Situation des intermittents du spectacle

1) Texte de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel, après l’agrément du protocole d’accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003, et l’avenir du spectacle vivant dans notre pays, et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français (Déposée le 30 Septembre 2003 et présentée par Jean-Marc Ayrault, Patrick Bloche, Jean Le Garrec, Gaëtan Gorce,
Pierre Bourguignon et les membres du groupe socialiste)

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

L’accord du 26 juin 2003 sur la modification du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel a été définitivement agréé par le gouvernement le 6 août 2003.

Le gouvernement agréant cet accord, rejeté par les professionnels, a fermé la porte à toute négociation. Il a refusé un moratoire qui aurait pourtant permis de créer un véritable dialogue entre tous les partenaires. La mise en place, en parallèle, de moyens de contrôle permettant un assainissement d’un système trop souvent détourné par des employeurs privés comme publics ne saurait suffire à nouer les fils de ce dialogue.

La détermination des professionnels, très forte tout au long de l’été, reste intacte. Elle est à la hauteur des menaces qui pèsent sur le rôle et la place que notre société souhaite donner à ses artistes.

La signature de l’accord et son agrément sont intervenus dans un contexte de remise en cause des acquis sociaux, de méfiance vis-à-vis des acteurs de la vie culturelle dans notre pays et de désengagement croissant de l’Etat en ce domaine.

La crise sans précédent qui secoue le monde de la culture mérite une autre attitude que l’intransigeance du gouvernement et sa vision comptable et moralisatrice de la question de l’intermittence.

En effet, cette crise concerne l’ensemble de la société. Elle ne se réglera pas par un passage en force. Elle appelle un débat de fond portant à la fois sur les conditions d’exercice des métiers artistiques mais plus largement sur la place de la culture dans notre société, sur le rôle d’un service public culturel, sur le financement du spectacle vivant et la couverture sociale de tous les acteurs de la vie culturelle.

Le refus de tout dialogue reste la règle de conduite du gouvernement. La mobilisation des professionnels du spectacle et de l’audiovisuel n’est pas entamée. Ils continuent de réclamer le retrait de ce mauvais accord pour que de nouvelles négociations s’ouvrent très rapidement, avant le 1er janvier 2004, date de son entrée en vigueur.

Il est indispensable qu’une commission d’enquête analyse en toute objectivité la situation nouvelle des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel et, au-delà, l’avenir du spectacle vivant en France.

En effet, cet accord, au lieu de rendre le système d’indemnisation plus juste en réduisant les inégalités de traitement existant entre les différents types d’allocataires et en redéfinissant plus strictement les métiers entrant dans le champ d’application du régime d’assurance chômage relevant des annexes 8 et 10, va instaurer davantage de précarité, par une révision sévère des modes de calcul et des conditions d’accès à l’indemnisation qui exclura une très grande partie des femmes et des hommes qui concourent à la vitalité du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel.

De même, il est aussi impératif pour le maintien de la diversité culturelle, et parce que la culture est créatrice de richesses et de plus values au niveau national et local, d’évaluer les conséquences économiques et sociales qui découleront de cet accord pour le tissu culturel français, car l’impact d’une telle réforme ne manquera pas de fragiliser l’ensemble des modes de production culturelle quelque soit leur statut ou leur taille.

Cette commission d’enquête proposée par la présente proposition de résolution permettra de faire le point en toute sérénité sur un conflit révélateur du malaise ressenti par les acteurs culturels. Elle donnera aussi à l’Assemblée nationale l’occasion de faire avancer la réflexion non seulement sur l’amélioration du système d’assurance chômage mais aussi plus largement sur une véritable couverture sociale des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel.

Proposition de résolution

Article unique

Il est créé en application des articles 140 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête parlementaire de trente membres visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel, après l’agrément du protocole d’accord du 26 juin 2003, et de son avenant du 8 juillet 2003, et l’avenir du spectacle vivant dans notre pays, et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français.

2) Communiqué de presse

L’accord du 26 juin 2003 sur la modification du régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel a été agréé par le gouvernement le 6 août dernier.

Or cet accord porte atteinte aux droits légitimes des intermittents et ajoute de la précarité à la précarité.

Aussi, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale vient de déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête visant à analyser la situation des intermittents, après l’agrément donné à cet accord, et l’avenir du spectacle vivant dans notre pays. De plus, cette commission d’enquête devra évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français.

Visant à faire le point sur un conflit révélateur du malaise ressenti par les acteurs culturels, elle donnera également l’occasion à l’Assemblée nationale de faire avancer la réflexion sur l’amélioration non seulement de ce régime particulier de l’assurance-chômage, mais aussi plus largement sur une véritable couverture sociale des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel et de tous les artistes.

Extrait du débat sur le budget de la Culture pour 2004 relatif à la situation des intermittents du spectacle

M. le ministre de la culture et de la communication. S’agissant de la lourde, de la grave question de l’intermittence, évoquée par MM. Bloche, Baguet, Dutoit, Pinte et Herbillon, la crise que nous avons vécue aura permis à tous les professionnels, artistes et techniciens concernés, de mieux prendre conscience d’un certain nombre de réalités. En effet, un certain flou était cultivé jusqu’à présent, qui conduisait à parler de  » statut  » pour un régime d’assurance chômage et à laisser croire que le financement de l’intermittence ne relèverait que de l’Etat, alors que ce sont les cotisations des salariés et des employeurs du secteur privé qui financent ce régime comme ils financent tous les autres.

M. Patrick Bloche. Toujours la politique de l’autruche !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il ne s’agit pas d’une sorte de bulle autofinancée, mais du résultat de la solidarité interprofessionnelle. C’est donc bien à l’ensemble des organisations représentatives des salariés et des employeurs de prendre toute décision concernant son avenir.
En arrivant rue de Valois il y a un an et demi, je me suis rendu compte du caractère provisoire de la situation. Elle n’aurait pu durer toujours, parce que les partenaires sociaux n’y étaient plus disposés…

M. Patrick Bloche. Le MEDEF !

M. le ministre de la culture et de la communication. Non, pas seulement le MEDEF, monsieur Bloche !

M. Michel Françaix – Vous, peut-être !

M. le ministre de la culture et de la communication. Pas du tout, monsieur Françaix ! Ne polémiquons pas sur une affaire aussi grave, qui concerne la vie de nombreuses personnes.

M. Patrick Bloche – Vous l’avez cherché !

M. le ministre de la culture et de la communication. La volonté de certains partenaires sociaux était de dénoncer l’existence même des annexes 8 et 10.
Toute l’action du Gouvernement a tendu vers la préservation d’un régime d’assurance chômage spécifique.

M. Patrick Bloche. Dans quel état ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour les professionnels du spectacle et de l’audiovisuel, la menace était réelle.
Nous ne pouvons pas, sans faire preuve d’irresponsabilité, nous désintéresser de la situation de l’UNEDIC. Il y a un mois et demi, elle était obligée d’emprunter entre 3 et 4 milliards d’euros sur le marché bancaire, pour être simplement en mesure de payer, à la fin du mois, leur prestation aux – hélas ! – trop nombreux chômeurs que compte notre pays. Peut-on, dès lors, lui demander de ne pas s’interroger sur l’équilibre de ses comptes ?
Quel que soit notre attachement à l’existence d’un régime spécifique, peut-on rester indifférent au fait qu’il ne concerne qu’environ 100 000 personnes, tout en générant à lui seul le tiers du déficit total de l’UNEDIC, un organisme regroupant près de 3 millions de chômeurs ? Dans ces conditions, faudrait-il, par commodité, tenter d’interdire aux partenaires sociaux de prendre leur part de responsabilité ?
Voilà la question qui se pose à tout gouvernement : quelle est sa part de responsabilité ?

