Projet de loi de Finances pour 2005 (1ère partie) – Redevance archéologique

Article 7 (suite)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n°400.

M. Patrick Bloche. L’article 7 traite de la nouvelle fiscalité applicable au pacs. Au-delà des effets d’annonce du ministre d’État, force est de constater, au vu des dispositions du projet de loi qui nous est présenté, qu’à l’arrivée le verre demeure à moitié plein, ou à moitié vide.
Nous aurions pu croire, après avoir voté ici même, il y a quelques semaines, un projet de loi créant une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, que le Gouvernement irait jusqu’au bout de ses intentions. M. Sarkozy et M. Bussereau les avaient exprimées dans cet hémicycle au mois de juillet, lors de l’examen du projet de loi de soutien à la consommation et à l’investissement. Or force est de constater, au travers des dispositions touchant tant à l’imposition commune sur le revenu qu’aux successions et aux donations, qu’en ce qui concerne l’abattement spécifique applicable et les taux, de fortes discriminations demeurent.
Alors qu’il avait été fait grand cas, notamment dans la presse, d’une nouvelle fiscalité opposable aux personnes liées par un pacs, on aurait pu s’attendre à ce que, toute discrimination ayant disparu, la situation des couples pacsés soit alignée sur celle des couples mariés.
Je reconnais volontiers que le délai de trois ans, nécessaire pour que deux personnes pacsées puissent déclarer ensemble leurs revenus, est tombé. Cette mesure était réclamée par le groupe socialiste depuis plusieurs années ; je me rappelle avoir déposé un premier amendement en ce sens lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002. Néanmoins nous constatons avec désagrément que la suspicion demeure à l’égard du pacs et que le qualificatif d’optimisation fiscale est utilisé aussi bien dans l’exposé des motifs du projet de loi que dans le rapport de M. Carrez. En matière de droits de succession et de droits de mutation à titre gratuit, nous assistons même à une régression, en ce qui concerne notamment les délais, puisque l’abattement spécifique et les taux applicables en matière de succession – j’y insiste – pourront être remis en cause en cas de rupture du pacs dans l’année en cours ou dans l’année qui suit, disposition que le code général des impôts ignore actuellement.
Surtout, la différenciation demeure forte en matière d’abattements spécifiques et de taux.
Ainsi l’abattement spécifique, compte tenu des nouvelles dispositions, sera de 57 000 euros pour les couples pacsés et de 126 000 euros pour les couples mariés. Les tarifs de droits de donation et de succession sont de 40 % et de 60 % pour les couples pacsés, au lieu du barème dégressif ordinaire de 5 à 40 % pour les couples mariés. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement qui vise, moins pour l’abattement que pour les taux, à un alignement de la situation des couples pacsés sur celle des couples mariés et à l’instauration d’une parfaite égalité entre eux.
Nous franchirions ensemble un grand pas si nous faisions tomber une discrimination qui, à vrai dire, mes chers collègues, n’a plus de raison d’être, cinq ans après l’entrée en vigueur du pacs que 300 000 personnes ont déjà choisi pour organiser leur vie commune.

M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n°400.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. La commission a émis un avis défavorable.
Elle a certes reconnu l’intérêt de l’article 7, puisqu’il supprime, comme l’a souligné M. Bloche, le délai de trois ans pour bénéficier des avantages fiscaux spécifiques, à la condition, il est vrai, que le pacs ne soit pas dissous dans l’année qui suit. Je rappelle également que lorsque le pacs a été institué, les droits de succession ont été réduits par rapport au droit commun, de 60 % à 50 ou 40 % selon les cas.
Il a semblé à la commission que le texte du Gouvernement constituait un bon équilibre par rapport à la fiscalité opposable aux couples mariés et qu’il fallait s’y tenir. Elle n’a donc pas souhaité retenir cet amendement qui vise à aligner le taux d’abattement des droits de succession pour les couples pacsés sur celui des couples mariés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement en discussion.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a la même position que la commission des finances.
Monsieur Bloche, il convient d’être conscient de l’importance des avancées contenues dans le projet de loi de finances. Elles traduisent la volonté politique du Gouvernement de tenir compte de la réalité du pacs. Il faut en rester à l’équilibre instauré, dans l’attente d’une réflexion plus approfondie sur la modification du code civil, réflexion qui excède le domaine fiscal. Le parlementaire expérimenté que vous êtes ne l’ignore pas.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
Pouvez-vous, par la même occasion, soutenir votre amendement de repli n° 283 ?

