Déclaration suite à la communication du Maire de Paris intitulée « Paris: Le Temps de la Décentralisation ».

Intervention de Patrick BLOCHE, Président du Groupe Socialiste et Radical de Gauche.

Monsieur le Maire,

Mes chers collègues,

Disons-le d’emblée : il n’est pas courant, moins de trois mois après avoir reçu le pouvoir du suffrage universel, de vouloir le rendre. Et pourtant, Monsieur le Maire, c’est le nouveau pari que vous nous proposez aujourd’hui, fidèle en ce domaine à la tradition de la gauche qui avait fait voter les grandes lois de décentralisation dans l’année suivant l’alternance de 1981. J’emploie à dessein le mot de  » pari  » puisque la communication que vous nous avez présentée a pour objet de transférer des compétences et des moyens vers les 20 maires d’arrondissements dont 8 se réclament de l’actuelle opposition municipale.

Il reste que le pari principal que vous faites, c’est sans aucun doute celui de la démocratie, cette exigence suprême qui se trouve au cœur du contrat de l’alternance. Car le pouvoir que vous souhaitez rendre aujourd’hui, c’est avant tout aux Parisiens que vous le restituez. En faisant franchir à la démocratie participative une étape décisive.

Il n’est pas surprenant, de fait, que nous ayons, aujourd’hui, une opposition municipale embarrassée et, ce n’est pas nouveau, en but à ses propres contradictions.

C’est, tout d’abord, votre prédécesseur, Monsieur le Maire, qui vous a accordé récemment 16 sur 20 pour la réorientation de votre politique en faveur des arrondissements. C’est ensuite, le RPR qui, s’étant endormi jacobin lorsqu’il était au pouvoir, vient de se réveiller girondin dans l’opposition. Et qui, sans doute par manque d’imagination, nous ressort le statut spécifique de Paris alors même qu’il s’agit de remettre Paris dans le droit commun afin de casser un système installé il y a 24 ans. C’est ce souci de transparence qui nous a conduits à prendre rapidement l’initiative sur le plan législatif afin de supprimer le régime dérogatoire de la questure du Conseil de Paris. La commission des lois de l’Assemblée nationale nous a d’ailleurs suivis en adoptant, la semaine dernière, un amendement visant à ce que les moyens de fonctionnement de notre assemblée soient désormais contrôlés par les juridictions financières comme dans toutes les autres collectivités.

Sur cette voie de la décentralisation que vous nous invitez à prendre, Monsieur le Maire, nous trouvons naturellement les élus de Démocratie libérale qui se sont immédiatement positionnés dans la surenchère. Je n’en voudrai pour preuve que le vœu qu’ils nous ont proposé en première commission et qui vise à ce que des subventions soient votées par les Conseils d’arrondissement. Je n’ai pas le souvenir que Monsieur DOMINATI père, Premier adjoint au Maire de Paris jusqu’en mars dernier, ait ne serait-ce que songé à prendre une telle initiative tout au long de 4 mandatures. Surtout, il apparaît évident que nous n’avons pas la même conception de la décentralisation tant les objectifs poursuivis par Démocratie libérale auraient à terme pour effet un affaiblissement durable de la capacité d’intervention de la puissance publique face aux intérêts privés, conduisant par là même à la remise en cause de l’unité de Paris.

La seule réalité qui peut rassembler l’opposition municipale, c’est finalement, que, jusqu’à présent, rien n’a été fait en matière de décentralisation autrement qu’à l’initiative des 6 mairies d’arrondissement de gauche depuis 1995 ou en application de décisions des tribunaux administratifs.

En fait, la droite n’a pas de bilan en matière de décentralisation.

D’abord, elle s’est violemment opposée, en 1982, à l’adoption de la loi Paris Marseille Lyon (PML) qui a été la première grande mesure de décentralisation relative à Paris. Ensuite, Messieurs CHIRAC et TIBERI ont considéré les arrondissements comme de simples échelons administratifs. Ils n’ont pas voulu appliquer la loi PML ou ils en ont fait une lecture restrictive, installant de fait un système de pouvoir aussi centralisé que verrouillé. En fait, à Paris, ce n’est qu’à partir de 1995, que l’étau s’est desserré quelque peu parce que l’alternance s’était produite dans 6 arrondissements sur 20. C’est d’ailleurs dans ces 6 arrondissements, que la démocratie de proximité a commencé à émerger à travers la création de conseils de quartier ou de forums associatifs ou encore par l’organisation de consultations locales.

Quant à la nécessaire réforme de la loi PML, ce n’est que maintenant que les maires d’arrondissement de l’opposition municipale, ayant – enfin – libéré leur parole, réclament plus de pouvoirs. C’est oublier un peu vite que depuis 1982, trois Premiers ministres RPR ont siégé au Conseil de Paris, sans qu’aucun n’engage la moindre initiative qu’aujourd’hui leur parti juge néanmoins indispensable.

A la différence de ses prédécesseurs, la nouvelle majorité municipale agit, et sans tarder, en engageant un processus de réforme sans précédent. Sur les 3 points à l’ordre du jour de nos débats : la suppression de la questure, régime d’exception financière ; la redéfinition des rôles respectifs du maire et du préfet en matière de circulation et de stationnement et la réforme de la loi PML, vous lancez, Monsieur le Maire, les réformes annoncées pendant la campagne électorale.