M. Patrick Bloche. Cela fera 30 000 RMistes en plus ! Quel coût social !

M. le ministre de la culture et de la communication.
Mais vous n’en savez rien, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. On n’en sait rien ? Mais si, et vous le savez encore mieux que nous !

M. le ministre de la culture et de la communication. Pour ma part, sur cette question grave, je considère que le ministre de la culture devait assumer sa responsabilité et ne pas faire ce qu’ont fait ses prédécesseurs, c’est-à-dire tenter de se débarrasser de la question, en mettant une nouvelle fois la poussière sous le tapis…

M. Patrick Bloche. C’est faux !

M. Michel Herbillon. Si, c’est la politique de l’autruche !

M. le ministre de la culture et de la communication. … en se disant que d’autres règleraient la question à sa place.

M. Jacques Kossowski. C’était courageux !

MM. Patrick Bloche et Michel Françaix. Vous ne l’avez pas réglée, en tout cas !

M. le ministre de la culture et de la communication.
Par ailleurs, monsieur Françaix, dans notre pays, il faut que nous apprenions à ne pas bafouer la volonté des partenaires sociaux ! Il est sain que, dans la société française, des partenaires sociaux puissent prendre des dispositions concernant les affaires qui les concernent…

M. Patrick Bloche. Le Gouvernement doit réagir !

M. le ministre de la culture et de la communication. … sans que le Gouvernement ne vienne interrompre le règlement conventionnel de certains dispositifs nécessaires au fonctionnement de notre société.

M. Patrick Bloche. Pourquoi pas, si l’intérêt général est en jeu !

M. le ministre de la culture et de la communication. J’ai pour ma part eu le sentiment de concourir de façon majeure à la préservation des annexes 8 et 10.

M. Patrick Bloche. La méthode Coué !

M. le ministre de la culture et de la communication. Les partenaires sociaux ont pris des dispositions pour en aménager l’usage. Ces dispositions ne recueillent pas l’agrément d’un très grand nombre de professionnels du secteur, je le sais parfaitement.
Le moment est donc venu d’inviter tous ceux qui ont la responsabilité de l’assurance chômage, c’est-à-dire l’UNEDIC elle-même en tant qu’organisation, les partenaires sociaux qui y siègent – cinq organisations des salariés et trois organisations d’employeurs – ainsi que les organisations professionnelles du secteur du spectacle vivant et de l’audiovisuel, à se retrouver et à travailler ensemble afin de redéfinir pour l’avenir de nouvelles normes. De toute façon, 2005 sera l’année de la renégociation globale de tous les accords de l’assurance chômage.

M. Patrick Bloche. En somme, le pire est devant nous !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il convient d’imaginer de nouvelles dispositions et de mieux distinguer les différentes situations, par exemple entre le spectacle vivant et la production audiovisuelle, qui relèvent de deux types spécifiques d’économie, ou entre les salariés qui sont déjà dans le métier et ceux qui s’y engagent – jeunes musiciens, jeunes danseurs, jeunes interprètes. Ces derniers auront, en effet, plus de mal à réaliser, dans la même période, la même durée de travail, et donc à conquérir leurs droits à indemnisation dans des conditions égales. Enfin, il y a lieu de réfléchir à une meilleure distinction entre la situation des artistes, qui subissent certaines contraintes, et celle des techniciens, dont les métiers sont plus flexibles et organisés différemment.
Le Gouvernement et le ministère de la culture sont disponibles pour engager une telle réflexion et élaborer de nouvelles réformes. Nous rendrions ainsi service à l’ensemble des secteurs concernés. C’est ce que j’ai dit à plusieurs reprises, au cours des dernières semaines, lors d’interviews, notamment au Monde et à Libération. J’ai noté d’ailleurs avec beaucoup de satisfaction que mon prédécésseur rue de Valois, Mme Tasca, a dit hier soir exactement la même chose.

M. Michel Françaix. Cela ne nous rassure pas nécessairement.

M. Patrick Bloche. Aurait-elle soudain des vertus?

M. Michel Herbillon. Elle aurait mieux fait d’agir quand elle était ministre !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous pouvons donc nous retrouver sans esprit partisan afin d’élaborer une nouvelle règle du jeu. Je suis en tout cas totalement disponible pour y travailler.

M. Michel Françaix. Il serait temps !

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, j’y ai sans doute consacré beaucoup plus de temps que vous…

M. Patrick Bloche. C’est votre rôle !

M. le ministre de la culture et de la communication. … et que mes prédécesseurs.

M. Patrick Bloche. Avec quel résultat ?

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est en effet mon rôle, mais je vous rappelle, monsieur Françaix, que la question relève essentiellement de la responsabilité du ministre des affaires sociales : il est le correspondant de l’UNEDIC.

M. Patrick Bloche. C’est de la faute à Fillon et aux partenaires sociaux. C’est de la faute aux autres !

M. le ministre de la culture et de la communication. Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Si la question des intermittents, monsieur Bloche, avait été réglée par mes prédécesseurs, nous ne l’aurions pas retrouvée dans un tel état de dégradation.

