Intervention de Patrick BLOCHE – Explication de vote au nom du groupe socialiste

Intervention de Patrick BLOCHE
Explication de vote au nom du groupe socialiste


Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,
Les heures supplémentaires que nous avons consacrées, la semaine dernière, au Pacte civil de solidarité n’ont rien apporté d’un point de vue purement parlementaire. En effet, le Sénat ayant fait le choix que nous ne saurions entièrement blâmer de nous renvoyer la copie que nous avions adoptée en deuxième lecture, notre Assemblée a donc patiemment réexaminé plus de trois cents amendements dont deux seulement avaient l’apparence de la nouveauté. Nous n’avons donc pas échappé à la répétition et c’est un texte non modifié par rapport à notre vote du 7 avril dernier sur lequel nous sommes amenés aujourd’hui à nous prononcer, les dispositions du Pacs étant désormais arrêtées de manière définitive.
D’un point de vue politique, il est néanmoins possible de tirer quelques enseignements de cette discussion en nouvelle lecture.
L’opposition a ainsi fait le choix prévisible, à quelques jours d’une échéance électorale, de tenir un discours familialiste vainement récupérateur, on l’a vu dimanche dernier, dont les références historiques sont bien connues. Le thème de la famille sera, sans nul doute, au coeur de la recomposition idéologique de la droite et donnera lieu à de belles surenchères conservatrices.
Qu’il soit permis à la majorité parlementaire de défendre, elle aussi, sa vision de la famille ou plutôt des familles, pour faire référence à nos échanges de la semaine passée. A cet égard, je rappelle pour mémoire que la définition de la famille retenue par l’Unaf, comme étant  » une unité de personnes fondée sur le mariage ou la filiation ou l’exercice de l’autorité parentale « , englobe un ensemble de situations très diversifiées qu’on ne saurait réduire à un modèle unique.
Le débat aura surtout permis à nos collègues de l’opposition de rivaliser d’imagination quant aux conséquences du Pacte civil de solidarité et, par le caractère particulièrement excessif des arguments développés, de relayer dans notre hémicycle une bien curieuse image de la société française.
A vous entendre, chers collègues, nos concitoyens seraient inévitablement pervers, intéressés, fraudeurs et auraient le tort d’être cosmopolites.
Ainsi, l’imposition commune : un droit légitime, en attendant la vraie modernité que sera demain la généralisation de l’imposition séparée y compris pour les couples mariés. Non, pour vous, c’est la recherche frénétique du partenaire fiscal idéal pour payer moins d’impôts.
Le régime spécifique des droits de succession : la possibilité offerte au survivant d’une union qui a pu durer vingt, trente ou quarante ans, de conserver un bien le plus souvent acquis en commun. Non, pour vous, c’est inéluctablement la porte ouverte aux détournements d’héritage les plus sordides.
Le transfert de bail : la nécessité d’assurer le droit au logement des plus faibles et d’éviter ainsi que ne soient jetés à la rue du jour au lendemain ceux qui ont comme première préoccupation de lutter contre la maladie. Non, pour vous, c’est obligatoirement la légalisation de la sous-location et un mauvais coup porté à la propriété immobilière.
A force de vous entendre, chers collègues, on pourrait finir par croire que l’argent, la propriété de biens matériels, l’acquisition ou la transmission d’un patrimoine sont les seules motivations de nos concitoyens. Quelle place faites vous donc à la quête du bonheur individuel qu’on a voulu opposer récemment, et bien imprudemment, à l’intérêt général ? Quel espace laissez vous à la relation amoureuse lorsqu’on souhaite la prolonger par une communauté de vie ? Quel rôle donnez vous aux liens affectifs dans le choix qu’un couple fait d’avoir des enfants ?
En cela, je souhaiterais reprendre la formule de notre collègue Monique Collange lorsqu’elle nous a déclaré préférer un Pacs d’amour à un mariage d’intérêt.
Car, en plus, pour ceux qui se sont exprimés à la droite de cet hémicycle, on ne peut qu’aimer français. Que n’avons nous entendu sur le fait que l’administration prenne désormais en compte l’existence d’un Pacs comme l’un des critères d’attribution d’une carte de séjour. Là non plus, pas de place pour les sentiments. Quand une Française ou un Français tombe amoureux d’un étranger, c’est qu’il est inévitablement un acteur de l’immigration illégale. Si on vous suivait dans vos logiques absurdes, l’expatriation serait la seule solution offerte à celles et ceux qui considèrent que l’altérité ne connaît pas les frontières.
Oui, décidément, nous nous opposons sur la capacité que notre société a à se réformer et la loi à être modifiée. Accrochés à vos préjugés et tétanisés par votre conservatisme, vous êtes incapables de nous accompagner dans la voie d’une construction juridique nouvelle qui puisse prendre en compte les choix de vie des millions de nos concitoyens qui s’aiment et qui vivent hors de l’institution matrimoniale.
Comme il l’a déjà fait à deux reprises, le groupe socialiste réaffirme avec force et conviction son soutien au Pacte civil de solidarité, car son existence prochaine contribuera à renforcer le pacte républicain.