Projet de Loi de Finances pour 2003. Défenses des amendements n°172, 249, 244 et 294.

Projet de Loi de Finances pour 2003. Défenses des amendements n°172, 249, 244 et 294.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche pour soutenir l’amendement n° 294.


M. Patrick Bloche. L’amendement n° 294 vise à revoir le régime fiscal relatif au pacte civil de solidarité dont vient de parler notre collègue Vaxès. La loi relative au pacte civil de solidarité a en effet prévu une imposition commune des partenaires à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacte. Cette disposition visait – je rappelle l’esprit des débats parlementaires – à tirer les conséquences en matière fiscale des obligations réciproques auxquelles s’engagent les partenaires dès lors qu’ils signent un PACS notamment au travers de l’aide mutuelle et matérielle. En effet le PACS ce sont certes des droits qui ne sont pas ceux du mariage mais ce sont aussi des devoirs mutuels. La loi crée ainsi un second cas d’imposition commune puisque avant son entrée en vigueur seuls les couples mariés étaient soumis à ce régime fiscal. A l’époque nous avions retenu un délai de trois ans dès le dépôt de la proposition de loi. J’ai apporté la proposition de loi et je pourrais vous la montrer monsieur de Courson. Peut-être avez-vous la mémoire un peu courte ; moi je l’ai longue sur ce sujet à la mesure des 120 heures que nous avons passées dans l’hémicycle. Dès la proposition de loi – j’en ai la preuve ici – nous avions retenu un délai de trois ans pour écarter la critique éventuelle d’une optimisation fiscale. En revanche dès l’origine dès son vote en 1999 la loi prévoyait une imposition commune immédiate pour les signataires d’un pacte assujettis au paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune.


Le délai retenu est source de difficultés pour les signataires d’un pacte bénéficiant des prestations sociales attribuées sous condition de ressources et c’est la raison principale de notre amendement. Les revenus pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu sont déclarés séparément pendant trois ans et ne peuvent donner lieu à l’attribution d’une part supplémentaire. Mais ils sont en revanche pris en compte globalement dès la première année pour l’attribution des prestations sociales. De fait l’observatoire du PACS avait signalé dès son rapport de la fin 2000 que la signature d’un PACS entraînait systématiquement la perte de l’allocation de parent isolé et le plus souvent une minoration ou la suppression pure et simple de l’allocation adulte handicapé du revenu minimum d’insertion et de l’allocation de solidarité spécifique. Il en est de même pour les aides au logement versées par les caisses d’allocations familiales.


Afin de remédier à ces injustices trois ans après le vote de la loi maintenant que le PACS est entré dans les moeurs que 120 000 de nos concitoyens en ont fait le choix pour organiser leur vie commune il est donc nécessaire de modifier la loi pour supprimer ce délai de trois ans. C’est tout le sens de notre amendement qui vise à faire tomber cette ultime discrimination.


M. le président. Et l’amendement n° 244 monsieur Bloche ?


M. Patrick Bloche. L’amendement n° 244 prolonge le précédent car il vise à supprimer la condition de deux ans donnant droit au bénéfice de l’abattement applicable aux donations entre partenaires pacsés. Là aussi dès le dépôt de la proposition de loi nous avions prévu un délai de deux ans pour les donations. Le même esprit nous a conduits à déposer l’amendement n° 243 qui concerne les donations entre partenaires pacsés.


M. le président. Nous verrons cela après.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n°s 172, 294 et 244 ?


M. Gilles Carrez rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements car elle souhaite conserver une véritable différence de traitement fiscal entre le mariage et le PACS au bénéfice du premier. Les amendements que nous proposent nos collègues conduiraient inévitablement à un comportement d’optimisation fiscale.


Nous avons d’ailleurs un précédent en la matière avec les points attribués par l’éducation nationale pour les mutations ou rapprochements. Des milliers de cas montrent que la procédure du PACS est détournée optimisée par des enseignants souhaitant bénéficier de points supplémentaires pour obtenir des mutations.


Forte de cet exemple bien réel la commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de favoriser une optimisation fiscale au bénéfice du PACS et qu’il fallait conserver la différence la légitimité des avantages fiscaux assortis au statut du mariage.


M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?


M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L’avis du Gouvernement est tout à fait concordant. Il semble que les délais qui ont été introduits à l’origine visaient précisément à donner une stabilité à ce pacte. Revenir sur ces délais serait en quelque sorte modifier l’esprit même du pacte tel qu’il avait été conçu par le législateur.


M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.