M. Patrick Bloche. Une loi a été votée, non ?
M. Olivier Dassault, rapporteur spécial. Laissez parler le ministre !

M. le ministre de la culture et de la communication. S’agissant des conservatoires de musique, monsieur Pinte, je suis bien conscient du fait que l’enseignement de la musique dans notre pays est très largement redevable aux collectivités locales, notamment aux communes, qui ont la responsabilité d’une école de musique, d’un conservatoire et, à plus forte raison, d’un conservatoire national de région. Dans le dispositif actuel, l’Etat finance pleinement les consevatoires nationaux supérieurs d’art dramatique ou de musique, les écoles nationales supérieures d’arts plastiques ou la totalité du dispositif de l’enseignement de l’architecture, mais il est vrai que les collectivités locales jouent un rôle important pour le reste du réseau.
Le projet de loi sur la décentralisation vise à clarifier la responsabilité des uns et des autres et à éviter que les communes, notamment les communes centres, dont les conservatoires rendent un service à des populations qui débordent très largement leurs limites territoriales, en assument seules le coût. Il faut que les autres collectivités deviennent plus largement solidaires de leur action, notamment en participant à la prise en charge des cycles d’enseignement supérieur qui se déroulent dans les conservatoires nationaux de région.
Comme nous sommes tributaires d’une histoire, et que la situation résulte non d’une décision unique mais d’une accumulation d’initiatives empiriques, je ne crois pas que nous arriverons à une remise en cause globale, mais nous devons veiller à mieux organiser les responsabilités conjointes de l’Etat et des autres collectivités locales. Il est nécessaire que les départements et les régions concourent au côté des communes, en particulier des communes centres, au bon fonctionnement de ces structures essentielles à l’enseignement de la musique que sont les conservatoires nationaux de région.
S’agissant de la fusion de VUP et de Hachette – c’est encore M. Herbillon qui m’a interrogé à ce sujet – je défends depuis l’annonce du rachat d’Editis, ex-pôle édition de Vivendi, ex-VUP, une position constante. L’opération est soumise au contrôle des autorités de concurrence européennes qui a pour objet de prévenir ses conséquences potentiellement négatives sur l’édition et surtout sur la distribution, tout en prenant en considération la logique industrielle. J’ai toujours indiqué, en effet, que la solution ne devait pas être exclusivement financière mais aussi industrielle, qu’elle devait reposer sur les savoir-faire professionnels et être compatible avec nos intérêts nationaux. En effet, rien ne serait pire qu’un démembrement de l’édition française ou une dispersion de sa responsabilité économique susceptible de conduire à son transfert dans des mains qui seraient hostiles à nos intérêts.
C’est pourquoi le rapprochement entre Hachette et VUP m’était apparu comme la solution la moins mauvaise, et même la meilleure. On voit très bien aujourd’hui, si l’on examine la situation du groupe Le Moniteur, dont on a célébré avant-hier le centenaire, les inconvénients qu’il y a, pour un groupe de presse ou un groupe éditorial, à se retrouver régulièrement menacé d’une mise à l’encan sur le marché international, tout simplement parce qu’il a été acquis par un consortium financier.
Les consortiums financiers achètent pour revendre et réaliser du profit. Ainsi, la rotation sur le marché de ces affaires devient extrêmement rapide, ce qui peut conduire, un jour, au démembrement pur et simple d’ensembles cohérents. Aujourd’hui, le groupe Le Moniteur est donc une nouvelle fois en vente, un an à peine après avoir été acquis par un consortium anglo-américain dont on ne sait pas ce qu’il va devenir. C’est pourquoi, quand se présente, dans le domaine de l’édition, de la presse ou des médias, une perspective de cession, je préfère veiller à ce que l’opération ait une conclusion qui préserve les intérêts nationaux et soit le fait d’acteurs alliant la capacité financière et la compétence industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.
Nous commençons par les questions du groupe socialiste.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour poser une première question.

M. Patrick Bloche. Avec cette première question, je vais revenir sur le conflit des intermittents, crise culturelle sans précédent. Certes, elle n’est pas apparue cette année, mais elle a pris récemment une acuité particulière.
Après vous avoir écouté sur ce sujet avec attention, monsieur le ministre, comment ne pas vous avouer notre déception ? Vous vous êtes en effet borné à déclarer, en substance, que c’était la faute à vos prédécesseurs, la faute aux partenaires sociaux, la faute à Fillon ! Or, nous vous demandons simplement de prendre vos responsabilités de ministre de la culture de la France, et d’agir. Que vaut votre déclaration dans laquelle vous vous félicitiez d’avoir sauvé les annexes 8 et 10, quand un tiers de ceux qui étaient indemnisés au titre de ces annexes n’en bénéficieront plus au 1er janvier prochain ?
M. le ministre de la culture et de la communication. Pas du tout !
M. Patrick Bloche. Nous savons bien que le régime des intermittents est déficitaire, mais, avec les mesures arrêtées, ce dont on aura soulagé l’UNEDIC se retrouvera malheureusement, en termes de coût social, dans ce qui sera versé à des intermittents devenus RMistes, les dépenses du RMI étant d’ailleurs transférées de l’Etat vers les collectivités locales.
Dans cette période transitoire où le mauvais accord du 26 juin ne s’applique pas encore, puisqu’il n’entrera en vigueur que le 1er janvier, nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi vous ne prenez pas des initiatives. Certes, il y aura les fameuses assises du spectacle vivant, mais, alors qu’elles devaient initialement être organisées d’abord dans les régions, il ne s’agira plus que d’une seule manifestation nationale en 2004. En tout état de cause, c’est maintenant qu’il faut répondre au malaise de ces artistes, de ces techniciens du spectacle vivant et, plus largement, de tous ceux qui s’intéressent à la culture, car ils s’interrogent sur leur statut et sur leur place dans la société. Vous devez vous adresser à eux et leur répondre quand ils vous interpellent.
Pour préparer ce débat budgétaire, le groupe socialiste a reçu les syndicats concernés et la coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France. La CGT-spectacle nous a d’ailleurs remis un document intéressant sur les assises qu’elle prépare, de manière très ouverte. Surtout, la coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France a formalisé des contre-propositions, montrant qu’elle savait dépasser le stade de la protestation pour s’engager dans la construction. Le groupe socialiste pense, monsieur le ministre, que vous devriez vous saisir de ce document et le faire expertiser, évidemment par d’autres experts que ceux de l’UNEDIC, puis répondre aux propositions qu’il contient et qui nous semblent très intéressantes, car elles visent à réduire le déficit, mais dans une démarche d’égalité et de mutualisation.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député de Paris, d’abord je sais très bien que le déficit des annexes 8 et 10 est inévitable. Aucun d’entre nous n’imagine qu’une meilleure gestion ou un aménagement de l’assurance chômage des professionnels du spectacle pourrait conduire à un équilibre au sens comptable du terme. Le déficit est structurel. Il est consubstantiel à l’idée même que la solidarité sociale assume une part de responsabilité plus forte à l’égard de professionnels qui travaillent de façon discontinue pour des employeurs multiples et ont immanquablement tous recours à l’indemnisation à un moment ou à un autre de leur carrière.
Actuellement, la part de responsabilité que nous devons assumer est forte. Il faut savoir récuser, sur un sujet aussi grave, les propositions, les attitudes, les propos démagogiques. Il faut aussi savoir rompre avec l’inaction puisque cette question n’a pas surgi dans l’espace du débat public l’été dernier. Chacun sait depuis plus de dix ans que les partenaires sociaux sont dans une impasse. Il faut donc rompre également avec l’incapacité à régler le problème, incapacité qui a notamment marqué la période 1997-2002.
Monsieur le député, les initiatives n’ont pas été inexistantes. Le dialogue est permanent et je tiens à vous dire que, si vous dialoguez avec les intéressés, je le fais également. Je pense même avoir rencontré plus souvent les représentants de la CGT-spectacle que vous au cours de l’année écoulée. Malheureusement, il ne suffit pas de dialoguer pour tomber d’accord. Penser que le dialogue se conclut forcément par un accord sur tout est une vue de l’esprit.
Mon action, dans ce domaine, est traduite dans les dispositions du budget et dans l’organisation d’un débat national déjà engagé et animé par M. Latarjet. Cela m’amène à rencontrer souvent les professionnels du spectacle et à constater que les points de vue sont beaucoup plus divers, beaucoup plus nuancés que ce qu’une polémique superficielle pourrait laisser croire.
Nous devons également rompre avec cette effrayante facilité qui nous a conduits, au cours des dernières décennies, à consentir à ce que le spectacle vivant ne fasse que survivre dans une économie totalement factice. Qu’a-t-on fait, par exemple, pour imposer la règle du paiement des services de répétition ? Nulle part, à quelques exceptions près, les artistes et les techniciens ne sont payés pendant les services de répétition. Comment voulez-vous que ces professionnels puissent, dans des conditions dignes, dans le respect de leur travail, acquérir des droits à indemnisation pendant les périodes où ils ne travaillent pas ?
On a aussi laissé prospérer une économie fausse en consentant à ce que le spectacle vivant soit systématiquement vendu en dessous du simple prix du plateau. Comment voulez-vous, dès lors, que ceux qui travaillent, comédiens et techniciens, soient correctement payés ?

