Substitution de la dénomination « quai François Mitterrand » à celles de « quai des Tuileries » et de « quai du Louvre »

Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche

Monsieur le Maire,
mes chers collègues,

Rassembler ! Rassembler la collectivité parisienne et, en premier lieu, celles et ceux qui la représentent au sein de notre Assemblée, dans l’hommage rendu au Président François Mitterrand, tel est le sens premier que le groupe socialiste et radical de gauche veut donner à la proposition que vous nous faîtes, Monsieur le Maire, d’attribuer le nom de l’ancien Chef de l’Etat à une partie des quais du Louvre et des Tuileries.

Dès lors, les oppositions ou les réserves suscitées par ce projet qui s’inscrit dans une tradition parisienne bien établie, apparaissent souvent dérisoires face à la personnalité de François Mitterrand, à sa stature d’homme d’Etat, à la dimension historique de son action.
Que n’entend-on pourtant :  » Ce n’est pas le moment « ,  » Ce n’est pas le bon lieu « ,  » On n’a pas consulté les riverains  » (et, pour cause, puisqu’il n’y en a pas…),  » Il y a déjà la bibliothèque « … Sincèrement, mes chers collègues, quelque soit le jugement que l’on peut porter sur la vie et sur l’œuvre de François Mitterrand, on ne peut aussi légèrement jouer la division des Parisiens et, par là même, sans le vouloir sans doute, contester la plus forte des légitimités qui soit en démocratie, celle du suffrage universel qui a amené, à deux reprises, nos concitoyens à faire de François Mitterrand leur Président de la République, le Président de tous les Français.

Il y a l’aéroport Charles de Gaulle et la place Charles de Gaulle, il y a le Centre Georges Pompidou et la voie Georges Pompidou, il y a la bibliothèque François Mitterrand et il y aura donc le quai François Mitterrand.

L’hommage que nous rendons ainsi à François Mitterrand est un témoignage supplémentaire de la reconnaissance de la Nation envers celui qui – quatorze ans durant – en assuma la plus haute fonction, à l’image même de l’intervention que le Président de la République prononça devant les Français au soir de sa disparition. Par ce choix, Paris s’honore en rendant vivante la mémoire d’un homme dont la vie épousa de façon si significative le destin de la patrie. Homme d’un siècle à jamais marqué par la tragédie de deux guerres mondiales, François Mitterrand n’a eu de cesse de dépasser sa propre histoire pour faire de l’Europe le continent de l’espoir et de la paix.

Il fut aussi l’inlassable défenseur d’un idéal humain. L’abolition de la peine de mort, cela a déjà été rappelé la modernisation de notre Code pénal, son engagement permanent pour défendre les droits de l’homme partout où ils étaient bafoués, sont la marque d’une mobilisation constante pour le respect de la personne humaine. Soucieux de faire entrer la France dans une modernité républicaine qui déclinait la liberté tout autant que l’égalité, il sut donner force loi à de grandes réformes sociales et conduire une action décentralisatrice qui a bouleversé l’organisation administrative de notre pays.

Au-delà de la reconnaissance de la Capitale de la France à un ancien Président de la République, ce projet de dénomination est aussi la marque de la gratitude des Parisiens à un homme qui a pensé notre ville dans une démarche architecturale qui en a renforcé l’esthétique.

Les nombreuses réalisations dont il est à l’origine, sont le témoignage du choix de Paris comme territoire de création. Paradoxe, a priori, pour un homme dont le parcours rappelait la province dans ce qu’elle a d’attaches et d’identités, cette  » France rurale qu’il avait tant aimée, presque charnellement « , comme l’a rappelé Jacques Chirac le 8 janvier 1996. Mais, après tout, pour reprendre le mot de François Mauriac, Paris n’est-elle pas  » l’immense délégation de toutes les Provinces  » ?

De fait, il y a la rencontre déterminante d’un homme et d’une ville qui amena François Mitterrand lui-même à déclarer :  » comme beaucoup, je suis amoureux de Paris. J’ai donc tendance à y trouver beau ce que je vois. L’amour que j’en ai magnifie sans doute à mes yeux bien des choses. « 

En rendant hommage au Président François Mitterrand, son successeur a su trouver les mots justes pour dire qu’il avait  » débordé sa propre vie « . A notre façon, sachons déborder nos propres vies partisanes pour que Paris rende unanimement hommage à celui qui en fut un architecte du cœur.