Discours concernant le protocole d’accord-cadre relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans…

Monsieur Patrick BLOCHE, Président du groupe Socialiste et Radical de Gauche à l’Hôtel de Ville de Paris.


Avec ce protocole d’accord-cadre relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, nous retrouvons, Monsieur le Maire, l’esprit des grandes lois et des grands accords qui ont jalonné notre histoire sociale. Il est vrai qu’il aura fallu un siècle pour diviser par deux le temps de travail hebdomadaire légal et passer de la semaine de 70 heures en 1900 à celle de 35 heures aujourd’hui avec des étapes intermédiaires bien connues : les 40 heures en 1936 et les 39 heures en 1982.


Chacune de ces étapes ne s’est pas déroulée dans le même contexte économique et social. La réduction du temps de travail a pris ainsi un sens sensiblement différent lorsqu’il s’agissait principalement de libérer l’ouvrier de la machine, d’accorder du temps libre au salarié ou encore de lutter contre le chômage de masse.


Cette réduction du temps de travail a aussi eu des modalités très différentes selon les époques. Un grand accord unique et uniforme a été nécessaire lorsque seul comptait le rapport entre les forces sociales et qu’il fallait vaincre des années d’autoritarisme patronal. Mais la voie des lois d’impulsion fixant seulement le cadre horaire a été retenue lorsque le dialogue social, devenu répandu et légitime, s’est chargé de négocier les modalités pratiques de son application.


C’est donc à l’issue d’une négociation que nous sommes, aujourd’hui, appelés à débattre de l’accord-cadre visant au passage aux 35 heures dans l’administration parisienne.


Comment ne pas souligner que cette négociation avait pris un retard considérable sous la précédente mandature, la majorité d’alors jouant la montre dans l’attente des élections. Je tiens de fait à saluer avec force le travail remarquable d’efficacité conduit par François DAGNAUD dont les talents de médiateur et de négociateur ont depuis longtemps été reconnus au-delà de la gauche plurielle parisienne.


Cette négociation a été menée très rapidement par nécessité, néanmoins sans précipitation. Tous les partenaires sociaux ont été entendus et la plupart ont apporté des contributions très intéressantes à plusieurs dispositions de l’accord pour en améliorer leur contenu.


Car cet accord-cadre pose – dès le début de la mandature – les bases d’un nouveau dialogue social au sein de la Ville, non seulement il diminue le temps de travail, mais encore il donne les pistes d’une véritable réforme de l’administration parisienne. C’est pourquoi s’il est d’abord tourné vers les principaux intéressés, à savoir les agents de la Ville et du Département, il intéresse les Parisiennes et les Parisiens dans leur ensemble. Car réduire le temps de travail, ce n’est naturellement pas allonger les files d’attente. Et c’est avec cette double préoccupation à l’esprit que le groupe socialiste et radical de gauche souscrit pleinement, Monsieur le Maire, à votre démarche.


L’accord-cadre est tourné vers les Parisiens parce que la nouvelle municipalité s’est fixée comme priorité de développer un meilleur cadre de vie et parce que l’administration locale ne peut rester à l’écart de l’évolution des modes de vie urbains et des demandes de ceux de nos concitoyens qui ont des horaires très contraints ou dont la mobilité est limitée. C’est tout l’enjeu du bureau des temps animé par Anne HIDALGO qui veille à trouver la meilleure organisation administrative pour améliorer le service rendu tout en prenant en compte les rythmes de vie des Parisiennes et des Parisiens.


L’accord-cadre qui nous est proposé, est donc d’abord tourné vers les agents de la Ville et du Département avec un effort remarquable de création d’emplois et les 19 à 22 jours dits de  » RTT  » selon les sujétions, qui feront du temps libéré un réel temps choisi. Il faut aussi citer les perspectives de carrière et de mobilité ainsi que les objectifs envisagés en matière de formation. Parce que, justement, la formation a été négligée pour des pans entiers de l’administration parisienne comme, par exemple, pour l’animation périscolaire qui manque d’un véritable projet définissant ses missions et dont la professionnalisation largement inachevée réduit encore trop souvent cette activité d’animation au seul fait d’occuper les enfants.


