Relatif à l’attribution du nom d’André FRIEDMANN, alias Robert CAPA, à un lieu prestigieux de Paris

Le 25 mai 1954, André Friedmann, alias Robert Capa, trouvait la mort en Indochine. Respectant une fois de trop son adage selon lequel une photo n’était bonne que si son auteur était au plus près de son sujet, il fut victime d’une mine anti-personnel, au milieu des rizières et des tirs croisés.

Quelle ironie du destin pour un homme qui détestait la guerre, même s’il avait été qualifié en 1939 de  » plus grand photographe de guerre « , et qui mourut sur un champ de bataille. Figure légendaire du photo-journalisme, la vie de Robert Capa aurait pu être celle d’un héros de roman. Pourtant son existence, aussi incroyable fut-elle, n’est pas le fruit de l’imagination d’un écrivain, mais s’est réellement nourri de tous les grands événements de la première moitié du XXème siècle.

Né en 1913 en Hongrie, André Friedmann émigra à Paris en 1933, après avoir été confronté à la montée de l’antisémitisme et du totalitarisme tant à Budapest qu’à Berlin. Jeune photographe inconnu, il se créera un avenir en inventant Robert Capa, personnage mystérieux et intrépide, Leica à la main, combattant l’injustice par les images, plutôt que par les mots.

Témoin du Front populaire et de la guerre civile espagnole, il quittera Paris pour les Etats-Unis en octobre 1939, continuant à défendre les valeurs de la Vieille Europe durant les cinq années qui suivront. Il sera d’ailleurs le seul journaliste à débarquer à l’aube du 6 juin 1944 à Omaha Beach, gravant ces premières heures de combat dans nos mémoires. Pour ne pas être paralysé par la peur, il y prendra sans interruption des photos, dont seule une partie pourra finalement être développée. D’autres paysages et champs de bataille se succèderont : la campagne d’Italie, la Libération de Paris, la bataille de Bastogne, celle de Berlin, la naissance de l’Etat d’Israël, etc.

De tous ces clichés, ce n’est pourtant pas la violence ou le voyeurisme qui se dégagent, mais la recherche humaniste du photographe. La sensibilité de son œil et de sa pellicule, c’est ce que Capa apportera, en 1947, à la fondation de Magnum, première agence réunissant des photographes indépendants tels que David Seymour, Bill Vandivert, George Rodger ou Henri Cartier-Bresson.

Ce dernier – qui nous a quitté récemment – disait de lui : « Capa pour moi portait l’habit de lumière d’un grand torero, mais il ne tuait pas ; grand joueur, il se battait généreusement pour lui-même et pour les autres dans un tourbillon. La fatalité a voulu qu’il soit frappé en pleine gloire. »

En 1954, Capa photographe atypique, brûlant sa vie par les deux bouts, fera un reportage de trop sur une guerre de trop…

Alors que Paris célèbre la photographie durant tout le mois de novembre, des paroles de John Steinbeck se rappellent à nous : « Capa a prouvé que l’appareil photo n’est pas forcément un froid ustensile mécanique. Comme un stylo, il vaut ce que vaut son utilisateur. Il peut être le prolongement de l’esprit et du cœur. »

Afin de rendre hommage à André Friedmann, alias Robert Capa, cinquante ans après sa disparition, le Conseil de Paris émet le vœu que son nom soit attribué à un lieu prestigieux de la capitale.