Débat relatif à la sécurité

Intervention de Patrick BLOCHE,Président du Groupe Socialiste et Radical de Gauche.

Monsieur le Maire, mes chers collègues, inscrire, dès le début de cette mandature, le thème de la sécurité à l’ordre du jour de notre assemblée a – paraît-il – surpris sur quelques bancs du conseil, voire dans quelques salles de rédaction. Comment s’étonner pourtant que vous ayez fait ce choix, Monsieur le maire, alors que l’insécurité est, pour nos concitoyens, une des principales inégalité vécue ou ressentie. Face à cette urgence sociale, la nouvelle municipalité parisienne se devait d’aborder sans tarder un thème si maltraité durant les campagnes électorales, par ceux qui – par calcul ou faute de projet – ont toujours voulu réduire la sécurité :
– soit à sa mesure chiffrée pour faire l’économie d’une évaluation en profondeur,
– soit à des pétitions de principe pour faire l’économie de mesures concrètes.

Le plan que vous nous annoncez, Monsieur le maire, est une réponse, sans précédent, à ce défi et à cette exigence formulée par nos concitoyens.

Plutôt que de rouvrir le sempiternel débat sur l’existence d’une police municipale à Paris, vous avez d’emblée choisi de le dépasser en nous proposant principalement un nouveau partenariat entre la ville et la préfecture de police, une nouvelle co-production nous a même indiqué Monsieur le préfet, alors que le festival de Cannes vient de se terminer… Quel meilleur qualificatif que celui là pour traduire avant tout le nouvel esprit qui caractérise les relations entre mairie et préfecture, le chiffon rouge de la police municipale ayant enfin été rangé au rayon des indécisions et des opportunismes de toujours. Votre politique de sécurité s’inscrit donc pleinement dans la lutte contre les inégalités sociales – mais aussi dans la lutte contre les inégalités sexuelles avec les violences qui touchent principalement les femmes.

La sécurité conditionne l’exercice même des libertés publiques et privées. Et, dans ce domaine, Paris apporte enfin des réponses tangibles à des problèmes quotidiens. Avec Christophe CARESCHE, adjoint chargé de la prévention et de la sécurité dont je tiens à saluer le remarquable et si rapide travail en coordination avec Monsieur le préfet de police, vous avez, Monsieur le maire, relevé le défi en plaçant le débat au niveau qui s’imposait, en affichant des principes d’action et en mobilisant les moyens correspondants. Car trop souvent encore, la sécurité est abordée sous le seul angle de la répression alors qu’elle relève aussi d’une politique d’urbanisme et de cadre de vie.

Oui, Monsieur le maire, nous pensons avec vous qu’une politique en faveur de la réhabilitation de l’habitat dégradé et d’une plus grande mixité sociale participe de la mobilisation pour la sécurité. Et, dans ce cadre, une municipalité a un rôle éminent à jouer. Il était temps que la ville aborde les questions de sécurité avec tous ses partenaires afin que chacun prenne ses responsabilités. C’est le sens de la relance du Contrat local de sécurité et du renforcement de son contenu que vous proposez, ce dont nous nous félicitons. D’abord parce que la mobilisation de tous les partenaires permet une approche globale et cohérente. Il s’agit des policiers, bien sûr, mais aussi des autres services publics (justice, éducation nationale, …), des associations, des bailleurs sociaux et des habitants. Ensuite parce que – je vous prie d’excuser le rappel de cette évidence – la sécurité n’est ni l’affaire de la seule police, ni l’affaire des seuls experts en sécurité. D’ailleurs, on constate souvent que plus le nombre d’experts augmente, plus les solutions proposées se réduisent à traiter la lutte contre la criminalité en la séparant de ses causes économiques et de son analyse sociologique. En donnant la parole, en partie aux experts, mais aussi et surtout aux acteurs de terrain, aux citoyens et aux institutions, vous manifestez le souci d’aborder toute les dimensions d’une politique responsable de la sécurité : avec les transports, le logement, l’école, l’environnement et j’ajouterai, avec les mesures de développement économique dont nous avons débattu lors de la séance budgétaire. Vous permettez ainsi de croiser les approches, la spécificité géographique et sociale des quartiers, bref vous donnez du corps à la notion même de proximité. Et la déclinaison du Contrat local de sécurité dans les arrondissements avec les conventions territoriales confirme cette orientation résolument proche des habitants et de leurs préoccupations les plus immédiates.

