Synthèse du rapport de P. Bloche – La présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l’information

La présence internationale de la France et la francophonie
dans la société de l’information

Synthèse du rapport de Patrick Bloche
remis au Premier ministre le 7 décembre 1998


Dans le cadre du programme d’action gouvernemental  » préparer l’entrée de la France dans la société de l’information « , le Premier ministre a confié à Patrick Bloche, député de Paris, une mission sur  » l’utilisation des technologies de l’information, et en particulier de l’internet, pour renforcer la présence internationale de la France et la francophonie « . Parmi les rapports commandés dans ce cadre, c’est le seul rapport parlementaire et c’est le premier sur ce sujet rédigé par un député issu de l’actuelle majorité.
Pour plusieurs raisons, le rapport de Patrick Bloche se distingue des rapports précédents, qui portaient sur le commerce électronique ou l’usage des technologies de l’information dans l’administration.
* C’est un rapport politique, qui propose que la France invente ses propres usages de la société de l’information et joue, dans l’espace numérique, un rôle conforme à ses valeurs et à ses traditions républicaines.
* Il ne porte pas sur le  » retard  » français mais il propose des pistes de développement en visant à prolonger les actions entreprises par le Gouvernement depuis plus d’un an.
* C’est un rapport global qui prend en compte tous les acteurs et tous les aspects des technologies numériques et de l’internet : aspects culturels mais aussi économiques et politiques et qui établit notamment le lien nécessaire entre l’internet et l’audiovisuel.
C’est la concertation qui a présidé à la rédaction de ce rapport, d’une part avec les acteurs du secteur (plus de 200 personnes), d’autre part avec les administrations compétentes afin de parvenir à de nombreuses propositions concrètes.

I. Mettre en oeuvre un internet public d’intérêt général
Afin de pouvoir mener une politique internationale forte sur les réseaux, le rapport de Patrick Bloche propose en tout premier lieu de renforcer l’offre publique de contenus et de services sur l’internet.

A. Favoriser la création et la diffusion de contenus
1. Produire davantage de contenus et de services
Pour ce faire, le rapport suggère de prendre comme objectif la mise en ligne gratuite des contenus nécessaires aux cursus scolaires jusqu’à la terminale et, notamment, de mettre à
disposition sur l’internet une grande base de textes littéraires français, y compris dans des versions traduites, en liaison avec l’Unesco.
Le rapport demande la création d’un dispositif de soutien particulier pour l’internet non marchand, producteur d’une offre publique d’intérêt général à laquelle pourra s’adosser une offre marchande.
Patrick Bloche insiste sur la nécessité de compléter la mise en ligne du droit français et souligne que les revues électroniques constituent une nouvelle chance pour la diffusion de notre recherche scientifique. Une maison d’édition de revues scientifiques électroniques pourrait être créée sous la forme d’une société d’économie mixte. Il propose également la création d’un site public d’information en continu.
Ces actions pourraient trouver un prolongement dans une implication plus grande de la France dans le fonds francophone multilatéral pour les inforoutes.

2. Accompagner la création

Patrick Bloche souligne la nécessité de veiller à l’établissement d’un cadre général favorable au développement de contenus et de services.
Pour ce qui concerne les questions juridiques, et particulièrement le droit d’auteur, le rapport attire l’attention du Gouvernement sur un besoin de médiation institutionnelle entre les différents acteurs mais il insiste surtout sur la nécessité de mettre en oeuvre un dispositif performant de licence contractuelle ou, à défaut, de licence légale, pour rendre largement disponibles des contenus à des fins de recherche et d’enseignement.
Par ailleurs, le rapport préconise la mise en place de lieux propices à la création de contenus, rapprochant créateurs et entreprises innovantes, qu’il nomme les  » ruches  » multimédias. Ce programme pourrait être prolongé par la création dans plusieurs grandes villes étrangères de centres bien visibles dédiés à ces technologies : les  » villas Médicis numériques « .
Enfin, il souligne l’importance de privilégier les technologies qui permettent l’accès aux contenus, notamment les interfaces et propose, à cette fin, de promouvoir les logiciels libres et de renforcer le traitement informatique du langage.


II. Organiser et renforcer l’action des pouvoirs publics

Le rapport de Patrick Bloche montre qu’au delà de mesures d’incitation nouvelles, il faut veiller à mieux organiser et à mieux cordonner les acteurs et les dispositifs en place.

