Communication de M. le Maire de Paris relative au cinéma et au théâtre à Paris
M. Patrick BLOCHE. – Merci, Monsieur le Maire. Je suis désolé de mon léger retard qui m’amène effectivement à avoir comme on dit passé mon tour.
Monsieur le Maire, le groupe socialiste et apparentés a pris connaissance de votre communication sur le cinéma et le théâtre. Malgré le travail souvent très productif que je suis amené au nom du groupe et avec beaucoup de mes collègues à concrétiser avec votre adjointe à la Culture, Mme MACÉ de LÉPINAY, et la Direction des Affaires culturelles, dont je tiens à saluer à la fois le travail et la compétence, j’ai quelques difficultés à ne pas avoir une vision critique sur cette communication.
En effet, aucune ligne directrice de la politique municipale en matière de théâtre et de cinéma, aucune politique globale, ne se dégage véritablement. Vous insistez surtout sur un soutien financier qui se révèle d’ailleurs, j’y reviendrai, notoirement insuffisant. Il s’agit visiblement plutôt pour vous d’annoncer un catalogue de mesures limitées, constituées principalement d’un saupoudrage budgétaire extrêmement modeste et de quelques initiatives municipales aux vertus, je le crains, éphémères.
Je commencerai par les théâtres municipaux d’arrondissement. Votre prédécesseur avait promis un théâtre par arrondissement. Dix ans après nous n’en sommes toujours qu’à 6 sur 20. Aucune politique cohérente sur Paris ne leur est véritablement proposée. La plupart du temps ils sont livrés à eux-mêmes, c’est-à-dire aux lois de l’offre et de la demande.
Il n’existe pas non plus de réflexion commune sur la programmation, les publics à toucher, l’aide à la création pour les compagnies parisiennes et les jeunes compagnies, ou encore les liens avec les quartiers et les parisiens.
En raison du manque de moyens – 3 millions de francs par an en moyenne par théâtre – pour assurer la gestion quotidienne des charges et la production, ils sont souvent obligés de travailler avec des bouts de ficelle. Certains sont même obligés de réduire leur programmation à la moitié de la saison avec des saisons qui commencent parfois en décembre ou janvier et qui se terminent en mai. On assiste de fait au développement d’une logique pas satisfaisante, telle que la location des salles de théâtre, des lieux de spectacle à Paris, pour permettre aux directions de ces théâtres de tenter d’équilibrer les charges.
On peut s’étonner que, dans cette communication, il n’y ait aucune indication, aucune ligne, sur le Théâtre de la Ville et des Abbesses où pourtant se jouent beaucoup de pièces de théâtre, ou encore sur le Théâtre du Châtelet, même si effectivement sa programmation est principalement musicale. Faut-il qu’à la prochaine séance du Conseil de Paris nous ayons une communication sur la danse et sur la musique ? Cela nous permettrait de voir les conséquences, pour ces deux grandes institutions culturelles de la Capitale, des mesures budgétaires qui ont été malheureusement prises en fin d’année dernière. De même, il n’a pas un mot sur la Gaîté Lyrique qui pourrait pourtant être restituée au théâtre puisqu’une salle symphonique n’y rentrera pas.
En matière de théâtre privé, vous vous honorez d’avoir aidé à hauteur de 5 millions de francs les crédits d’équipement de 22 théâtres privés sur cinq ans. Peut-on vraiment s’enorgueillir d’avoir aidé à l’équipement de 22 salles à hauteur de 45.000 F par an ? Si l’on rapporte cette aide aux 140 salles parisiennes cela représente une moyenne de 7.000 F chacune.
Pour l’avenir, vous vous engagez, à un an de la fin de la mandature, à accorder 3 millions de francs par an pour l’équipement des 140 salles parisiennes, soit 21.000 F par salle. Il faut préciser qu’avec un budget culture d’un peu plus de 700 millions de francs par an, si l’on s’en tient strictement au budget de la Direction des Affaires culturelles, soit un peu plus de 2 % du budget global, les moyens d’action restent forcément extrêmement limités.
J’ai noté que vous engagez des travaux au Théâtre du Chaudron pour un montant de 1.750.000 F pour la fin de l’année. Je me réjouis au passage que les Ateliers du Chaudron, qui n’ont pas de rapport direct aujourd’hui avec le Théâtre du Chaudron, sinon une proximité géographique et une occupation commune d’un lieu il y a peu, soient aujourd’hui relogés dans le 11e arrondissement. L’inauguration a d’ailleurs eu lieu lundi dernier.