Cette mobilisation se traduit aussi par une responsabilisation accrue de tous. La sécurité, que ce soit dans sa version prévention ou dans sa version répression, a trop souvent consisté à se dessaisir de ses responsabilités. D’un côté, on enrôle les acteurs locaux dans une vision purement  » policière « . De l’autre, on fait exécuter des tâches diverses par des policiers. Or un officier de police judiciaire n’a pas pour vocation d’effectuer des tâches de secrétariat, ni d’être conducteur. Le nouveau partenariat avec la préfecture de police a été conçu avec la volonté partagée de clarifier les rôles de chacun, les métiers et les fonctions étant alors reconnus dans leur diversité et avec leurs prérogatives. Il a ainsi pour conséquence majeure un redéploiement significatif, sur le terrain, de 1000 policiers qu’accompagne un recentrage sur leurs missions principales. En contrepartie, la Ville va assumer, par exemple, les missions de sécurisation des sorties d’école et celles de la brigade chargée des Sans domicile fixe. Les critiques envers cette redistribution des rôles sont contradictoires. Et finalement embarrassées, parce que vous savez, chers collègues, que Paris n’a jamais autant perdu d’emplois de policiers que sous le ministère de Monsieur DEBRE. Certains affirment donc qu’il n’y a rien de nouveau et que les parkings étaient déjà surveillés. Quand d’autres affirment qu’il s’agit là du premier pas vers la création inéluctable d’une police municipale. La nouvelle majorité serait, en quelque sorte,  » condamnée  » à reconnaître que la précédente avait raison.

Mais où est la police municipale  » bas de gamme  » que vous avez crû apercevoir derrière ce plan ? Je laisse de côté le qualificatif de  » bas de gamme  » qui traduit plus qu’une condescendance envers les personnels et les missions qu’ils seront amenées à remplir. Où est donc la police municipale ? Dans les 1000 policiers que le préfet va remettre sur le terrain et qui permettront de doubler les patrouilles d’îlotage ? Ce ne peut être là puisqu’il s’agit de la police nationale ! Dans les créations d’emplois décidés conjointement par la préfecture et la ville ? Dans ces agents de police judiciaire adjoints au pouvoir renforcé ? Mais c’est oublier qu’ils sont sous l’autorité du préfet avec des objectifs d’actions pris en concertation avec la ville. L’enjeu de la sécurité parisienne mérite mieux que cette surenchère qui consiste soit à défendre un bilan que les Parisiens ont sanctionné en mars dernier, soit à réclamer en 3 mois ce que l’on a été incapable de mettre en œuvre en 25 ans.

Qu’il me soit également permis d’insister sur la relance et l’enrichissement du Contrat local de sécurité. Un contrat qui ne méconnaît aucune approche : préventive, répressive et éducative. En effet, Monsieur le maire, il ne s’agit plus d’opposer prévention, éducation et sécurité mais de fixer loyalement le cadre de l’action de chacun et de dégager un certain nombre d’objectifs communs et surtout les moyens nécessaires à leur réalisation. A ce titre, la justice a naturellement toute sa place pour apporter des réponses rapides et graduées aux actes délictueux et pour placer le délinquant face à la loi qu’il a enfreint. En matière de prévention, les moyens qui ont fait l’objet d’un effort particulier dans le budget 2001, consistent, le plus souvent, à déléguer le service public au profit d’associations et de clubs. Ces moyens devront être examinés avec attention et soumis à une forme d’évaluation afin que soit levé les interrogations parfois exprimées sur leur efficacité. De même, en matière de répression, nous serons attentifs à ce que la nouvelle approche du Contrat local de sécurité et la redistribution des rôles soient l’occasion d’une reconnaissance renouvelée des missions particulières de l’Etat à Paris.

Comment ne pas vous rendre hommage, Monsieur le préfet de police, pour la fermeté de votre engagement personnel et la détermination dont vous avez déjà fait preuve dans la réaffectation des moyens dont vous disposez. Et comme le rappelait récemment, Daniel VAILLANT, la municipalisation de la police ne résoudrait rien, notamment parce que les phénomènes de violences de plus en plus mobiles ignorent les frontières administratives.

Avec ce plan de sécurité, Monsieur le maire,  » vous ne redécouvrez pas l’Amérique « , comme l’a déclaré un de nos collègues. Bien au contraire, vous avez trouvé une voie parisienne collective, responsable et partagée pour répondre à ce qui est une préoccupation majeure des Parisiennes et des Parisiens. Le groupe socialiste et radical de gauche ne vous ménagera pas son soutien, Monsieur le maire. A la mesure de l’ambition que vous nous proposez aujourd’hui.

(Applaudissement)