M. Michel Françaix. Nous sommes tous d’accord!

M. Patrick Bloche.
Il faut un budget à 2 % du budget national !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons pris des dispositions.

M. Michel Françaix. Il faut une augmentation de 30 % du budget ou utiliser les ASSEDIC !

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, c’est une mauvaise façon de voir les choses.

M. Michel Françaix.
Alors, il y aura 30 % de chômeurs en plus !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il appartient à chacun, dans le cadre des moyens qui lui sont alloués, de prendre des dispositions en faveur de la dignité du travail.

M. Michel Françaix. Cela ne peut pas fonctionner!

M. le ministre de la culture et de la communication. Certains directeurs de théâtre se sont engagés dans cette voie. J’ai ainsi pu constater, cette semaine, que le directeur de la maison de la culture de Bourges avait décidé de faire une production de moins dans l’année, pour pouvoir payer convenablement les artistes et les techniciens travaillant sur les autres productions.

M. Michel Françaix. C’est le citoyen qui sera perdant !

M. Michel Herbillon. M. Françaix verse en permanence dans la quadrature du cercle !

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, vous savez bien, chaque femme, chaque homme de ce pays sait bien que, à un certain moment, il faut arbitrer en fonction des moyens dont on dispose et opérer des choix. Malheureusement, vous êtes dans une philosophie qui implique le non-choix. Vous ne voulez jamais choisir ; vous ne voulez jamais assumer la moindre responsabilité.

M. Michel Herbillon.
Exactement !

M. Michel Françaix. Notre choix, c’est la culture ! C’est une priorité !

M. le ministre de la culture et de la communication. Cela étant, il est évidemment indispensable de soutenir, dans le même temps, la création et d’assurer la dignité du travail. A cet égard, je trouve monstrueux que, dans ce débat sur l’intermittence, on ait fini par considérer que la vocation des professionnels du spectacle et de l’audiovisuel était de devenir chômeurs.

M. Michel Herbillon. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication.
Quand je vois un jeune se présenter en disant qu’il est intermittent du spectacle pour sous-entendre qu’il relève de l’assurance-chômage, je suis infiniment attristé.

M. Patrick Bloche.
C’est un discours populiste ! Le sujet mérite mieux !

M. Michel Herbillon. Non, c’est un discours responsable et courageux !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je préfère que nous travaillions, les uns et les autres, au développement du travail artistique, du travail technique, plutôt que de continuer à faire de jeunes gens ou de jeunes filles qui se sont engagés dans cette vocation de perpétuels chômeurs. ( » Très bien !  » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Françaix.
Ils ne le ressentent pas comme cela !

M. le ministre de la culture et de la communication.
En tout cas, c’est dans cette direction que nous travaillons, et je vous assure que nous réussirons, avec l’ensemble des organisations responsables du secteur, quelque dépit que cela vous inspire.

M. Patrick Bloche. Pas à nous, mais à ceux que nous représentons !

M. le ministre de la culture et de la communication.
A l’avenir, les gens du spectacle, les gens de l’audiovisuel…

M. Michel Françaix.
Ils auront compris !

M. le ministre de la culture et de la communication. …
auront effectivement compris combien nous avons fait avancer cette affaire qui était dans une impasse, et de façon positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Michel Françaix. Encore une illusion !

Communiqué de presse sur la situation des intermittents du spectacle

– Communiqué de presse – 12 Juin 2003

– Communiqué de presse – 30 Juin 2003

– Communiqué de presse – 14 Novembre 2003

Communiqué de presse – 12 Juin 2003

Au nom du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Patrick Bloche souhaite exprimer l’inquiétude des députés socialistes, à la suite de l’échec de la troisième réunion de négociation sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle.

En présentant des propositions inacceptables pour les intermittents qui accentuent la précarité de leur situation et qui conduiraient à l’exclusion pure et simple du plus grand nombre d’entre eux du bénéfice de ce régime spécifique, le MEDEF joue la montre et persiste dans une logique purement comptable qui cache de plus en plus mal l’objectif qu’en fait il recherche, celui de la disparition pure et simple des annexes 8 et 10 de la convention Unedic.

Alors qu’un mot d’ordre de « grève générale » vient d’être lancé, il n’est que temps que le gouvernement prenne enfin ses responsabilités. Initiateur, il y a près d’un an, de la modification du Code du travail qui a mis fin à la solidarité interprofessionnelle de l’assurance-chômage, il ne peut continuer à jouer les Ponce-Pilate quant tout un secteur de la création artistique, celui du spectacle vivant, est aussi directement menacé.

Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, solidaire de la mobilisation des intermittents du spectacle, demande instamment à Messieurs Aillagon et Fillon de relancer, sans attendre le 26 juin, la discussion entre les partenaires sociaux et de contribuer concrètement à ce que la négociation en cours débouche sur la sauvegarde d’un régime spécifique indispensable à l’existence de la création culturelle dans notre pays.

Communiqué de presse – 30 Juin 2003

Au nom du Groupe Socialiste de l’Assemblée nationale, Patrick Bloche, Député de Paris, a reçu – ce lundi 30 juin 2003 – une délégation conjointe des syndicats CFDT-CGT-FO représentant les archéologues et de membres de la coordination des intermittents du spectacle.

Un large échange de vues a permis, durant une heure trente, de constater la convergence d’analyses et de positions sur ces deux dossiers qui révèlent la politique désastreuse du gouvernement Raffarin en matière culturelle.

Les députés socialistes tiennent à réaffirmer leur totale solidarité avec les intermittents du spectacle.

En ce qui concerne l’actuelle mobilisation des professionnels du spectacle vivant, le groupe socialiste condamne une nouvelle fois les risques de précarisation massive qui pèsent sur des femmes et des hommes qui sont, ne l’oublions pas, des créateurs de richesse comme le confirme les conséquences de l’éventuelle annulation de plusieurs festivals d’été.

Plutôt que de répéter que l’accord intervenu la semaine dernière contient de « considérables avancées » dont le MEDEF est le seul réel bénéficiaire, Jean-Jacques Aillagon ferait mieux de persuader son gouvernement de ne pas donner son agrément à cet accord scandaleux et de relancer la négociation entre les partenaires sociaux. Par ailleurs, les députés socialistes condamnent l’expulsion par les forces de l’ordre, à la demande du Ministère de la Culture (c’est une première !!), des lieux culturels occupés ces derniers jours par les intermittents.

Enfin, le groupe socialiste de l’Assemblée nationale confirme sa mobilisation contre le projet de loi du gouvernement visant à privatiser l’archéologie préventive et qui a été inscrit à la session extraordinaire du Parlement.

Alors que le budget de la Culture n’a pas été « sanctuarisé » contrairement à la promesse faite par le Président de la République durant sa campagne électorale du printemps 2002 et voit gels et annulations de crédits se multiplier, l’intervention de la puissante publique est systématiquement réduite secteur par secteur : c’est ce grand service public de la culture, un bien commun qui appartient à tous les Français qui est ainsi mis à mal.