M. Charles de Courson. Le délai de trois ans ne figurait pas initialement dans la proposition. Il a été ajouté après dans le premier des deux textes. Nous avions en effet eu tout un débat d’ailleurs assez drôle au cours duquel j’avais dit que si l’on ne mettait pas de délai je me pacserais une fois par an du 1er janvier au 31 juillet et que je me dépacserais mais ensuite. Ainsi j’aurais fait de l’optimisation fiscale. J’avais calculé que cela m’aurait rapporté 30 000 francs. J’avais dit que je chercherais dans les petites annonces du Nouvel Observateur une étudiante qui ne travaille pas…


Une telle proposition paraît folle car enfin le PACS est-il un mariage ?Y a-t-il le même équilibre entre droits et devoirs dans le PACS et dans le mariage ? Non bien entendu. Entre nous dans le PACS a minima c’est-à-dire au minimum légal on ne peut pas dire qu’il y ait beaucoup de contreparties et de droits.


M. Jean-Pierre Brard. C’est vous qui le dites !


M. Charles de Courson. Non c’est la loi. Ce n’est pas un problème personnel. C’est pourquoi nous avions écarté cette disposition et que vous aviez fini par accepter un délai de trois ans. Et vous voudriez revenir là-dessus ? Décidément la gauche n’a rien compris.


Notre rapporteur a soulevé un autre problème. Aujourd’hui cette tolérance se fait au détriment des couples stables mariés.
C’est complètement injuste. S’il suffit qu’un professeur de Paris désireux de se faire muter à Marseille aille voir un copain à Marseille et lui propose de se pacser avec lui pour six mois afin d’engranger des points supplémentaires quitte à se dépacser une fois la mutation obtenue vous avouerez que la gauche a une étrange conception de la justice sociale. Il faudrait créer un délai de deux voire de trois ans pour l’application de la loi sur le rapprochement en ce qui concerne le PACS comme on l’a fait pour les droits de succession et pour l’impôt sur le revenu.


M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.


M. Patrick Bloche. Les propos de M. de Courson pourraient être un agréable rafraîchissement pour ceux qui ont vécu dans cet hémicycle le débat sur le régime fiscal du PACS. Mais sa mémoire paraît défaillante sur la proposition de loi qui avait été déposée par le groupe socialiste par le groupe communiste par M. Jean-Pierre Michel par les Verts et par le Parti des radicaux de gauche. La proposition de loi n° 1 119 dont j’étais l’un des signataires et dont nous avons débattu à l’automne 1998 prévoyait ce délai de trois ans.
Quant aux arguments bien connus développés par le rapporteur ils accréditeraient l’idée selon laquelle l’imposition commune correspondrait automatiquement à une optimisation fiscale. Or l’imposition commune peut très bien conduire à un impôt sur le revenu supérieur à celui que l’on paierait avec un concubin ou un pacsé dans le cadre d’une imposition séparée.


Ensuite – et je crois que c’est surtout là l’essentiel – il faut prendre en compte ce qu’ont été les trois ans d’application du PACS puisque la loi a été votée en novembre 1999. Il n’y a pas eu de fraude au PACS il n’y a pas eu d’excès de PACS. Les précautions justifiées en 1998 que nous avons prises n’ont donc plus aucune raison d’être. Je renvoie M. le rapporteur et tous ceux de nos collègues qui pourraient prêter l’oreille aux rumeurs qui ont couru sur les mutations dans l’éducation nationale à la page 13 du rapport que j’avais rédigé avec M. Jean-Pierre Michel sur deux ans d’application du PACS. Nous y démontrions après audition des représentants du ministère de l’éducation nationale que la signature de PACS blancs par les enseignants n’était qu’une rumeur et n’avait aucune réalité statistique.

M. le président. MM. Bonrepaux Migaud Emmanuelli Idiart Bapt Mme Lignières-Cassou MM. Claeys Bourguignon et Bloche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 243 ainsi rédigé :
« Après l’article 2 insérer l’article suivant :
« I. – Le deuxième alinéa de l’article 777 bis du code général des impôts est supprimé.
« II. – La perte de recettes résultant de l’application de cette disposition est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Patrick Bloche pour soutenir cet amendement.


M. Patrick Bloche. L’amendement n° 243 vise à supprimer la condition de deux ans donnant droit au bénéfice des tarifs minorés d’enregistrement applicables en cas de donation entre partenaires pacsés. Après trois ans d’utilisation raisonnée du PACS et alors que 120 000 de nos concitoyens ont fait ce choix librement pour organiser leur vie commune nous estimons que les différences de traitement entre partenaires pacsés et personnes mariées ne se justifient plus.


M. le président. Quel est l’avis de la commission ?


M. Gilles Carrez rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement pour les raisons que j’ai évoquées précédemment. Je tiens à rappeler que lorsque le Conseil constitutionnel a examiné ce texte il a insisté sur le fait que les délais retenus avaient une importance particulière et a subordonné son approbation à leur existence. Etant donné que cet amendement tend comme les précédents à supprimer un délai la commission a émis un avis défavorable.