d’espaces verts dans le 11e arrondissement, le 11-13, rue Popincourt nous a semblé être une parcelle particulièrement appropriée. D’autant que cette opération a été découpée en deux tranches.
La première tranche, que nous ne contestons pas, comprend 20 logements P.L.I.- nous pensons donc aussi aux classes moyennes – et une crèche qui correspond à un besoin important dans ce secteur. La seconde tranche comporte 80 logements et nous sommes effectivement en désaccord. Nous portons, en effet, à la mairie du 11e arrondissement, avec l’aide des associations et des habitants du quartier, un projet cohérent qui vise à implanter là un espace vert de 3.000 mètres carrés.
Je ne reviendrai pas sur la procédure, qui s’apparente tout de même, dans une certaine mesure, à un coup de force de la R.I.V.P. puisque le projet de délibération dont nous débattons actuellement n’était pas encore venu au Conseil de Paris quand les premiers travaux ont commencé.
Vous savez que nous avons retiré de l’ordre du jour ledit projet de délibération et c’est vrai que nous avons été un peu surpris de savoir que vous le passiez aujourd’hui, sans qu’il ait été modifié non seulement par rapport à nos demandes mais aussi, et surtout, par rapport à ce qui nous avait été promis.
C’est là que le problème se pose. Vous dites, en effet : « on dialogue et, à la fin, j’arbitre parce que je suis le Maire de Paris, parce qu’il y a une majorité au Conseil de Paris… »

(Mouvements divers sur les bancs des groupes « Rassemblement pour Paris » et « Paris-Libertés »).

… est-ce que vous permettez que je continue ma démonstration avant de lever les bras ? Bien sûr, il y a une majorité au Conseil de Paris. Bien sûr, il faut arbitrer in fine. Mais à condition qu’il y ait eu auparavant un véritable dialogue et ce que nous contestons, dans le cas présent, c’est l’existence même d’un dialogue.
On nous a donné l’impression de nous écouter. On nous a donné l’impression qu’un dialogue s’instaurait et c’est pour cela que nous avons retiré ce projet de l’ordre du jour du Conseil d’arrondissement. Nous pensions alors qu’entre la Mairie du 11e arrondissement, les associations de quartier et la Mairie de Paris, un dialogue s’établirait.
Or, à notre grand regret, tout s’est arrêté au niveau des bonnes intentions et nous nous trouvons aujourd’hui en séance face à une réalité qui fait qu’on arbitre sans avoir réellement dialogué.