Communiqué de presse commun de Patrick Bloche, député de Paris, et d’Anne Hidalgo, secrétaire nationale à la Culture du PS – 14 Novembre 2003

Le Parti socialiste dénonce la parodie de séance de négociation organisée jeudi 13 novembre à la hâte par le MEDEF avec la complicité du gouvernement.
Alors que l’accord signé le 26 juin 2003 risque d’être annulé par le Conseil d’Etat, les signataires ont décidé de le toiletter afin d’en gommer les irrégularités.

La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Nous lui demandons avec insistance de ne pas agréer l’accord signé hier soir et d’ouvrir immédiatement de véritables négociations sur l’avenir des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC.
Nous renouvelons notre complet soutien aux professionnels du spectacle vivant et de l’audiovisuel dont la détresse est manifeste.

Le Parti socialiste quant à lui, auditionnera et débattra avec les syndicats et la coordination des intermittents et précaires d’Ile de France sur leurs contre-propositions lors de la réunion de la commission culture le 29 novembre 2003 au siège du Parti Socialiste.

Débat sur le spectacle vivant – 9 décembre 2004

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Depuis 18 longs mois, la culture traverse dans notre pays une crise sans précédent, une crise profonde dont la remise en cause brutale de ce qu’on appelle communément le régime des intermittents a été le révélateur. Et ce n’est pas le moindre mérite des deux rapports les plus récents et qui éclairent notre discussion d’aujourd’hui, d’avoir placé l’emploi culturel au cœur de nos préoccupations et donc du débat public ouvert depuis le funeste accord du 26 juin 2003.

18 mois, c’est sans doute trop court, plaiderez-vous Monsieur le Ministre, pour apporter des solutions pérennes à une crise structurelle. Et pourtant, 18 mois, c’est si long pour ces artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, ces « travailleurs de la culture » pour reprendre la belle formule de Jean ZAY, ces femmes et ces hommes passionnés par leur choix de vie professionnelle et qui sont aujourd’hui précarisés de façon inacceptable. Nous sommes quelques-uns dans cet hémicycle, et notamment Etienne PINTE que je tiens tout particulièrement après Jean-Pierre BRARD à saluer, à vivre depuis plus d’un an, une fraternité d’armes qui, au sein d’un Comité de suivi inédit, nous amène à partager leur mobilisation mais aussi leur angoisse.

Le temps presse, Monsieur le Ministre. Vous le savez, évidemment. Mais, à l’approche d’une année nouvelle, de plus si stratégique pour l’assurance-chômage dans son ensemble, le début 2005 n’a pas le même sens que la fin 2005. Les semaines qui viennent sont essentielles pour que la création culturelle dans notre pays ne soit pas touchée au cœur par le découragement progressif et invisible sur l’instant, de professionnels qui n’auront d’autre solution pour survivre socialement que de se reconvertir, comme on dit des bassins d’emplois, en abandonnant un engagement artistique qui est toute leur vie. Ce serait alors la vraie victoire de ceux qui veulent liquider les annexes 8 et 10, et cela nous ne pouvons l’accepter. Sauf à exclure ensuite de nos discours le mot d’ordre qui pourtant nous réunit, de la diversité culturelle.

C’est, en ayant à l’esprit tous ces enjeux, que la première proposition du rapport PAILLÉ – KERT adopté – je le souligne – à l’unanimité, prend toute sa force : la renégociation urgente de l’accord de 2003, sans attendre l’échéance de la fin 2005.

Ce rapport, comme celui de Jean-Paul GUILLOT, converge sur de nombreux points et d’abord parce qu’il part de l’emploi et non du chômage. C’est ainsi une vraie satisfaction, même si elle a un goût amer, d’avoir la confirmation que le mauvais accord du 26 juin n’a en rien réduit le déficit qui lui servait de justification première et qu’il a été de plus facteur d’inégalités criantes et d’effets pervers. C’est, à cet égard, une condamnation sans appel de ceux qui gèrent visiblement l’Unedic comme des apothicaires.

Il est donc clair aujourd’hui, et c’est naturellement essentiel, qu’il faut maintenir un régime spécifique d’assurance-chômage dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, que nous devons réfuter toute idée d’une caisse complémentaire, qu’il est indispensable de mettre en œuvre un plan audacieux pour l’emploi culturel permettant de stopper la dérive de la paupérisation des acteurs culturels que traduisent ce chiffre terrible des 8 artistes et techniciens indemnisés sur 10 ayant un salaire annuel de référence inférieur à 1,1 smic !

Je ne reviendrai pas sur toutes les propositions des deux rapports déjà cités et notamment celui de Jean-Paul GUILLOT qu’il s’agisse du développement des emplois permanents, de l’accroissement de la durée moyenne du travail annuel rémunéré et des contrats, de l’activation de tous les dispositifs de contrôle de l’emploi, de le prise en compte dans de nouvelles conventions collectives des temps de répétition et de préparation.

Il faudra naturellement que les pouvoirs publics à tous les niveaux, qu’ils soient employeurs ou donneurs d’ordre, soient exemplaires. De la même façon, des efforts de structuration des secteurs d’activité culturels seront nécessaires pour réduire la précarité des emplois. Je pense ainsi à la mutualisation des moyens des mico-entreprises de spectacle, à la régulation des métiers, à la prise en compte des qualifications et de l’ancienneté, à la redéfinition des missions de service public liées au subventionnement.

La question du périmètre des annexes 8 et 10 – même si elle est particulièrement complexe – est logiquement posée, sans fort heureusement le présupposé absurde qu’il y aurait trop d’artistes en France ! Comment ne pas se réjouir, à cet égard, que n’aient pas été reprises les préconisations pour le moins hasardeuses de Monsieur CHARPILLON, entre numérus clausus et réduction du champ d’application aux métiers ayant, je cite, « une proximité avec l’acteur créateur », ce qui excluait dans une large mesure les activités de diffusion pourtant indispensables à l’élargissement des publics. De la même façon, exit l’idée d’une sélection à l’entrée ou de l’instauration d’une carte professionnelle qu’on ne saurait bien entendu confondre avec la nécessité pointée dans le rapport de la mission d’information parlementaire d’un effort majeur de formation initiale et permanente.

Sans doute, en ce domaine, faudrait-il déterminer plus clairement la ligne de partage entre démarches professionnelles et pratiques amateurs, surtout quand des professionnels précarisés voient avec inquiétude des amateurs être professionnalisés sans raison et le plus souvent par facilité. C’est parce que l’artiste bénéficiera d’une position sociale affirmée et reconnue qu’il abordera sans crainte des pratiques amateurs qui doivent prendre rang de priorité dans les choix de politique culturelle.

En attendant que ces différentes pistes se formalisent, ce qui nécessitera pour certaines d’entre elles une négociation collective active, le plus court terme m’amène à exprimer une déception et à rappeler des propositions.

La déception, c’est que ne soit pas tombé un déni de démocratie qui ne peut qu’interpeller très directement la Représentation nationale. La nomination d’un expert indépendant, en l’occurrence Jean-Paul GUILLOT, demandée par le Comité de suivi répondait à une exigence de transparence qui n’a pas été totalement satisfaite.