M. Patrick Bloche.
Volontiers, monsieur le président. Je suis toujours très coopératif. Telle est la raison pour laquelle je ne me suis pas inscrit sur l’article 7.
Je souhaite cependant répondre aux arguments avancés par M. le rapporteur général et par M. le secrétaire d’État.
À l’heure actuelle – une enquête le prouverait – un grand nombre de nos concitoyens, notamment parmi les couples déjà pacsés, s’attendent, pour avoir entendu les annonces du ministre d’État relatives au projet de loi de finances, à ce que l’année 2005 voie la disparition des dernières discriminations existantes et l’instauration d’une parfaite égalité entre couples pacsés et couples mariés, en matière d’imposition sur le revenu, de droits de succession ou de fiscalité relative aux donations. Or, en l’occurrence, il n’en est rien.
Je répète en effet que l’abattement sur les successions reste de 57 000 euros pour les couples pacsés contre 126 000 euros pour les couples mariés et que les tarifs pour les droits de donation et de succession demeurent différents, alors que le Gouvernement aurait pu modifier les taux. Ils sont de 40 à 60 % pour les couples pacsés au lieu du barème dégressif ordinaire de 5 à 40 % pour les couples mariés. Nous assistons même à une régression en ce qui concerne les droits de succession, puisque vous remettez en cause l’imposition commune et le bénéfice de l’abattement spécifique et des taux spécifiques en matière de succession et de donation en cas de rupture du pacs dans l’année qui suit. Enfin, la qualité d’héritier demeure absente et les quotités d’héritage disponible sont différentes.
Le Gouvernement a adopté une position hostile sur le mariage entre personnes de même sexe. Il s’est retrouvé dans une situation, dont nous avons goûté toute la saveur, de promotion soudaine du pacs, alors que l’opposition d’hier s’y était montrée ô combien hostile, y compris le futur ministre d’État, puisque M. Sarkozy avait voté contre le pacs.
Vous auriez été plus cohérents dans votre hostilité au mariage entre personnes de même sexe et dans votre toute nouvelle volonté de promouvoir le pacs, que vous avez décrié hier avec tant de vigueur, si vous aviez fait tomber toutes les discriminations et si vous aviez instauré un système de parfaite égalité entre couples pacsés et couples mariés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé un premier amendement visant à l’alignement des couples pacsés sur les couples mariés. Nous en avons déposé un second, de repli, qui, je l’espère, recevra un meilleur accueil du Gouvernement. Il tend à permettre aux couples pacsés de bénéficier de l’abattement spécifique et des tarifs de droits de succession applicables entre frères et sœurs.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Comme je l’ai déjà souligné dans mon intervention de cet après-midi, je suis assez favorable à l’amendement de repli de M. Bloche.
En revanche, je suis opposé à l’alignement des taux et des abattements dont peuvent bénéficier les pacsés sur ceux applicables aux couples mariés. Le pacs n’entraînant pas les mêmes obligations que le mariage, une telle différenciation ne présente, à mes yeux, rien de choquant.
L’alignement des taux et des tranches sur le barème applicable entre frères et sœurs me paraît en revanche une bonne mesure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 400.
(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. M. Bloche a déjà présenté son amendement de repli n° 283.
Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement pour la raison que j’ai évoquée il y a un instant.
Lorsque le pacs a été institué, des taux plus favorables à ceux du droit commun ont en effet été mis en place : 40 ou 50 % selon les tranches, contre 60 % pour le droit commun. Le dispositif proposé par le Gouvernement, qui réduit le délai de trois ans à un an, constitue, selon nous, un équilibre satisfaisant qu’il n’y a pas lieu de modifier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. le secrétaire d’État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis sensible à l’intervention de M. Huyghe. À partir de 2005, et c’est pour le moins paradoxal, les taux en vigueur seront donc plus défavorables aux couples pacsés qu’aux frères et sœurs vivant ensemble. Or ces couples représentent 300 000 de nos concitoyens qui ont fait le choix de vivre ensemble, sous le même toit, et de partager bien des choses. Les frères et sœurs n’ont qu’une éducation et des souvenirs en commun. En repoussant notre amendement, vous allez maintenir une inégalité qui ne se justifie plus aujourd’hui.
Vous avez refusé, et nous le regrettons, de ne modifier ni l’abattement spécifique ni les taux. En acceptant cet amendement de repli, vous montreriez que vous avez la volonté de progresser vers une égalité de traitement entre couples pacsés et couples mariés. L’adoption de cet amendement serait un signe fort.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 283.
(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)