Discussion budgétaire générale

M. Patrick BLOCHE. – Monsieur le Maire, mes chers collègues, le changement de nomenclature budgétaire a au moins l’avantage de ne modifier en rien le jugement que nous portions en 1997 sur le budget culturel de la Ville ; il reste totalement sacrifié.
La répétition de ces choix budgétaires nous conduit à ce constat ; la Municipalité prend une part décroissante, chaque année, dans le rayonnement culturel de Paris.
En dressant ce bilan, je ne souhaiterais pas mettre en cause la Direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris qui compte des fonctionnaires de talent, ni même l’action de votre adjointe qui sait témoigner de son intérêt pour les projets associatifs que nous faisons monter des arrondissements.
Mais voilà : les arbitrages ont à nouveau pénalisé la Culture et les moyens manquent cruellement.
J’évoquerai ainsi ce qui caractérise l’avenir d’une ville, à savoir les crédits qu’elle consacre aux investissements.
L’auto-congratulation est sans doute chose courante dans le débat politique, mais je trouve que vous y êtes allé un peu fort lorsque vous estimez que le budget d’investissement a progressé, je vous cite, de façon  » considérable  » puisque l’augmentation est de 7 %. C’est oublier un peu vite que la baisse avait été de 20 % en 1996, comme en 1997.
Nous constatons de plus, que la rénovation du Châtelet et la restauration du patrimoine cultuel et de la Tour Saint-Jacques mobilisent, à elles seules, plus de 80 % du budget d’investissement, hors subventions d’équipement.
Aucun nouvel équipement culturel ne sera donc programmé en 1998, hormis la mise en oeuvre et la construction d’un conservatoire dans le 9e arrondissement de Paris.
Je constate, par ailleurs, qu’aucun crédit n’est provisionné pour que la Ville de Paris puisse exercer son droit de préemption sur la salle Pleyel qui doit être vendue prochainement. Et pourtant, la salle Pleyel est indispensable à notre vie musicale et, tout spécialement, à l’Orchestre de Paris.
Dans le même esprit, qu’en est-il de la Gaîté lyrique pour laquelle nous ne bénéficions d’aucune information alors qu’une subvention de 250.000 F avait été versée, l’année dernière, à une association de préfiguration ?
Ce qui vaut pour la musique classique est également valable pour les musiques actuelles lorsque l’on constate que l’Erotika, ex-3 Baudets, est toujours fermé et que le Palace est en ce moment mis aux enchères.
De même, je suis à nouveau amené à déplorer le manque cruel de lieux de travail et de répétition pour les compagnies théâtrales et chorégraphiques et les groupes musicaux. Votre inertie en ce domaine nous coûte cher puisqu’année après année, les créateurs désertent Paris.
Je souhaiterais ainsi illustrer mon propos en citant le magazine de la Région Champagne-Ardenne. Je lis :  » selon un système de convention, des artistes de toutes disciplines, choisis sur dossier, sont accueillis pour plusieurs mois en résidence. Ils sont logés et reçoivent une bourse de l’Office régional culturel Champagne-Ardenne, destinée à les dégager de tous soucis. A charge pour eux de créer une oeuvre et de s’insérer dans le milieu local en faisant partager leur démarche, notamment auprès des jeunes « .
Cet article intitulé  » des artistes venus d’ailleurs  » évoquait ainsi la résidence de trois compagnies parisiennes : le Marietta secret, la compagnie Cré-Ange et le Vardarman. C’est donc de la place de l’Artiste dans la Ville dont il est malheureusement toujours question.
Je terminerai mon intervention en évoquant brièvement les crédits de fonctionnement. La brièveté s’impose, hélas, pour évoquer votre politique des subventions culturelles qui diminuent officiellement, hors inflation, de 2,26 %, ce chiffre étant valable évidemment avant la lettre rectificative qui nous a été communiquée, ce matin.
La règle à calcul a fonctionné à nouveau sans la moindre imagination et sans que des priorités soient dégagées.
La fermeture du Châtelet, dans trois mois, a logiquement permis une  » économie  » de 25 millions de francs, 26 millions depuis aujourd’hui. On aurait pu naïvement penser que ces crédits resteraient culturels et seraient redéployés de façon pertinente.
Comme il reste cependant pour le Châtelet une subvention qui s’élève à 74 millions de francs, je souhaiterais savoir quelles actions culturelles  » hors les murs  » le Théâtre musical de Paris va mener en direction de son public parisien, à l’exemple de ce que fait actuellement le centre Georges-Pompidou, lui aussi en pleine rénovation.
Il est vrai que je ne serais pas obligé de saisir ce débat budgétaire pour vous interroger de la sorte, si vous aviez tenu votre promesse, faite il y a deux ans maintenant, d’une représentation de l’opposition municipale au sein du Conseil d’administration du T.M.P.
Je crains, Monsieur le Maire, et ce sera le mot de la fin, que les forces de la création qui sont aussi celles du changement ne se rappellent, un jour ou l’autre, à votre bon souvenir, car nous savons bien qu’en France, on ne gère jamais la Culture à courte vue, sans risque.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, du Mouvement des citoyens et communiste).