Si nous savons qu’en 2002, les intermittents représentaient 4,9 % des chômeurs indemnisés mais ne percevaient que 3,6 % des allocations-chômage (ce qui relativise – c’est le moins que l’on puisse dire – leur responsabilité dans le déficit global de l’Unedic), si nous avons appris que pour les risques maladie et retraite, l’apport des intermittents est excédentaire, bref, si nos connaissances statistiques se sont sensiblement accrues, l’opacité de l’Unedic subsiste qu’il s’agisse notamment du montant des salaires réels et du nombre des cotisants non indemnisés. Sans parler des écarts entre les chiffres avancés par l’Unedic et ceux fournis par la caisse des Congés spectacle qui resteront inexplicables tant qu’un croisement complet (je dis bien complet) des fichiers ne sera pas opéré.

De fait, faute d’une expertise incontestable, il m’apparaît nécessaire de garder dans le champ du possible l’accord de la FESAC et le nouveau modèle élaboré par la Coordination des Intermittents et déjà évoqué par notre collègue BAGUET.

Les propositions que je souhaitais rappeler à cette tribune, ce sont tout simplement celles du Comité de suivi :

– 507 heures sur 12 mois (c’est la réalité de l’emploi culturel salarié) avec date anniversaire préfixe (et j’ai noté, Monsieur le Ministre, votre engagement sur ce point) ;
– versement sur 12 mois des indemnités journalières de chômage ;
– possibilité aux artistes comme aux techniciens de dispenser des formations ces heures de formation devant être prises en compte à raison de 169 heures par an ;
– traitement de la maladie et des accidents du travail comme cela a été fait pour les congés maternité ;
– retour à la possibilité d’un cumul d’activités au sein des annexes 8 et 10 et de l’ensemble du régime général ;
– enfin, intégration de clauses de sauvegarde au fonds spécifique provisoire qui deviendra transitoire en 2005, pour réagir au cas par cas aux accidents de carrière et aux cas sociaux les plus difficiles, notamment pour les jeunes entrant dans la profession et qui ont été particulièrement pénalisés par l’accord du 26 juin 2003.

Le cadre étant fixé, il ne vous reste plus – si j’ose dire – Monsieur le Ministre à amener les partenaires sociaux à s’engager le plus vite possible dans une négociation pour définir un nouveau protocole, comme le préconise d’ailleurs le rapport GUILLOT.

Sinon, par une initiative gouvernementale ou parlementaire, il reviendra à la Loi de réformer les annexes 8 et 10. Ce serait la mort du paritarisme, disent certains. Mais, mes chers collègues, en cas de carence et au nom de l’intérêt général, il revient à la Représentation nationale de prendre ses responsabilités.

Dois-je rappeler ici même que la Loi est intervenue à deux reprises, il n’y a pas si longtemps. Au début de l’année 2002, nous avons été amenés à pérenniser le régime spécifique des intermittents alors privé de tout fondement conventionnel. Quelques mois plus tard, à l’été de la même année, les gestionnaires de l’Unedic eux-mêmes nous demandaient (je tiens à préciser que le groupe socialiste s’y était opposé) de modifier le code du travail mettant à mal au passage la solidarité interprofessionnelle (la CGT spectacle doit s’en souvenir) pour permettre le doublement des cotisations. Si je suis resté jusqu’à présent dans le cadre que vous avez bizarrement limité, Monsieur le Ministre, au spectacle vivant alors que c’est une politique culturelle globale et cohérente qui est visée par ce débat d’orientation, je vais m’en échapper pour plusieurs raisons.

D’abord parce que le divorce croissant entre les industries culturelles et le monde de la création (vous savez : « la part de cerveau disponible de nos concitoyens… ») nous impose d’écarter tout cloisonnement. Ensuite parce que l’emploi culturel n’est pas que salarié. A la suite du rapport de la mission d’information parlementaire, je veux évoquer les plasticiens, les photographes, la plupart des auteurs et nombre d’acteurs culturels qui ont un statut d’indépendant. Pour beaucoup trop de ces créateurs et de ces artistes, c’est souvent l’absence de protection sociale élémentaire qui est la règle, notamment quand le niveau de vie dépend directement de la cession, aussi incertaine qu’irrégulière, des droits afférents à leurs œuvres. C’est pourquoi il paraîtrait utile d’engager une réflexion plus vaste, plus profonde, plus prospective sur le statut de l’artiste, de tous les artistes, que nous pourrions peut-être un jour traduire dans la Loi.

Enfin, si nous allons vers l’adoption d’un plan ambitieux pour l’emploi culturel, il faut le financer. Rassurez-vous, Monsieur le Ministre, je ne vais pas redire, ici-même tout le mal que je pense de votre budget pour 2005 je l’ai amplement fait lors de son examen, le 2 novembre dernier. De la même manière, je ne vais pas m’offrir la facilité d’évoquer le 1 %, surtout que je considère qu’objectif politique visionnaire il y a vingt ans, c’est aujourd’hui un frein. Et, je ne veux même pas parler de la sanctuarisation du budget de la culture.

Il apparaît cependant plus que souhaitable en poursuivant un objectif social de ne pas porter atteinte au niveau de notre création culturelle, dans un contexte de plus où nombre de structures culturelles sont fragilisées par la suppression des emplois-jeunes ou encore la fin de la prise en compte de la culture dans la politique de la ville.

D’où l’idée lancée en Avignon, cet été, d’une loi d’orientation et même de programmation. Elle permettrait sur cinq ans de financer un plan pour l’emploi culturel, de définir plus précisément, au bout de cette période, les besoins budgétaires du Ministère de la Culture, de clarifier par la relance des protocoles de décentralisation, les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales.

Cette dernière perspective nous emmène, de fait, très loin de la réalité actuelle qui voit le gouvernement décentraliser ses déficits et se désengager financièrement sur le dos des collectivités locales qui contribuent pourtant aux 2/3 du financement public de la culture. Je suis ainsi frappé de la légèreté avec laquelle le gouvernement veut se débarrasser d’un nombre conséquent de monuments historiques pour laisser le soin aux collectivités territoriales d’en assurer la restauration (ce sont souvent des ruines…) et l’entretien.

Ce sont autant de crédits consacrés par nécessité au patrimoine par ces collectivités, qui n’iront pas au spectacle vivant… Dans un tout autre domaine, quand les recettes de la redevance stagnent et que le gouvernement sous-finance l’audiovisuel public, comme ce sera un peu plus le cas en 2005 malgré les 20 millions supplémentaires, qui ne voit que c’est l’emploi culturel qui se trouve pénalisé.

Les exemples ne manquent pas, qui tendent tous à une refondation de la politique culturelle de notre pays.

En attendant, sans doute la prochaine alternance, l’urgence demeure et il n’est que temps, Monsieur le Ministre, Mes chers Collègues, que tombe un mythe qui a visiblement la vie dure à l’Unedic, celui de la bohême comme moteur de la création.


