Budget de la culture pour 1999

M. Patrick Bloche.

La démocratisation de l’accès à la culture est un des axes majeurs de la politique que vous mettez en oeuvre, madame la ministre, avec talent et détermination. La démocratisation culturelle est, en effet, souvent pensée en termes d’implantations d’équipements culturels, alors même que la fréquentation des lieux de diffusion reste marquée par de profondes disparités, à la fois sociales et géographiques. Les enquêtes les plus récentes sur les pratiques culturelles des Français nous confirment que le désir de culture reste encore minoritaire aujourd’hui.
La charte des missions de service public du spectacle vivant constitue, à cet égard, un des signes forts de la réorientation de la politique culturelle de l’Etat que vous avez décidée.
Les musiques actuelles – je pense plus précisément aux formes les plus amplifiées d’entre elles – expriment ainsi un désir de culture caractérisé par une soif de création le plus souvent instantanée et par l’adhésion de plus en plus large de publics, le plus souvent jeunes, comme le pavé parisien en a porté récemment témoignage. Par vos initiatives, qui ont heureusement permis de dépasser le stade d’un discours rarement suivi d’effets jusque-là, vous avez accompli, madame la ministre, un acte politique essentiel : celui de la légitimation des musiques actuelles par la puissance publique. En passant de la tolérance à la reconnaissance, comme nous essayons, ici même, de le faire en d’autres domaines, vous avez souhaité répondre au risque de laisser des femmes et des hommes souvent jeunes et même très jeunes retrouver ou se réinventer des références culturelles dans un cadre communautaire distinct du modèle républicain d’intégration.
Pour relever ce défi identitaire, vous mobiliserez 35 millions en 1999, ce qui représente une progression des crédits de près de 40 %. Pouvez-vous revenir un instant, madame la ministre, sur ce soutien institutionnel à la création, à la diffusion et à la formation dans le domaine des musiques actuelles que vous venez justement de rendre publiques ?

M. le président. – La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication. – Monsieur le député, je vais vous donner une réponse très claire sur l’ensemble des actions engagées à la suite dur apport de la commission nationale des musiques actuelles qui m’a été remis en septembre. Dans le rapport, la demande de reconnaissance est omniprésente et répétée. Le moment est venu de reconnaître l’importance des esthétiques populaires et nouvelles : le jazz, la chanson, le rock, le rap, la techno et les musiques traditionnelles.
Ces expressions musicales représentent aujourd’hui un phénomène artistique et une expression culturelle majeurs. Ces esthétiques doivent être considérées comme toutes les autres expressions artistiques dans la politique culturelle du ministère.
Dès 1999, ce sont donc 35 millions de francs qui sont consacrés au premier volet d’un programme d’actions qui va se dérouler sur trois ans et qui sera suivi d’efforts nouveaux dans les budgets ultérieurs : 10 millions de francs sont consacrés à l’équipement en faveur à la fois des lieux de diffusion, des ateliers de formation et des studios de répétitions et 25 millions de francs au soutien de la création, de la diffusion et de la formation.
Ces crédits de fonctionnement vont être principalement affectés aux objectifs suivants : le renforcement des moyens des scènes de musique actuelles, puisque nous voulons créer un véritable réseau de scènes professionnelles, le développement des résidences de création en faveur de la chanson et du jazz dans tous les réseaux institutionnels – je pense en particulier aux scènes nationales -, le renforcement des moyens de l’Orchestre national de jazz et des festivals, le soutien accru aux réseaux des écoles associatives, pour le jazz et les musiques traditionnelles principalement, le soutien financier à la création de postes d’enseignants dans les écoles contrôlées, le soutien aux structures concourant à une meilleure exportation des productions nationales. Pour favoriser la formation, il faut ouvrir les écoles nationales de musique et les conservatoires aux musiques actuelles par la mise en place d’un certificat d’aptitude spécifique ouvrant aux fonctions de direction et d’encadrement et par la création d’un diplôme d’Etat spécifique qui permettra aux enseignants d’intervenir dans différents cadres puisque, aujourd’hui, l’apprentissage de ces musiques s’effectue dans des lieux différents. Ce sera une innovation et une façon de répondre au plus près aux soucis des collectivités qui investissent dans la formation musicale.
Pour faciliter la diffusion de ces musiques, les scènes nationales s’ouvriront davantage aux musiques d’aujourd’hui, notamment au profit de la chanson. C’est une tendance qui est déjà constatée dans les programmations de la saison 1998-1999. De plus, une mission d’accompagnement des créations dans le domaine du jazz et des musiques traditionnelles sera confiée à l’office national de diffusion artistique. Enfin, nous devons inscrire, dans les contrats de pays, les contrats de plan ou les futurs contrats d’agglomération, des projets territoriaux de développement des musiques actuelles. Ce sera l’une des priorités de l’élaboration des contrats de plan Etat-régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)