Je note également qu’une aide exceptionnelle de 10 millions de francs à répartir sur 2000 et 2001 (dans le cadre de la convention U3M passée avec l’Etat) est accordée au théâtre de la Cité universitaire, dont je salue l’excellent travail et la grande qualité de la programmation. Je tenais à saluer ce double effort.
En ce qui concerne les aides fiscales, il faudrait peut-être rappeler que les aides et mesures fiscales accordées sont à mettre au crédit du Gouvernement JOSPIN, j’évoque ici l’exonération de la taxe professionnelle sur les spectacles par la loi de finance 1999 et 2000. Vous savez que les élus socialistes et apparentés de la Capitale ont été très mobilisés dès juillet 1999 sur cette question.
En matière de politique des publics, il s’agit là encore de saupoudrage sans véritable réflexion sur la manière dont doit être conduite une politique culturelle vers « les publics ». Certes, des subventions sont accordées à des théâtres tournés vers les jeunes publics, certes il y a une opération « 100.000 places jeunes » avec tout de même des places à 70 F, certes il y a les opérations « prenez une place venez à deux » ou « 18 heures – 18 F », mais cette addition de mesures ne constitue pas véritablement une politique.
Rappelons aussi que les opérations « invitations » pour le théâtre, le cinéma ou la musique se sont jusqu’à l’année dernière déroulées à travers l’association para-municipale « Les Invitations de Paris ». Il a fallu l’intervention ferme et répétée des élus socialistes et apparentés pour que la situation soit régularisée par une reprise de ces opérations en gestion directe par la Ville.
Je souhaiterais rappeler ce que j’ai déjà dit à cette tribune : une politique tarifaire ne fait pas une politique culturelle et nous aurions tort de considérer les Parisiens uniquement comme des consommateurs culturels.
Par ailleurs, les aides aux projets de la Ville de Paris sont faibles par rapport à celles d’autres grandes villes ou d’autres départements. La dotation de 500.000 F pour « la mise en œuvre d’une politique dynamique de soutien aux jeunes créateurs » annoncée apparaît extrêmement modeste au regard des besoins sur Paris.
Cependant, les besoins des compagnies de théâtre ne sont pas uniquement financiers. Le milieu du spectacle vivant, dans toute sa diversité, réclame principalement sur Paris des espaces pour jouer et des lieux pour répéter.
Sur ce plan, l’offre municipale est quasi nulle. C’est une demande que nous vous faisons déjà depuis plusieurs années. Il est à regretter qu’à Paris la notion de résidence pour les compagnies théâtrales ou pour les compagnies chorégraphiques n’ait pas de réalité.
Surtout, comme pour toutes les attributions de subventions, c’est l’obscurité qui règne sur les critères de sélection des projets et d’attribution des subventions.
Le groupe socialiste souhaite donc répéter son exigence de transparence en ce domaine : sur la totalité des demandes de subventions faites auprès de la Mairie de Paris, sur les choix de sélection, et enfin sur l’instance habilitée à choisir (comités ou commissions composées d’élus de la majorité et de l’opposition, de personnes qualifiées de la profession, de l’administration municipale en association pour assurer une cohérence générale, et de la D.R.A.C.)
En matière de cinéma, je me permettrai de commencer en évoquant le développement des multiplexes.
En effet, la principale aide que la Mairie de Paris a apportée en matière de cinéma ces dernières années a été de favoriser l’implantation de multiplexes dans la capitale. Qu’il s’agisse des U.G.C. Ciné-Cité aux Halles et à Bercy ou du multiplexe Gaumont à l’Aquaboulevard, la Ville de Paris a activement, voire directement, participé à leur implantation.
La manière dont ont été choisies les implantations, la manière dont s’est assuré ce développement mettent en péril des zones cinématographiques très précises.
Avant mon intervention, il a déjà été évoqué les conséquences du multiplexe de l’Aquaboulevard sur les cinémas du 15e et notamment celui de Beaugrenelle.
