Protection du Faubourg Saint-Antoine
M. Patrick BLOCHE.- Monsieur le Maire, mes chers collègues, j’interviendrai, au nom des élus socialistes des 11e et 12e arrondissements, sur le cas pratique que vous avez vous-même choisi, Monsieur le Maire, jeudi dernier en prélude au débat d’aujourd’hui : à savoir le devenir du Faubourg Saint-Antoine.
Une modification du P.O.S. pour protéger le patrimoine bâti ; une O.P.A.H. qui démarre dans le 11e et une seconde qui va être bientôt proposée dans le 12e : tels sont vos choix destinés à illustrer votre urbanisme à visage humain et appliqués à un faubourg déjà défiguré.
Permettez-moi d’ailleurs de revenir sur le parcours de votre visite si révélateur par lui-même. En vous limitant à la partie « Bastille » du faubourg, celle où le mal a déjà été fait depuis une quinzaine d’années de façon irréversible, je crains que vous ne soyez passé à côté de l’essentiel. En effet, au-delà de l’avenue Ledru-Rollin, il n’eut sans doute pas été « urbanistiquement correct » de vous montrer les démolitions en cours, impasse Druinot et passage Brulon. Ces deux cités artisanales typiques du 12e arrondissement pourtant situées à l’intérieur du périmètre de sauvegarde du Faubourg Saint-Antoine n’ont pas résisté à l’ardeur des promoteurs publics. Une association tente avec détermination de sauver quelques immeubles encore debout et d’obtenir le maintien dans les lieux des habitants. En poussant au-delà de Faidherbe-Chaligny, vous auriez pu constater- côté 11e- l’aberration d’avoir exclu du périmètre de l’O.P.A.H. comme de celui du P.O.S. particulier le coeur historique du faubourg révolutionnaire, à savoir le secteur « Montreuil-Titon ». Car, c’est principalement dans la partie est du faubourg, mais aussi vers la rue Saint-Sabin, là où la « canaille »- comme on disait au siècle dernier- n’a pas encore été chassée, que se situe le véritable enjeu, à savoir la préservation d’une mixité exceptionnelle entre l’habitat et les activités artisanales et commerciales qui fait toute l’originalité du faubourg. Pour maintenir ce fragile équilibre- là où il n’est pas trop tard- j’évoquerai pour mémoire nos divergences qui ont amené le Conseil du 11e arrondissement à exprimer plusieurs voeux. Tout d’abord, nous souhaitons l’élargissement des périmètres d’études, comme je viens d’essayer de l’illustrer. D’où deux interrogations sur des délimitations particulièrement incohérentes : pourquoi le périmètre de modification du P.O.S. ne coïncide pas avec celui des deux O.P.A.H. ? Pourquoi le périmètre proposé pour l’O.P.A.H. du 12e va presque jusqu’à Nation alors que celui d’ores et déjà déterminé pour l’O.P.A.H. du 11e s’arrête à la rue Faidherbe ?
En second lieu, nous revendiquons une O.P.A.H. ciblée, accompagnée d’un programme social thématique, afin de garantir le maintien dans les lieux des locataires actuels, notamment ceux à revenus modestes, en évitant les fortes hausses de loyers à l’issue des travaux de réhabilitation. Il s’agit par ce choix de lutter également contre la disparition des activités commerciales et artisanales.
Enfin, mieux qu’un P.O.S. particulier- lequel peut être modifié à tout moment- nous proposons la mise en oeuvre, sur le faubourg, de la procédure de la Z.P.P.A.U. (Zone de protection du patrimoine architectural et urbain) dont les prescriptions constituent une servitude d’utilité publique.
Je souhaiterais conclure, Monsieur le Maire, sur l’esprit de concertation qui anime- selon vos déclarations- votre nouvelle conception de l’urbanisme parisien. L’intention est louable mais souffrez qu’à la lumière du passé, nous nourrissions quelques doutes. Je crains notamment qu’il y ait confusion de votre part entre simple information avec la mobilisation des moyens habituels et massifs de communication de la Mairie de Paris et réelle concertation avec les habitants et ceux qui les représentent, les élus et les associations.
En tout cas, pour l’O.P.A.H. côté 11e, c’est déjà trop tard puisqu’elle va démarrer. L’expérience des années 1994-1995 est, à cet égard, significative puisque la présentation du projet n’a alors donné lieu à aucune prise en compte des multiples observations qu’elle avait suscitées, notamment sur le périmètre et la nature de l’O.P.A.H. L’urbanisme de concertation, c’est une autre réalité, Monsieur le Maire, qui nécessite une petite révolution culturelle préalable. Avec les habitants et les associations, nous jugerons à vos actes, votre capacité- par exemple- à accepter un droit du contre-projet. N’oubliez pas, en effet, que le Faubourg Saint-Antoine- à travers son histoire bi-séculaire- est porteur d’une vieille aspiration : celle à la démocratie directe !