Profession infirmière

1) Intervention de présentation d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998- séance du 31 octobre 1997

Article 1er (Rapport annexé)

Page 52, compléter le 1er alinéa par la phrase :

 » Le Gouvernement s’emploiera à étudier la situation des infirmières et infirmiers libéraux. Il s’attachera à prendre en compte les spécificités de l’exercice de cette profession, notamment en milieu urbain.  »

Dans le cadre de l’article concernant l’implication des professionnels dans la régulation de la médecine de ville, dans le rapport annexé, il s’agit d’insister plus particulièrement sur les difficultés posées par les dépassements des seuils annuels d’efficience par les infirmières et infirmiers libéraux. Cette profession a, en effet, la particularité de remplir un rôle spécifique et déterminant auprès de catégories de population en ville (personnes âgées ou isolées, personnes à très faibles revenus, personnes invalides, etc.), ce qui peut engendrer des dépassements de seuil.

Amendement n°168 à l’article 1er du rapport annexé

Cet amendement vise à la prise en compte de la spécificité de l’exercice de la profession d’infirmier ou infirmière libéral(e) dans le cadre des mécanismes de régulation de la médecine de ville.

Je le fais d’autant plus facilement que le Gouvernement a affirmé son souci d’impliquer les professionnels dans la régulation de la médecine de ville, et s’est déclaré  » prêt au dialogue sur les moyens d’améliorer les dispositifs de régulation globale « .

La spécificité que je souhaiterais évoquer est double : elle tient, d’une part, à l’exercice de la profession même d’infirmier libéral, et, d’autre part, à l’exercice de cette profession en milieu urbain.

Est-il nécessaire d’insister sur le rôle social des infirmiers et infirmières libéraux, tant leur travail dépasse largement la dispense pure et simple de soins ? Les témoignages de nombre de malades abondent en ce sens : patience, chaleur humaine, efficacité, proximité, sont autant de caractéristiques de ce travail quotidien.

Mais, C’est encore plus sur le rôle de santé publique rempli par les infirmières et infirmiers libéraux qu’il convient de s’attarder. Ne faut-il pas, en effet, s’interroger sur le système actuel, pénalisant parfois les infirmières les plus dévouées ou les plus compétentes, qui acceptent les urgences ou les horaires difficiles, ou qui ne refusent pas de prendre en charge des personnes des milieux sociaux très défavorisés ?

Face à l’importance de la demande de soins infirmiers à domicile, notamment en milieu urbain, n’est-il pas paradoxal que certains infirmiers ou infirmières libéraux soient alors pénalisés car ils auront accepté de s’occuper de malades pris en charge à 100 %, bénéficiant de l’AMG, ou, à Paris, de la carte Paris-Santé ? De libérales, certaines infirmières n’ont que le nom, car il reste bien peu de la liberté d’exercice de la profession, lorsque la conscience professionnelle interdit de trier entre soins à dispenser.

Me permettrez-vous de citer ici le témoignage d’un médecin de ma circonscription apportant son soutien à une infirmière libérale sanctionnée pour dépassement du seuil d’efficience. Cette infirmière, écrit ce médecin, est devenue « un pivot essentiel à la vie médicale et sociale de ce quartier caractérisé par une mosaique de populations très différentes, souvent en situation critique, où l’humanitaire est aussi indispensable que la compétence technique « . A la lecture de ce témoignage, il est permis d’avoir quelque difficulté à accepter que cette même infirmière, en raison d’un dépassement du seuil annuel d’efficience, doive reverser près de 1 00 000 francs à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Plusieurs dizaines d’infirmières à Paris se trouvent dans l’obligation de reverser, sans délai, des sommes tout à fait importantes à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, ce qui est vécu comme une injustice par les malades eux-mêmes.

On peut, en outre, s’interroger sur la pertinence des procédures de recours. Certes, ces procédures existent et respectent les droits de la défense et le caractère nécessairement contradictoire de l’examen des dossiers individuels. Néanmoins, ne serait-il pas plus logique de confier le contentieux des sanctions aux Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale et non aux Tribunaux Administratifs, comme c’est le cas actuellement ?

Je note, enfin, que l’article 12 de la nouvelle convention nationale prévoit que des recommandations de bonnes pratiques seraient élaborées par l’ANAES, afin de promouvoir la qualité des soins infirmiers. La prise en compte des spécificités du milieu urbain n’entre-t-elle pas, très logiquement, dans le type de ces recommandations de bonnes pratiques que l’ANAES est susceptible d’élaborer ?

Cet amendement peut apparaître attaché à une catégorie particulière de professionnels de la santé. Il me semble, néanmoins, essentiel, en ce qu’il participe, finalement, au-delà de son rattachement à l’article 1er, des trois priorités définies en tête du rapport annexé :

– améliorer la santé, bien sûr;

– réduire les inégalités et prêter une attention particulière aux plus fragiles, tout autant ;

– retrouver l’équilibre financier de la Sécurité Sociale avec comme impératif la meilleure utilisation des ressources, indirectement peut-être mais certainement.

