Communication sur le projet international de la Ville de Paris

Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

En 2001, la nouvelle équipe municipale s’est trouvée face à un défi de taille : Paris, ville lumière, capitale mondiale du tourisme mais Paris ville Musée, souffrait de son manque de dynamisme culturel et économique et tout autant de son absence d’ambition dans le domaine international.

Or, comment ne pas percevoir l’importance croissante des relations qui s’établissent entre collectivités territoriales et tout particulièrement entre les métropoles du monde dans un univers globalisé ou la régulation traditionnelle des Etats marque le pas et sans que s’y substitue (si cela se produit un jour) celle des organisations internationales ou des nouveaux espaces d’intégration continentaux ? Est-ce d’ailleurs si surprenant tant se concentrent dans les plus grandes villes les principaux défis planétaires à relever et par là même les grands enjeux de civilisation du 21ème siècle ? Face à ces problématiques, notre ville est attendue. Elle est attendue parce que, dans son histoire, Paris a constamment eu l’ambition de porter un message « universel » mais aussi parce que nous pouvons tous témoigner que le désir de Paris reste toujours aussi vif. Le désir de Paris qui n’est après tout que le prélude à l’amour de Paris que vous évoquiez à l’instant, Monsieur le Maire. Comment ne pas le mesurer lorsqu’on constate ainsi l’écho international presque insensé que rencontre aujourd’hui Paris-plage !

Réveiller « la belle endormie » qu’était Paris, redonner du sens à l’action de Paris ville-capitale… tel était donc le double défi que se devait de relever la municipalité dans l’élaboration d’un projet international pour PARIS.

La communication que vous nous avez proposée, Monsieur le Maire, nous invite à débattre des fondements et des priorités de ce projet mis en œuvre depuis le début de la mandature avec l’attention chaleureuse que lui porte votre adjoint, Pierre Schapira.

Il convient d’ailleurs de souligner qu’un tel débat est inédit au sein du Conseil de Paris, ce qui témoigne de votre volonté, Monsieur le Maire, de faire de la politique internationale de Paris non pas un domaine réservé mais un domaine partagé. Vous avez l’ambition de redonner à Paris toute son influence sur la scène internationale à travers une dynamique renouvelée d’initiatives et de dialogue, ce que l’on retrouve dans toutes les dimensions du projet que vous nous avez présenté.

Ce projet repose d’abord sur des valeurs : la démocratie de proximité, le respect des droits de l’homme et des différences culturelles car il n’est pas inutile de le rappeler, tout particulièrement en ce moment, il n’y a pas d’identité sans altérité. Ce projet se doit donc de diffuser ces valeurs sur la scène internationale en affirmant, dans le respect des compétences qui sont les siennes, l’identité de Paris : ville engagée, solidaire et responsable.

Paris, ville engagée ce sont de multiples initiatives au sein desquelles les vœux que vote notre Assemblée trouvent naturellement leur place, ce sont des gestes forts, qui n’ont rien de symboliques, ce sont des discours de vérité sur le respect des droits de l’homme, partout dans le monde, qu’ont du entendre Messieurs El Hassad et Poutine et tout récemment Monsieur Hu Jintao. Les élus du Groupe socialiste et radical de gauche ont ainsi été particulièrement sensibles, Monsieur le Maire, au fait que vous ayez été la seule personnalité nationale française à recevoir publiquement le Dalaï-Lama, en octobre dernier, ou encore qu’Ingrid Bettancourt ait été faite citoyenne d’honneur de la ville de Paris.

C’est également l’affirmation de la vocation historique de Paris à être une ville refuge avec son adhésion au parlement international des écrivains dès novembre 2002, et l’ouverture il y a peu de la Maison des journalistes.

Paris est aussi une ville solidaire et responsable, réactive face aux catastrophes naturelles avec la mise en place d’un fonds d’urgence humanitaire, la dernière aide attribuée dans ce cadre devant être votée aujourd’hui pour un montant de 75 000 € afin de soulager la détresse des victimes du séisme de Bam.

De la même façon, la Municipalité exprime sa volonté de promouvoir un développement durable et solidaire.