1. Rationaliser les dispositifs d’aide
Le dispositif de soutien public à la société de l’information est dispersé et incomplet. Le rapport propose quelques mesures simples pour aider les porteurs de projets dans leurs démarches : création d’un site général d’information sur les aides, élaboration d’un dossier unique, clarification des procédures d’instruction.
Il préconise également une meilleure prise en compte des nouvelles industries liées au numérique et à l’internet d’une part, par les dispositifs d’aide à l’exportation (Coface), d’autre part par les dispositifs de soutien spécifiques aux industries culturelles : fonds d’aide à la presse, comptes de soutien géré par le CNC.

2. Rapprocher les différents acteurs et les coordonner

Dans de nombreux domaines, notamment dans celui de l’éducation, les acteurs sont trop dispersés. Le rapport propose de mieux les coordonner au sein de programmes clairs et structurés. Il propose ainsi la création d’une Université virtuelle française : Sorbonne internationale, mise en réseau raisonnée de l’offre française d’enseignement et de formation à distance.
De même, il propose la création de réseaux de recherche, pour l’audiovisuel ou l’ingénierie linguistique. Plus généralement, il identifie les actions parallèles, voire concurrentes, et propose de les rapprocher, par exemple, celles prises par l’ACTIM et l’ADIT pour l’accueil et le suivi des étudiants.
* Accroître la présence de la France à l’international par les technologies de l’information
Ensuite, le rapport de Patrick Bloche analyse les défis auxquels la France est confrontée et propose de mener une politique internationale forte sur les nouveaux réseaux.


A. Mieux exporter par les technologies de l’information
Le caractère novateur de ces technologies réside dans leur capacité à donner une dimension internationale à ce qui était auparavant d’intérêt local.

1. Utiliser les médias
Le rapport montre comment les services en ligne à vocation internationale, notamment sur l’internet, sont le prolongement naturel de l’action de la France en faveur de l’audiovisuel, particulièrement pour l’exportation des programmes. Il suggère qu’ils ouvrent aussi la voie à de nouveaux types de financement pour l’audiovisuel public. Il propose que soient engagées des réflexions aux fins de mieux définir les statuts des entreprises de presse en ligne et des journalistes employés par ces nouvelles structures.

2. Traduire et adapter les contenus et les services
La France doit accroître ses efforts en faveur de la traduction et de l’adaptation des contenus et des services multimédias. Le rapport insiste sur le devoir d’exemplarité de l’Administration et attire l’attention du Gouvernement sur l’état d’impréparation de l’Administration française face aux nouveaux besoins de traduction. Il propose la création d’une structure légère, utilisant toutes les possibilités de télétravail et de travail en réseau. Il suggère également des mesures visant à favoriser l’émergence d’une industrie plus forte dans ce secteur : mise en place de volets  » internationalisation  » dans chaque fonds de soutien, fléchage de crédits de recherche et développement et de capital risque.
* Acquérir une meilleure visibilité
Aujourd’hui, l’internet français est encore trop peu visible dans la société de l’information mondiale. Il est indispensable d’utiliser les stratégies propres à ce nouveau média pour en assurer la promotion.

1. Portails, moteurs de recherche et labels
Le rapport propose la mise en oeuvre de plusieurs  » portails « , sites génériques thématiques, véritables points d’entrée sur l’internet francophone, articulés autour du site général proposé dans le programme d’action gouvernemental  » France.fr « , notamment pour l’offre culturelle publique, l’audiovisuel et le cinéma français, le tourisme ou encore les jeunes francophones.
Il souligne les enjeux industriels mais aussi politiques liés aux moteurs de recherche et propose des actions de promotion des moteurs français, notamment au sein des services publics et associatifs. Il suggère également de mener des campagnes systématiques de référencement des sites internet français sur les moteurs de recherche internationaux.
Enfin, il préconise la mise en oeuvre de  » labels  » permettant de rassurer les utilisateurs sur la qualité des contenus et des services mis en ligne :  » label d’intérêt général culturel « , label  » santé « , ou encore  » label francophone de qualité « …

2. Être actifs dans les négociations et mettre en réseau
Définissant la société de l’information comme un nouvel espace, Patrick Bloche montre la nécessité d’y inventer une nouvelle diplomatie et d’y mener activement les négociations nécessaires. Il analyse les rapports nouveaux qui se créent entre les États et les associations, rappelle le rôle déterminant que doit jouer la puissance publique et souhaite que la France porte le message d’une société de l’information républicaine. À cette fin, il suggère un meilleur suivi des négociations internationales : programmes européens de la DG XIII, veille stratégique dans le domaine de la normalisation et de la standardisation, un exercice plus dynamique du multilatéral francophone ou en faveur des langues latines.
Enfin, outre les villas Médicis numériques, Patrick Bloche propose de mettre en œuvre quelques actions particulièrement visibles, notamment une exposition universelle numérique en trois dimensions et un projet d’encyclopédie du XXIème siècle.