 

2) Proposition de loi relative à la création d’un ordre national de la profession infirmière, séance du Vendredi 19 juin 1998

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,

La création d’un ordre national des infirmiers et infirmières est, je le pense sincèrement, une mauvaise réponse à de vraies questions et, notamment, celle de la représentation d’une profession qui regroupe plus de 200 000 professionnels de santé exerçant à titre public ou libéral.

Moins que la recherche d’une identité professionnelle ou d’un cadre statutaire – les règles du travail infirmier ayant été précisées il y a tout juste cinq ans par les décrets du 16 février et du 15 mars 1993 – les infirmiers et infirmières souhaitent avant tout être reconnus comme de vrais partenaires dans l’élaboration de notre politique de santé publique, à la mesure de la dimension centrale qu’ils ont progressivement prise dans notre système de soins.

Les infirmiers et infirmières sont conscients que leur profession est insuffisamment organisée : 8 % sont, en effet, adhérents d’une organisation professionnelle et 4 % d’un syndicat. Il est vrai que l’exercice de cette profession se trouve éclaté entre les institutions publiques ou privées et le cadre libéral. De même, leur rôle se trouve partagé entre les activités déléguées par le corps médical et les activités qui leur sont propres.

Alors que le décret sur leurs compétences est actuellement en discussion et que la convention nationale tarifaire est contestée, la création d’un ordre national n’apportera strictement rien à une profession qui a considérablement évoluée et qui s’interroge légitimement sur son avenir dans notre système de soins.

Même si les questions d’éthique et de déontologie professionnelle ne sont naturellement pas négligeables, je ne souhaiterais pas que, par l’adoption de ces propositions de loi, on passe complétement à côté des problèmes réels sur lesquels je me suis permis d’alerter le Gouvernement à deux reprises en moins d’un an.

Pour reprendre les préoccupations que j’avais exprimées devant notre Assemblée le 31 octobre 1997, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, puis le 14 mai dernier à l’occasion du débat sur le projet de loi d’orientation relatif à la lutte contre les exclusions, je souhaiterais aujourd’hui rappeler le rôle particulier et souvent déterminant tenu par les infirmiers et infirmières à l’égard de certaines catégories de la population, qu’il s’agisse des personnes âgées ou isolées, des personnes à très faibles revenus ou des personnes invalides.

Souvent, l’état de santé de ces personnes ne nécessite pas une hospitalisation, mais elles voient leur qualité de vie quotidienne améliorée de façon décisive par des soins à domicile qui, outre le soulagement physique qu’ils apportent, constituent souvent la seule relation humaine d’une journée, le seul lien social avec l’extérieur.

Pour la troisième fois en quelques mois, je veux faire part au Gouvernement de mon souci de ne pas voir pénalisée la profession infirmière dans le cas où les dépassements des seuils annuels d’efficience sont directement liés à la délivrance de soins aux personnes les plus démunies ou en situation de grande précarité.

Comme la maîtrise des dépenses de santé passe plutôt par le maintien des malades à domicile, est-il envisageable d’inciter les partenaires amenés à négocier la convention nationale à élaborer un nouveau mode de calcul comprenant une modulation dans le cas où l’infirmier ou l’infirmière accepte de s’occuper de malades pris en charge par des dispositifs spécifiques, comme l’A.M.G. ?

La prise en compte du type de patient auquel les soins sont apportés devrait permettre de favoriser le développement de l’offre médicale dans des zones qui souffrent actuellement d’une véritable carence, tout particulièrement le week-end ou pendant les vacances.

Voilà, mes chers collègues, ce que je considère être comme une vraie question à laquelle la création d’un ordre national n’apportera pas la moindre réponse. Je comprends parfaitement que l’opposition parlementaire souhaite faire oublier aujourd’hui le fait qu’elle ait totalement négligé la profession infirmière durant les quatre dernières années où elle était aux responsabilités. Mais, sincèrement, n’avons-nous pas mieux à faire ? N’est-il pas plutôt de notre responsabilité d’aborder toutes les questions que nous pose cette profession, qu’il s’agisse du cadre de ses compétences, de sa formation initiale et continue, de la tarification de ses actes et, bien sûr, de sa nécessaire représentation quand sont déterminés les grands choix de santé publique ?

C’est cette réflexion qu’il m’apparaît souhaitable d’aborder, notamment dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale et à la lumière des conclusions de la mission confiée à Monsieur Stasse, lorsque celles-ci seront rendues publiques à l’automne.

Je n’ai souhaité faire ni rappel historique, ni référence idéologique pour expliquer les raisons qui conduisent le groupe socialiste à rejeter ces propositions de loi. Les réalités actuelles de l’exercice de la profession infirmière sont suffisantes. Créer un ordre national est un acte totalement illusoire. Le respect dû aux infirmiers et aux infirmières nous interdit de le faire.