Avec l’aboutissement de la négociation sur les 35 heures, un mouvement est donc lancé de modernisation de l’administration parisienne dont les agents de la Ville et du Département seront les premiers bénéficiaires quant à l’amélioration de leur qualité de vie et de leurs conditions de travail.
Le travail, qu’il relève des secteurs privé ou public, est une valeur centrale en constante évolution. Il doit faire face aujourd’hui à des techniques sans cesse renouvelées et aux bouleversements déjà perceptibles apportés par l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’administration locale est directement concernée par ces chocs qui créent des gains de productivité, permettent des redéploiements d’activités et inventent de nouvelles façons de travailler. Une certaine administration fera progressivement place à une administration en réseau, dynamique et réactive.


Au sein d’une administration parisienne diverse et contrastée, trop de secteurs manquent de reconnaissance et de perspectives alors que les agents accomplissent leurs missions avec sérieux et dévouement. Le passage aux 35 heures avec les mesures qui l’accompagnent en terme de formation, d’emplois, de reconnaissance professionnelle et de temps libéré, constitue une vraie chance, notamment pour ces secteur trop souvent délaissés.


Ce passage aux 35 heures est conçu comme un mouvement. Si l’accord-cadre fait la liste des résolutions, des objectifs et des moyens adaptés pour les atteindre, il ne gèle, ni ne fige une situation. Le groupe de pilotage permanent sera ainsi amené à suivre l’application de l’accord, mais aussi à proposer des mesures d’amélioration. Sans empiéter sur les prérogatives des partenaires sociaux et des organismes paritaires de la Ville et du Département, inscrivons-nous en perspective quant à la  » vie  » de cet accord-cadre tout au long de la mandature.


D’abord, l’accord prévoit 6% de recrutements nouveaux. L’opposition municipale croit déceler une  » dérive « , c’est souvent ce terme qui est employé dès qu’il s’agit de masse salariale, lorsque les agents sont uniquement appréhendés comme autant de charges. Nous, nous pensons au contraire que la question de l’emploi public n’a pas à être abordée sous le seul angle réducteur et financier des  » charges « , que la question de l’emploi public doit être mis en correspondance avec les missions que les Parisiens souhaitent voir remplies par la Ville.


Les créations d’emplois dans la fonction publique parisienne et leur fixation à un niveau conséquent dans l’accord-cadre ne sont donc pas tabou dans la mesure où elles servent un meilleur service public, que leur coût est affiché, décidé collectivement et qu’il répond à des besoins exprimés par les Parisiens. Je me réjouis de constater que l’accord-cadre tourne ainsi le dos au prêt à penser libéral, ce carcan idéologique qui aboutit à confier aveuglément au secteur privé des activités en le dispensant d’une obligation d’efficacité qu’il n’aurait plus à démontrer.


Je me félicite – par ailleurs – de la naissance d’un observatoire de la parité hommes-femmes. Il sera très utile parce que ce sont encore les femmes qui accomplissent la double journée professionnelle et domestique et qui, ainsi, sont les plus sensibles aux questions relatives au temps de travail et au temps libéré. Cet observatoire pourrait se saisir d’autres discriminations au travail, celles qui sont fondées sur l’orientation sexuelle, le handicap, l’apparence physique ou encore le patronyme.


Enfin, dans la perspective de la reconnaissance républicaine et festive du Pacte civil de solidarité (PACS) en mairie d’arrondissement, les jours de congés accordés lors d’un mariage pourraient être opportunément étendus aux pacsés.


L’entrée en vigueur des 35 heures à la Ville et au Département de Paris porte la marque d’une forte ambition sociale. Elle répond au désir légitime des agents de notre administration de bénéficier de plus de temps libéré. Elle est aussi un outil de travail pour transformer la gestion du personnel en gestion des ressources humaines, pour faire évoluer notre ville, pour accompagner les changements de l’administration parisienne en améliorant sensiblement les conditions de travail et de vie de ses agents. C’est pourquoi le groupe socialiste et radical de gauche approuve sans réserve cet accord-cadre qui s’inscrit aussi pleinement dans notre tradition de démocratie sociale.


Je vous remercie.

(Applaudissement)