Budget de la Communication
M. Patrick Bloche. Je voudrais aborder trois points. Le premier est celui de l’audiovisuel public et de son financement, sujet qui nous a déjà largement occupés ce matin, et a pu donner à ceux d’entre nous qui étaient présents le vendredi 22 octobre, lors de la séance consacrée à l’examen des recettes, une certaine impression de déjà-vu. Le cadre budgétaire est tellement contraint que je ne vois pas très bien ce que l’on peut dire de plus.
Je crains par contre d’avoir un débat d’avance en abordant la question de la chaîne d’information internationale, puisque les crédits du budget du ministère des affaires étrangères seront débattus lundi.
Reste la diffusion de la presse, troisième point que j’aborderai, le seul peut-être au bon tempo.
Sur l’audiovisuel public, tant de choses ont été dites, notamment par Didier Mathus et Michel Françaix, que je ne m’étendrai pas sur la préoccupation majeure du groupe socialiste, à savoir ce que seront les ressources publiques de l’audiovisuel en 2005. L’amendement de Patrice Martin-Lalande offre des garanties sur ce point. Nous aurions tout de même souhaité que l’amendement proposant d’augmenter le plafond du remboursement des exonérations aux chaînes publiques par l’État soit adopté. Porter ce plafond à 480, 500 ou 520 millions d’euros aurait sans doute été préférable à la garantie de ressources que nous avons obtenue en compensation.
Je ne reviens pas sur le montant de la redevance en 2005, ou l’exonération des résidences secondaires. En revanche, j’insiste sur le fait que l’audiovisuel public ne nous paraît pas disposer à l’heure actuelle des ressources nécessaires pour honorer ses engagements de production dans le domaine de la création audiovisuelle, notamment les fictions et documentaires, et pour participer pleinement au lancement de la TNT. Notre interrogation porte sur les ressources propres de l’audiovisuel public, notamment les recettes publicitaires. Sur ce point, les hypothèses évoquées par M. Dominique Richard – notamment le retour éventuel à dix minutes de publicité par heure – ne sont pas de nature à nous rassurer et mériteraient pour le moins d’être replacées dans le cadre d’une réflexion sur la définition des missions du service public confiées à l’audiovisuel. Les rapports qu’avait commandés M. Aillagon, loin de clarifier la question de l’audiovisuel public, ont plutôt brouillé le message en menant le débat sur des terrains sociétaux ne permettant pas de dégager des propositions concrètes. Il ressort d’un sondage sur le thème de l’audiovisuel public, paru fin septembre dans un hebdomadaire consacré à la télévision, que 48,4 % des Français sont mécontents des programmes, mais surtout que TF1 est considérée par 28,6 % des personnes interrogées comme la chaîne qui incarne le mieux le service public, devançant assez largement France 2 avec 18,8 % et France 3 avec 18,3 %. Il semble donc hautement souhaitable, monsieur le ministre, que vous précisiez quelles sont pour vous les missions de service public confiées à l’audiovisuel public et dans quelles conditions France Télévisions sera à même de les remplir sans augmenter ses ressources propres de manière exagérée par rapport aux ressources publiques.
En ce qui concerne la chaîne française d’information internationale, je ne reviens pas sur les travaux parlementaires ignorés par le Gouvernement en leur temps. Il ressort des déclarations de Patrice Martin-Lalande et de celles du ministre des affaires étrangères que d’importants problèmes de financement se posent, puisque le budget 2005 ne contient aucun budget affecté à ce projet de chaîne, même pas les quelques milliers d’euros qui auraient permis de procéder à une étude de faisabilité. Je ne reviens pas sur le retard pris dans le calendrier, ni sur l’idée, évoquée par Pierre-Christophe Baguet, de retirer cette chaîne de l’autorité du ministre des affaires étrangères pour la placer sous votre tutelle. Je me contenterai de rappeler que l’audiovisuel extérieur, notamment TV5, engage la présence de la France à l’extérieur.
L’interrogation fondamentale au sujet de la chaîne française d’information internationale est celle du standard auquel nous avons été amenés à réfléchir, correspondant à ce que l’on a appelé une « CNN à la française ». Or, en ce domaine très concurrentiel où l’offre audiovisuelle est surabondante, les standards passent vite, et je me demande si le retard pris par le calendrier et l’absence de financement prévu pour cette chaîne n’ont pas rendu caduc le standard initialement envisagé. Peut-être faudra-t-il, le moment venu, travailler sur une nouvelle ligne éditoriale, un formatage, un contenu très différents. Je ne développe pas davantage sur ce point, puisque je serai amené à évoquer lundi après-midi cette question à laquelle j’ai consacré mon rapport budgétaire. Je l’ai abordée, non pas sous l’angle de la thématique classique : « Une chaîne d’information internationale, pour quoi faire ? », mais plutôt en me demandant à quel public cette chaîne était destinée, et pour répondre à quelles attentes. Je suis revenu d’une mission au Caire avec le sentiment que le temps qui passe a pour effet inévitable de remettre en cause nos réflexions.
Ma dernière réflexion porte sur les diffuseurs de presse, sujet sur lequel le ministre nous a appelés à être futuristes. Un maire que je connais bien parlerait de créativité ; or, à l’exception du Fonds de modernisation, la créativité ne me semble guère au rendez-vous. La crise qui touche les diffuseurs de presse, notamment les boutiquiers et les kiosquiers, est grave et risque d’avoir d’importantes répercussions sur la diffusion de la presse d’opinion, donc sur le pluralisme et la diversité démocratique. Cette question aux multiples incidences, jusqu’à présent ignorée, ou abordée sans que l’on ait pris la véritable mesure du problème, me semble mériter d’être traitée au fond. Elle tient à la baisse de diffusion de la presse quotidienne et à l’essor des gratuits ; en ce domaine, une définition plus précise du colportage s’impose. S’y ajoutent les difficiles conditions de travail des kiosquiers. Les kiosques sont en effet surchargés par un trop grand nombre de titres livrés dans des locaux le plus souvent exigus. On peut, certes, envisager de moderniser et d’agrandir les locaux, mais cela n’est pas toujours facile, notamment dans une ville comme Paris. Chez un kiosquier moyen qui, en vertu de la loi Bichet, se voit obligé de diffuser 2 000 titres, il faut savoir que 500 titres, soit le quart, c’est 100 % d’invendus. Le faible montant des commissions perçues accroît la difficulté des kiosques à subsister. Il conviendrait donc de revoir, non pas les commissions sur les quotidiens, l’équilibre en ce domaine étant trop fragile, mais au moins celles sur les autres publications.
Plusieurs réformes passent sans doute par un toilettage de la loi Bichet de 1947, très contraignante à bien des égards. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à vous atteler à ce travail de fond ?