Proposition de loi relative à la pérennisation du régime d’assurance chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle (n°2141 – 3 mars 2005)


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La crise de l’été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Qu’il soit vivant ou enregistré, le spectacle contribue tout à la fois à l’accès à la culture, à la cohésion sociale et à l’animation de nos territoires.
C’est pourquoi, dans l’attente d’une loi d’orientation qui jettera les bases de l’emploi culturel, il importe de pérenniser les principes sur lesquels repose l’assurance chômage des artistes et des techniciens qui le font vivre aujourd’hui.
En effet, comme l’ont montré les derniers rapports produits à la diligence du ministre de la Culture ou de l’Assemblée nationale et du Sénat, les difficultés rencontrées s’accumulent. Les effectifs augmentent plus vite que les ressources ; aussi, la durée des contrats a été divisée par quatre, les revenus diminuent et la précarité s’étend, notamment chez les jeunes qui peinent à trouver leur place dans ce fragile équilibre. A la lumière de ces rapports le seuil de 507 heures annuelles correspond au volume d’heures professionnelles effectives.
L’accord du 26 juin 2003 n’a été en mesure ni d’enrayer les abus ni de protéger les plus vulnérables. L’Etat a dû mettre en place un fonds provisoire, aujourd’hui prolongé en fonds transitoire jusqu’au 31 décembre 2005, et obtenir de l’UNEDIC un retour à la situation antérieure concernant les congés de maternité. Comme le ministre l’a affirmé le 17 décembre 2004, la nécessité de « conforter le régime de l’intermittence », dans l’immédiat, n’exclut pas la recherche d’un futur système plus ambitieux de garantie de l’emploi culturel.
Dans cette perspective, il appartient au législateur de préciser les bases d’un régime spécifique d’assurance chômage dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle au sein de l’UNEDIC. C’est l’objet de la présente proposition de loi qui fixe le cadre à l’intérieur duquel les modalités de l’indemnisation (conditions d’admission, calcul des droits) trouveront naturellement leur place. Ce dispositif vise à garantir l’égalité de traitement et devra inciter à la déclaration de toutes les heures travaillées, étant entendu que le montant global de la charge d’indemnisation des intermittents au titre de l’assurance chômage reste inchangé pour les institutions gestionnaires.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’accord prévu par l’article L. 351-8 du code du travail précise les conditions dans lesquelles sont assurées la solidarité, l’égalité de traitement et la transparence des données, au sein des professions du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel. II définit également les modalités de l’ouverture des droits à indemnisation, sur une période de référence de douze mois, avec une date d’anniversaire fixe et le versement d’une indemnité sur l’ensemble de cette même période de référence. Le versement de cette indemnité journalière minimale plafonnée garantit l’égalité de traitement et incite à la déclaration de toutes les heures travaillées.

Article 2
Les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés à l’article 1001 du code général des impôts.

Discussion de la proposition de loi – Intervention de Patrick Bloche –
12 octobre 2006

Depuis plus de trois ans, depuis l’agrément donné par le gouvernement au funeste accord du 26 juin 2003, la culture traverse, dans notre pays, une crise sans précédent, une crise profonde dont la remise en cause brutale du régime d’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, a été le révélateur.

Est-il besoin, une nouvelle fois, de rappeler que l’accord du 26 juin 2003 qui régit encore aujourd’hui les annexes 8 et 10, est un mauvais accord alors même que 80 % des intermittents gagnent au mieux 1,1 fois le SMIC. Comment ne pas penser, à cet instant, à ces femmes et à ces hommes passionnés par leur choix de vie professionnelle, ces « travailleurs de la culture » pour reprendre la belle formule de Jean Zay, qui, depuis plus de trois ans, ont été précarisés de façon inacceptable. Comment ne pas mesurer combien la création culturelle dans notre pays a été touchée au cœur par le découragement progressif et invisible sur l’instant, de professionnels qui n’ont eu d’autre solution pour survivre socialement que d’abandonner un engagement artistique qui était toute leur vie.

Car cet accord, il faut le redire, n’a en rien réduit le déficit, bien au contraire, qui lui servait de justification première et il a été, de plus, facteur d’inégalités criantes et d’effets pervers que la mission d’information sur les métiers artistiques présidée par notre collègue Dominique Paillé et dont le rapporteur était notre collègue Christian Kert dénonçait unanimement dès mars 2004.

Parce que nous ne nous résignons pas à ce qui serait alors la vraie victoire de ceux qui veulent, à l’instar du Medef, liquider les annexes 8 et 10 ou tout du moins tuer la solidarité interprofessionnelle, nous avons été nombreux dans cet hémicycle, au-delà des clivages politiques traditionnels, à vouloir le débat parlementaire de ce matin.

Malgré l’intensité de la crise de l’emploi culturel qui révèle plus profondément une crise globale des politiques culturelles dans notre pays, malgré la très forte et constante mobilisation de ceux qui en sont les victimes et de ceux qui les représentent dont vous avez pu, une nouvelle fois, Monsieur le Ministre, prendre la mesure cet été au Festival d’Avignon, le dossier de l’intermittence a été finalement peu évoqué dans cet hémicycle ces trois dernières années.

Hormis nos questions au gouvernement et nos interpellations lors de l’examen annuel du budget de la culture, nous n’avons réellement eu, en séance publique, qu’un seul débat de fond, le 9 décembre 2004, à votre initiative d’ailleurs, Monsieur le Ministre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’interventionnisme supposé des parlementaires n’est qu’un mythe ou plutôt un chiffon rouge agité régulièrement par opportunisme ou par calcul.

Lors de ce débat sur le spectacle vivant de la fin 2004, nous avions d’ailleurs été plusieurs à évoquer la voie législative au nom de l’intérêt général pour sortir de l’impasse conventionnelle.
Vous nous aviez alors répondu, Monsieur le Ministre : « Nous n’en sommes pas là ! »

C’était il y a bientôt deux ans.

Or, en deux ans, qu’avons-nous constaté ?

Le fonds « provisoire » s’est transformé en fonds « transitoire » fin 2004, puis en fonds permanent de professionnalisation et de solidarité en mai dernier avec une dotation de 120 millions d’euros en 2006, la solidarité nationale se substituant progressivement à la solidarité interprofessionnelle.

Le « système pérenne et équitable » que vous aviez annoncé, Monsieur le Ministre, pour le 1er janvier dernier, se fait toujours attendre et vous avez dû dépenser une énergie considérable pour remettre les partenaires sociaux autour de la table des négociations afin d’aboutir au projet de protocole du 18 avril 2006 qu’aucune centrale syndicale n’a encore signé six mois plus tard, la CGT et FO ayant d’ores et déjà exprimé leur désaccord. Ce constat est la meilleure preuve que, signé ou non un jour, le projet de protocole est un très mauvais projet qui ne pose pas les bases d’un « système pérenne et équitable » !

De fait, nous vous avons pris au mot, Monsieur le Ministre. N’est-ce pas vous-même qui, dans cet hémicycle, le 30 mars 2005, affirmait en réponse à une question de notre collègue Christian Kert : « Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c’est-à-dire par voie législative ».

Ce moment-là est arrivé, Monsieur le Ministre. Il faut mettre un terme à cette course de lenteur qui nous a été imposée. C’est aujourd’hui la dernière opportunité offerte à l’initiative parlementaire avant la fin de la législature et si cela se fait dans l’urgence, après avoir tant attendu, c’est qu’il y a urgence sociale.

Dès le 31 mai de cette année, les parlementaires du comité de suivi avaient d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme et indiqué leur volonté de voir examiner la présente proposition de loi en affirmant : « Nous sommes allés au bout du processus. Il est temps maintenant de répondre à l’attente de tous les artistes et techniciens, il faut que le Parlement prenne ses responsabilités. »

A cet égard, il n’est pas acceptable que soit fait le procès de l’intervention du législateur au prétexte qu’il s’agit de droit du travail. La loi, nous le savons, est très régulièrement à l’origine de la négociation collective. C’est même une pratique courante encadrée par la Constitution. Ainsi, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé la convention de reclassement personnalisé, renvoyant à la négociation le soin d’en préciser les modalités.