Le processus de décentralisation a déjà franchi une première étape lorsque les crédits mis à disposition des mairies d’arrondissement ont augmenté de 30% dès le premier budget de la mandature. La deuxième étape est l’objet du présent débat. Elle consiste d’abord à mettre en œuvre toutes les dispositions de la loi PML. Je pense particulièrement au transfert vers les arrondissements de la gestion des équipements de proximité. C’est, dans cet esprit, qu’il faut envisager la possibilité, pour notre Conseil, de prendre des initiatives nouvelles en terme de délégation offrant enfin une lecture ouverte et dynamique de la loi.

De leur côté, les parlementaires socialistes parisiens ont déjà mené leur propre réflexion qui a conduit au dépôt, par Michel CHARZAT, d’une proposition de loi dès 1999. Le gouvernement ayant lancé une nouvelle phase de la décentralisation qui passe par la discussion prochaine du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, il nous est apparu opportun de profiter de cette fenêtre législative. Ce n’est donc pas une surprise sauf peut-être pour ceux qui n’étaient pas à Paris en 1999. Il s’agit tout simplement de traduire par voie d’amendements une volonté législative d’aller plus loin dans la décentralisation parisienne. Et ce n’est faire offense ni au débat d’aujourd’hui qui en est le préalable démocratique, ni au Parlement, que d’utiliser le droit d’amendement, procédure garantie par la Constitution.

Notre débat vise à une nouvelle répartition des pouvoirs entre le Maire de Paris et les maires d’arrondissement, mais aussi entre le Maire de Paris et le Préfet de police.

Entre le Maire de Paris et le Préfet de police, il s’agit avant tout, de responsabiliser différemment chacun des acteurs, l’Etat ayant une mission particulière de maintien de l’ordre public dans la Capitale ; et la municipalité ayant une mission générale d’aménagement urbain et par-là même d’amélioration du cadre de vie des Parisiens.

Entre le Maire de Paris et les maires d’arrondissement, il s’agit de trouver, pour chaque compétence, le bon niveau d’administration. Celui qui préserve les intérêts et la cohérence de Paris, en tant que métropole internationale où convergent de nombreuses manifestations tant sportives que culturelles ; mais celui qui permet aussi la concertation entre les élus et l’intervention des citoyens et des associations qui les représentent.

Les modalités de cette intervention doivent prendre une forme régulière et institutionnelle avec, notamment, les conseils de quartier. Elle peut être aussi plus occasionnelle. Car l’exercice de la démocratie en milieu fortement urbanisé est sous la contrainte de modes de vie qui laissent peu de disponibilité pour des engagements collectifs. Les Parisiens – et que dire des Parisiennes – voient ainsi leur temps partagé entre travail, loisirs et famille. C’est pourquoi la participation des citoyens à la vie de notre cité passe, de fait, par des formes de mobilisation qui sont concentrées dans le temps et dans leur objet. Elles se sont concrétisées notamment par un renouveau du mouvement associatif qui s’inscrit dans une action rapide et ciblée. Une action qui concerne souvent l’amélioration du cadre de vie, des préoccupations très locales, pour ou contre un projet culturel, social ou urbanistique.

Les Parisiens ont prouvé, à plusieurs reprises, leur attachement à une vie locale à refonder sur des valeurs d’entraide et de convivialité. Plusieurs succès cinématographiques, de Chacun cherche son chat à Amélie Poulain, ont en commun le spectacle d’une solidarité de proximité en reconstruction. Ils présentent, de la Bastille en mutation jusqu’à la butte Montmartre villageoise, un consensus fraternel dans lequel les Parisiens se reconnaissent. Mais ces deux films ont aussi ceci de particulier qu’ils s’inscrivent parfaitement dans ce que j’appellerai la démocratie de l’instant. On n’y parle pas politique, mais on intervient, en tant que de besoin, dans les affaires collectives. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette forme de participation épisodique à la démocratie locale se développe alors que se construit la société de l’information, société en réseaux. C’est dire que nous aurons à cœur de mobiliser les nouvelles technologies de la communication au service de l’information des Parisiens et du questionnement ou de l’interpellation des élus.

Nos débats, mes chers collègues, n’intéresseront les Parisiens qu’à condition que nous ne sacrifions ni la démocratie, ni l’efficacité.

La démocratie parisienne est ainsi à la fois une démocratie représentative respectueuse d’un statut de l’opposition et des conditions de son expression, mais aussi une démocratie de l’instant qui permet à nos concitoyens d’être informés, consultés et associés, de manière permanente, aux décisions qui les concernent.

La gestion de proximité et l’approfondissement de la citoyenneté nécessitent de sortir enfin d’une démocratie octroyée au hasard des promesses et des calendriers électoraux, pour faire clairement le choix d’une démocratie de droit commun.

La décentralisation est un des moyens que nous développerons pour inventer, avec les Parisiens, une raison de vivre ensemble, un sens de la collectivité, des valeurs de sociabilité et de solidarité. Ensemble assurons le nécessaire élargissement d’un espace public de débat que pourrait menacer, à terme, une sphère privée par trop envahissante. C’est dans cet esprit que les élus du groupe socialiste et radical de gauche apporteront leur contribution au débat que vous avez initié, Monsieur le Maire, et qui se poursuivra tout au long de la mandature.

(Applaudissement)