Je souhaiterais rappeler que toutes les demandes de création de multiplexes à Paris depuis 1993 ont fait l’objet de votre part, ou celle de votre représentant, d’une autorisation d’implantation en commission départementale d’équipement cinématographique systématiquement et sans états d’âme, je le regrette.
Les élus socialistes et apparentés ont toujours considéré que les multiplexes pouvaient représenter une menace pour les salles indépendantes ou d’arts et d’essais parisiennes. Les chiffres publiés ces deux dernières années nous donnent hélas raison. Car si les multiplexes amènent une plus grande fréquentation des salles de cinéma, elles se font, hélas, uniquement en faveur du cinéma américain.
Dans un souci de cohérence, nous avons demandé, en juin 1997, à Mme la Ministre de la Culture qu’un recours soit formé auprès de la Commission nationale afin qu’une régulation se fasse sur Paris. Suite à cette intervention, la Commission nationale a commencé à établir une jurisprudence à laquelle le Maire ne peut désormais que se référer.
Les 1,5 million de francs que vous promettez pour le cinéma indépendant risque de n’être qu’une goutte d’eau par rapport aux besoins des petits salles obligées de se mettre au niveau de confort et de sécurité exigé aujourd’hui, et donc nécessaire à leur survie.
Je me félicite néanmoins que le Champo soit en voie d’être sauvé grâce à la réponse favorable de l’Etat pour engager la procédure de classement. Je me félicite que vous vous soyez engagé sur ce cinéma qui se situe dans votre arrondissement. On aimerait autant d’énergie municipale mobilisée sur d’autres lieux culturels menacés dans d’autres arrondissements, parfois dans des immeubles municipaux comme les Trois Baudets.
Sur la Pagode, il est heureux que vous vous intéressiez à ce lieu. Rappelons que mes collègues Bertrand DELANOË et Alain MORELL vous avaient sollicité sur ce sujet l’été dernier. Ils n’ont jamais reçu de réponse à leur courrier. Ils indiquaient entre autres que dans un double souci de maintien des salles de cinéma de proximité sur Paris et de préservation d’un élément extrêmement original du patrimoine parisien, ils souhaitaient que la Municipalité se saisisse de ce dossier.
La Ville de Paris n’est jamais intervenue sur ce dossier jusqu’à présent alors qu’elle en a la possibilité grâce aux aides qu’elle peut accorder à la modernisation des salles. La Municipalité doit avec les autres partenaires (Gaumont, SCI Foch-Dauphine, Ministère de la Culture, Conseil régional Ile-de-France) trouver les voies du dialogue et les moyens financiers qui permettront de sauver cette salle.
Je terminerai sur le Forum des Images. C’est incontestablement une réussite. Je voudrais finir mon intervention sur une note positive. Il faut à cet égard féliciter Michel REILHAC et toute son équipe du travail formidable qu’ils réalisent pour cette structure à la pointe de l’innovation, par une programmation et une production de films à la fois originale, libre et indépendante. On peut tout de même regretter l’insuffisance des moyens de production. On pourrait sans conteste doubler le budget de co-production qui ne s’élève aujourd’hui qu’à 1 million de francs.
La proposition d’une avenue du cinéma dans cette partie des Halles n’est pas une mauvaise idée. Néanmoins, la Mairie de Paris ne peut se permettre de faire l’économie d’une réflexion urbanistique sur l’ensemble du quartier des Halles.
Voilà, Monsieur le Maire, les principales observations que nous voulions faire à la lecture de votre communication. Nous souhaiterions avoir à l’avenir une communication plus globale sur la culture. J’ai déjà évoqué le fait que votre communication ne traite pas de la musique et la danse, de la globalité du spectacle.
Il reste néanmoins deux questions qui n’apparaissent pas dans votre communication et qui sont les deux questions fondamentales à mon avis visant toute politique culturelle menée dans la Capitale :
Paris est-elle aujourd’hui la capitale culturelle qu’elle a été hier ? Elle est actuellement fortement concurrencée par de grandes métropoles : Londres, Berlin, Milan et Barcelone pour évoquer une ville du sud de l’Europe. Je crains que nous nous soyons endormis sur nos lauriers, que nous ayons privilégié avant tout la diffusion culturelle au détriment de la création et, de ce fait je me permettrai de vous poser une deuxième et dernière question : quelle est aujourd’hui la place de l’artiste dans une ville comme Paris ?