Plus précisément, la loi est intervenue à deux reprises sur le dossier de l’intermittence, il n’y a pas si longtemps. Au début de l’année 2002, nous avons été amenés à pérenniser les annexes 8 et 10, alors privées de tout fondement conventionnel. Quelques mois plus tard, dans le courant de l’été, les gestionnaires de l’UNEDIC eux-mêmes nous demandaient de modifier le code de travail – je tiens à préciser que l’opposition avait voté contre -, mettant à mal au passage la solidarité interprofessionnelle, pour permettre le doublement des cotisations chômage avec les conséquences négatives que l’on devine sur le pouvoir d’achat des salariés concernés et sur les finances des entreprises et associations culturelles.

Ces rappels étant faits, je devine, Monsieur le Ministre que vous allez nous dire que la loi nuit à une négociation collective actuellement non finalisée.

Au-delà du fait que le groupe socialiste, par respect du rôle joué par les partenaires sociaux, a fait volontairement le choix de ne pas mobiliser sa niche parlementaire dès le printemps dernier, comme le groupe UDF en début d’année, comment ne pas dénoncer la présentation abusive d’un courrier d’un dirigeant d’une confédération syndicale au ministre de l’emploi comme l’annonce d’une signature imminente du protocole d’accord du 18 avril 2006.

D’autant plus, Monsieur le Ministre, que l’enjeu n’est pas dans la forme mais sur le fond.

En ne modifiant qu’à la marge le protocole de 2003, les rédacteurs du projet de protocole du 18 avril 2006 balaient du revers de la main tout le travail d’expertise et de propositions mené depuis trois ans : celui du comité de suivi (j’y reviendrai), le rapport de Jean-Paul Guillot, et le rapport de la mission d’information sur les métiers artistiques. On ne peut que constater l’absence des principales revendications : 507 heures nécessaires en 12 mois à date anniversaire fixe, délai préfixé de 12 mois d’indemnisation en lieu et place de la capitalisation, indemnité journalière plancher égale au SMIC, prise en compte des heures de formation et des congés maladie hors contrat.

Ce que propose le MEDEF n’est pas acceptable en l’état. L’abandon progressif du régime particulier, qui sous-tend ses propositions, aboutirait en fait à remettre en cause le statut de salarié de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de service pourrait ainsi peu à peu supplanter la présomption de salariat garantie par l’article L.762 – 1 du code du travail.

D’où la claire alternative que constitue la proposition de loi dont nous débattons ce matin et qui est le produit du travail réalisé au sein du comité de suivi créé à l’Assemblée nationale, en décembre 2003, à l’initiative de notre collègue Noël Mamère et au sein duquel notre collègue Etienne Pinte joue le rôle déterminant que l’on sait, sans oublier le lyrisme salvateur de Jack Ralite… Le comité de suivi est un collectif original réunissant, outre des députés et des sénateurs de tous les groupes, des représentants des syndicats (la CGT – Spectacle, Sud), de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France et d’organisations professionnelles.

Le comité de suivi qui joue un rôle clé dans le conflit des intermittents depuis trois ans, est donc à l’origine de cette proposition de loi déposée simultanément et dans les mêmes termes en mars 2005 sur les bureaux des deux assemblées.

Pour l’Assemblée nationale, il s’agit des propositions : n°2140 de Pierre Albertini et du groupe UDF ; n°2141 du groupe socialiste ; n°2142 de Noël Mamère et des députés Verts ; n°2143 de Frédéric Dutoit et du groupe communiste et républicain ; n°2144 d’Etienne Pinte et d’une centaine de députés UMP.

Cette proposition de loi, signée par 472 parlementaires à ce jour, dont plus de 300 députés émanant de tous les groupes politiques, soit la majorité de notre Assemblée, fixe un nouveau cadre pour pérenniser les annexes 8 et 10 au sein de la solidarité interprofessionnelle mais ne se substitue pas aux partenaires sociaux qui devront la décliner par une négociation.

L’article 1er de la proposition de loi dispose ainsi que le protocole d’accord sur l’assurance chômage des intermittents devra clairement préciser les conditions dans lesquelles sont assurées la solidarité, l’égalité de traitement et la transparence des données. Ce protocole s’inscrit dans le cadre des mesures d’application des dispositions du régime d’assurance chômage, elles-mêmes encadrées par l’article L.351-8 du code du travail qui dispose que ces mesures font l’objet d’un accord conclu entre les partenaires sociaux.

L’article 1er prévoit également que, pour être agréé par les pouvoirs publics, le futur protocole sur l’assurance chômage des intermittents devra comporter les dispositions suivantes :

– la définition précise des modalités de l’ouverture des droits à indemnisation,
– sur la période de référence de douze mois, comme réclamé par l’ensemble des acteurs du secteur,
– avec une date d’anniversaire fixe (si le nombre d’heures travaillées nécessaire est atteint en 12 mois, il ouvre droit à une indemnisation sur 12 mois).

En imposant uniquement cette période de référence de douze mois, le législateur fixe certes un cadre à la négociation, mais en laissant de larges marges de manœuvres aux partenaires sociaux pour finaliser un accord sur tous les autres paramètres de l’indemnisation.

A l’heure actuelle, le projet de protocole du 18 avril s’engage sur une voie très différente, et fort complexe. Je vous renvoie pour vous en convaincre aux pages 21 et 22 du rapport.

Enfin, l’article 1er de la proposition de loi dispose que le versement de l’indemnité journalière minimale devra être plafonné afin de garantir l’égalité de traitement et d’inciter à la déclaration de toutes les heures travaillées. Le projet de protocole prévoit actuellement un plafonnement, mais « maintenu à son niveau actuel », alors que l’ensemble des partenaires s’accorde pour dire qu’il est trop élevé et réclame des dispositifs modérateurs plus adaptés.

L’article 2 de la proposition de loi dispose que les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle sur les contrats d’assurances, prévue par l’article 1001 du code général des impôts.

Ainsi, le montant global de la charge de l’indemnisation des intermittents au titre de l’assurance chômage restera inchangé pour les institutions gestionnaires, qui n’auront donc pas à compenser les éventuelles nouvelles dépenses par des mesures restrictives sur les autres paramètres de l’accord (montant de l’indemnisation, nombre d’heures nécessaires, etc).

Pour conclure, il me revient de vous informer qu’à l’issue d’un débat, la commission des affaires culturelles familiales et sociales a décidé -lors de sa réunion du 4 octobre dernier- de suspendre l’examen de la proposition de loi avant la discussion des articles et de ne pas présenter de conclusions.

Monsieur le Ministre, chers collègues, la crise de l’été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Dans l’attente d’une loi d’orientation qui posera les nouvelles bases de l’emploi culturel dans notre pays, il importe aujourd’hui que la représentation nationale affirme sa volonté de pérenniser les principes sur lesquels repose l’assurance chômage des artistes et des techniciens qui font vivre ce lien essentiel, au risque sinon de devoir exclure ensuite de nos discours le mot d’ordre, qui pourtant nous réunit, de la diversité culturelle.