Internet et droit d’auteur

M. Patrick Bloche. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, en abordant la question essentielle de la rémunération des auteurs et des créateurs dont les oeuvres sont disponibles sur Internet, vous avez voulu rappeler une évidence sans contenus, il n’y a pas de société de l’information.

Alors que la seule décision prise aujourd’hui concerne les supports vierges amovibles, de type CD ou DVD, et en aucune façon les mémoires intégrées, comme celle des ordinateurs et des terminaux, il apparaît sans doute souhaitable de préciser les conditions de répartition et d’utilisation de cette rémunération, qui va intégralement aux auteurs, aux ayants droit et, pour une part non négligeable, au soutien à la création. Parler d’impôt nouveau à cet égard relève de la contre-information.

Le Parlement a d’ailleurs pris ses responsabilités en inscrivant dans la loi du 1er août 2000 – ce n’est pas si vieux – les conditions d’une plus grande transparence dans la gestion des sommes ainsi collectées.

En conséquence, pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer les voies qui, selon vous, permettront de trouver le juste équilibre entre des préoccupations parfois contradictoires, qui prennent en compte, tout d’abord, l’absolue nécessité du maintien de la copie privée, dont on ne saurait oublier qu’elle est au coeur des pratiques culturelles et de la transmission des savoirs, ensuite, la juste et transparente rémunération des créateurs de contenus et des ayants droit, et, enfin, la poursuite d’un objectif majeur défini par le Premier ministre dès 1997, à savoir la démocratisation de l’accès à l’Internet et de son usage dans notre pays, notamment par une baisse constante des coûts d’utilisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je vous remercie de cette question qui me permettra, je l’espère, d’apaiser les inquiétudes, du moins celles qui sont sincères. C’est en effet une bonne vieille tactique que de crier « au feu ! » avant qu’il n’y ait un incendie, l’ampleur des réactions donne la mesure des passions que suscitent les nouvelles technologies, notamment dans le monde de l’Internet, et aussi des appétits économiques qui s’y attachent. Je souhaite ramener le débat à sa réalité. Le Gouvernement ne taxe pas les ordinateurs et n’a pas l’intention de le faire. D’ailleurs, les décisions qui viennent d’être prises par la commission ne concernent pas les ordinateurs, elle a statué sur les supports numériques amovibles, CD et DVD vierges, en rapprochant efficacement des points de vue souvent fort différents. La décision qui a été publiée au Journal officiel ne concerne que ces supports et elle est légitime dans la logique de la loi de 1985.

Mais vous abordez aussi, monsieur le député, à juste titre, la question essentielle de l’économie des contenus dans l’univers numérique. Il ne peut y avoir, dans ce pays comme ailleurs, de création durable et de qualité sans garantir une rémunération juste de l’ensemble des ayants droit.

La rémunération pour copie privé, en particulier dans l’univers numérique, est l’un des éléments de cette dynamique. En quinze ans, la loi de 1985 en faveur de la création a fait preuve de son efficacité. Toutes les professions concernées le soulignent d’ailleurs aujourd’hui, et je m’indigne qu’elles puissent être considérées par certains ici comme une petite minorité d’obligés et d’assistés. Ce mépris pour nos auteurs n’honore pas ceux qui tiennent de tels discours.
De surcroît, je pense vraiment que, dans le nouvel environnement numérique, opposer culture et industrie en négligeant la rémunération des contenus est une aberration pour l’économie même de la société de l’information. Tous s’accordent sur l’importance vitale des contenus. En conséquence, nous serons extrêmement vigilants dans l’examen des propositions qui émaneront de la commission. Je le répète : nous n’envisageons pas de taxer les ordinateurs, qui ne sont pas le support exclusif de la copie, et tout le monde sera attentif aux conséquences économiques, industrielles et sociétales des décisions. Vous avez évoqué la nécessaire transparence. Celle-ci relèvera de la commission de contrôle des sociétés d’auteurs, comme le Parlement en a décidé au mois d’août 2000.