Je tiens ici à souligner l’importance des projets liés à la santé comme la fourniture de médicaments à Buenos Aires dont nous venons de mesurer l’efficacité ou l’effort budgétaire particulièrement significatif consacré à la lutte contre le SIDA, notamment en Afrique du Sud (je tiens ainsi à saluer tout particulièrement l’implication personnelle d’Alain Lhostis et de Pierre Schapira sur ce dossier) mais aussi par le biais des actions menées dans le cadre de l’AIMF (que ce soit au Burundi, au Cameroun ou au Bénin).

Par ailleurs, comment ne pas évoquer l’engagement fort de la ville en faveur du commerce équitable par la mise en place d’un partenariat avec Max Havelaar et le lancement d’un programme de travail sur les bonnes pratiques des villes en ce domaine, sans oublier les actions de sensibilisation visant à faire des Parisiens des consommateurs responsables. En ce sens, l’action internationale de Paris apparaît comme une réponse citoyenne à la mondialisation, d’où d’ailleurs le soutien déterminant apporté par notre ville à l’organisation du Forum social européen à l’automne dernier, ou encore la tenue des Assises du co-développement.

Cette démarche que soutient pleinement notre groupe nous conduit naturellement à vous interroger, Monsieur le Maire, sur la réflexion engagée pour la mise en place d’un Pôle de solidarité internationale, mais également européen, à Paris.

Il convient en effet de souligner l’importance pour notre ville de se mettre au service de l’ Europe qui se construit en s’élargissant, de promouvoir des actions qui permettent le développement d’un dialogue citoyen sur les grands enjeux du processus d’union européenne. Et, je laisserai Moïra Guilmart le soin de développer cette dimension du projet international de Paris.

La diversité des contacts internationaux que vous avez su nouer par votre implication personnelle, Monsieur le Maire, depuis le début de la mandature inscrit Paris au cœur des réseaux d’échanges et d’expériences qui se mettent en place entre les villes du monde entier. Cela passe bien entendu par la réactivation des liens privilégiés de Paris avec certaines capitales dans le cadre d’accords d’amitié déjà existants, et par l’établissement de nouveaux accords de coopération avec d’autres comme Moscou ou Prague.

Je tiens également à souligner le soin particulier apporté aux liens avec les capitales entrantes au sein de l’Union européenne, à l’approfondissement des relations d’amitié avec les capitales du Maghreb ou avec des villes comme Le Caire, Istanbul ou Amman, sans oublier la qualité des échanges noués avec des grandes métropoles d’Amérique du Sud. Il y a naturellement le vaste réseau des villes du monde francophone et son vecteur principal : l’Association Internationale des Maires Francophones que vous présidez, Monsieur le Maire. Depuis trois ans, les modes d’animation de cette association qui regroupe 110 villes ont été profondément réformés. Et c’est une bonne chose ! Ils sont désormais placés sous le signe de la rigueur et de la transparence. Aux frais de fonctionnement lourds ont été utilement substitués des projets concrets d’aide et de développement concernant notamment l’état civil, la santé et l’éducation.

Mais il convient également d’aller au-delà d’une relation seulement bilatérale entre les villes. D’où votre volonté, Monsieur le Maire, de relancer la coopération décentralisée par la mise en réseaux des pouvoirs locaux.

L’objectif est de substituer une logique de coopération à une logique de compétition entre les villes en privilégiant l’échange d’expériences. C’est le sens de l’adhésion de la ville de Paris à Eurocities, mais encore plus l’enjeu majeur que représente la tenue du congrès fondateur en mai 2004, à Paris de l’organisation mondiale « Cités et Gouvernements Locaux unis ». Par la fusion de la FMCU et de l’IULA, il s’agit de faire entendre la voix des villes et des pouvoirs locaux sur la scène internationale, notamment auprès de l’ONU. Se structurer, c’est être plus fort. De la même manière, partager, c’est s’enrichir.

En matière d’échange d’expériences, le fait urbain est clairement affirmé comme l’élément central de l’action internationale de la ville de Paris.

Et si l’on se penche sur les projets soutenus ou initiés depuis 2001, trois domaines d’intervention se distinguent : la gouvernance urbaine, l’aménagement urbain et le domaine culturel.

En ce qui concerne ce dernier domaine, et pour peu qu’on ne veuille pas limiter l’exception culturelle qui nous rassemble à une pétition de principe pour discours officiels, la coopération décentralisée prend différentes formes : reconstruction d’institutions culturelles comme à Alger, valorisation de la francophonie, nous l’avons déjà évoqué, à travers l’AIMF, partenariat actif de la ville avec l’AFAA, même si cet organisme essentiel est malheureusement en voie de paupérisation par manque criant de crédits d’Etat dont l’actuel gouvernement porte la responsabilité.

Dans le domaine de l’aménagement urbain, les transports, la gestion des eaux et le logement sont les domaines de coopération privilégiés qui ont conduit des membres de l’exécutif municipal à rencontrer leurs homologues étrangers (vous avez d’ailleurs souhaité, Monsieur le Maire, par souci de transparence, joindre la liste de ces rencontres à la présente communication). Je peux ainsi, à titre d’illustration, témoigner de l’intérêt du colloque sur l’urbanisme qui s’est tenu la semaine dernière à Sâo Paulo, que vous avez ouvert, Monsieur le Maire, et auquel nous représentait Jean-Pierre Caffet. Un bel exemple d’élus au travail… à des milliers de kilomètres de Paris !

En effet, la plupart des échanges qui portent sur la manière de gouverner les villes dans le contexte de la globalisation qui accroît la concurrence entre les territoires et rend fongibles les frontières entre les sphères de l’action publique et privée, prennent la forme de transferts de savoir faire entre services techniques, mais aussi entre élus. Ainsi en décembre dernier, vous avez rencontré, Monsieur le Maire, votre homologue, le Maire de Prague et l’accent des échanges a été mis sur la lutte contre les inondations pour laquelle la capitale tchèque a acquis une réelle expertise lors des crues de l’été 2002.

Aussi, je souhaite ici faire au nom des élus du groupe socialiste et radical de gauche, la proposition d’organiser une table ronde sur la fonction d’élu et la gestion du risque dans l’exercice des fonctions électives lors du Congrès fondateur de « Cités et Gouvernements locaux unis », en mai prochain.

Le projet international de Paris se doit enfin de contribuer au rayonnement économique de notre ville, comme vient d’ailleurs de le faire la troisième édition si réussie de « Paris, capitale de la création » qui doit tant au dynamisme de Lyne Cohen-Solal, de Jean-Bernard Bros et de Christophe Girard.

Pluridisciplinaire et protéiforme, cette initiative reflète la diversité de la création à Paris en valorisant des créateurs confirmés comme des jeunes talents…, la ville se transformant, à cette occasion, en manifeste de la création contemporaine.

Paris a de plus en plus vocation à s’inscrire comme capitale des salons, de la créativité et à devenir « the place to be » pour les investisseurs et les jeunes entrepreneurs. En un mot, une ville qui bouge…

L’enjeu est bien de faire de Paris la ville des échanges interculturels, une ville qui sait accueillir 50.000 étudiants étrangers, des chercheurs ou des artistes en résidence à la Cité internationale des Arts ou au couvent des Récollets, mais qui sait aussi recevoir des sportifs de haut niveau comme ce fut le cas lors des Championnats du monde d’athlétisme.

Et s’il est bien un projet qui nous paraît incarner toutes les dimensions que je viens d’évoquer du projet international de Paris, un projet fondé sur des valeurs, ancré dans une dynamique collective de développement sachant répondre au désir de Paris, c’est bien la candidature de notre ville aux jeux olympiques de 2012 pour laquelle nous saluons, Monsieur le Maire, votre engagement personnel et passionné.

Mes Chers Collègues, en inventant d’autres types de coopération décentralisée, en imaginant ainsi de nouvelles formes de médiation, en ayant plus que jamais le réflexe de l’ouverture au monde, en favorisant les synergies solidaires et créatrices, Paris apporte ainsi sa contribution à la mise en place des réseaux de l’interlocalité, ces réseaux qui en rapprochant ce qui est local « près de chez soi » à ce qui est local « là-bas », permettront de contrer cette « juxtaposition d’autismes », pour reprendre la formule de Jacques Attali, qui est sans aucun doute l’un des effets les plus dévastateurs de la mondialisation.