Projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

1ère lecture – 5 octobre 2004

Madame la présidente,
madame la secrétaire d’État,
monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission,
chers collègues,

Alors que la France s’interroge sur la laïcité, un autre principe fondateur de la République est régulièrement malmené par l’existence de discriminations : l’égalité.

Les pratiques discriminatoires constituent la négation du principe d’égalité, proclamé dès les articles premiers de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

A l’heure de la mondialisation, la lutte contre les discriminations est un élément du combat contre le communautarisme et le repli sur soi qui fragilisent la cohésion nationale. Les revendications communautaristes sont attisées par le refus des différences qu’expriment les discriminations. Stigmatiser les personnes pour ce qu’elles sont est une atteinte intolérable à leur dignité et une amputation de leur citoyenneté.

La France possède une législation sur la non-discrimination influencée par l’action volontariste, dès 1950, de l’Union européenne qui a souhaité se doter d’une compétence particulière en ce domaine avec le Traité d’Amsterdam.

Ainsi, la rédaction de l’article 225-1 du code pénal qui définit la discrimination, résulte d’un enrichissement régulier dont témoigne en dernier lieu la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, des progrès législatifs substantiels ont été enregistrés – sous la précédente législature – en matière de discriminations fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle.

Depuis 2003, les actes racistes, antisémites et xénophobes, mais aussi sexistes et homophobes constituent une circonstance aggravante et sont plus durement sanctionnés.

Il reste cependant un vide juridique à combler : celui de la pénalisation des propos discriminatoires en raison du sexe, de l’orientation sexuelle, d’un handicap ou de l’état de santé, car ils participent de cette intolérance que la République se doit de combattre.

Comme l’a montré la dramatique agression dont a été victime Sébastien Nouchet au début de cette année, il y a urgence à réformer notre législation ! Et le retard pris par le gouvernement n’en est que plus inacceptable. Le projet de loi dont la discussion avait été promise pour cet été, n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. Après tout, n’aurions-nous pas pu en débattre aujourd’hui alors que ce début de session parlementaire concerne précisément la lutte contre les discriminations ? Pour le groupe socialiste, c’est, une nouvelle fois, l’occasion de regretter le rejet par la majorité de notre Assemblée de la proposition de loi qu’il avait déposée et que j’ai rapportée dans cet hémicycle le 27 novembre dernier, il y aura bientôt un an.

C’est donc dans le cadre d’une législation encore incomplète, au regard notamment des engagements européens de la France, que doit se concevoir la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité qui nous est proposée aujourd’hui.

A cet égard, je souhaiterais aussitôt dire la déception qui est celle de notre groupe face à un projet de loi bien en deça des objectifs affichés par le rapport remis par Bernard Stasi au Premier ministre en février 2004 et très en deça des attentes des acteurs de la lutte contre les discriminations.

Il est d’ailleurs révélateur que ceux-ci, associations ou syndicats, soient les grands oubliés de la composition de la Haute autorité qui aura un caractère éxagèrement institutionnel, à moins bien sûr que notre Assemblée adopte l’amendement présenté par le groupe socialiste. Même si la Haute autorité sera amenée à consulter les acteurs de terrain, ceux-ci ne se situeront pas au cœur de l’action qui y sera menée.

Monsieur le Président de la Commission des Lois nous a indiqué, lors de la présentation de son rapport, qu’il fallait éviter toute risque d’une Haute autorité militante. Etait-il pour autant nécessaire d’en faire une institution trop politique et sans doute, à l’arrivée, très partisane ?

S’il fallait caractériser la Haute autorité à travers les missions que lui fixe ce projet de loi, on pourrait la qualifier d’observatoire des discriminations apportant ponctuellement son expertise pour favoriser la médiation ou informer la justice. Est-ce vraiment à la hauteur des attentes suscitées par le discours que le Président de la République a prononcé à Troyes, le 14 octobre 2002 ?

Nous en doutons lorsque nous constatons ainsi que la Haute autorité n’aura pas pour mission d’assister les victimes de discriminations qu’il s’agisse de soutien psychologique, de conseil juridique ou d’assistance pour les personnes n’ayant pas les moyens financiers, linguistiques ou culturels d’engager une action en justice. Ces besoins très réels ne sont pas couverts, contrairement aux préconisation du rapport Stasi ou aux objectifs assignés par l’article 13 de la directive communautaire du 29 juin 2000.

Un choix a été fait, confirmé par notre rapporteur, au prétexte que les contentieux aboutissent rarement… Il conduit, nous le regrettons, à un déséquilibre manifeste entre les moyens donnés à la médiation et ceux donnés à l’assistance juridique des victimes qui souhaitent faire valoir leurs droits devant le juge.

Un autre regret concerne le caractère imparfaitement universel de la Haute autorité, en retrait là aussi par rapport à l’engagement pris par le Président de la République. L’Inter LGBT est, de fait, fondée à demander que le projet de loi établisse une liste explicite des motifs des discriminations combattues par la Haute autorité, fondée sur l’article 225-1 du code pénal, et complétée par le motif « identité de genre » pour prendre aussi en compte les personnes transsexuelles et transgenres. De la même façon, une portée réellement universelle des interventions de la Haute autorité devrait l’amener à couvrir tous les domaines de discrimination, y compris ceux liés à l’exercice de la parentalité ou à la situation conjugale.

Lutter contre les discriminations avec un souci d’efficacité, c’est naturellement agir au plus près des victimes, ce qui devrait logiquement conduire à une territorialisation des interventions de la Haute autorité afin de ne pas la cantonner à un rôle national et centralisé. Cette préoccupation, essentielle en ce domaine, de la proximité doit trouver sa traduction physique et nous amène à nous interroger sur les moyens humains, donc financiers, dont elle disposera. Avec un budget annuel de 10,7 millions d’euros et une équipe de 80 personnes, ceux-ci nous apparaissent d’ores et déjà très insuffisants par rapport aux demandes prévisibles.

La proximité peut avoir une dimension virtuelle avec l’apport d’Internet. C’est aussi tout simplement l’existence d’un service d’information et d’orientation téléphonique. Or, l’article 19 du projet de loi, en abrogeant l’article 9 de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, vise à supprimer subrepticement le dispositif téléphonique « 114 » et le GELD. Outre les garanties à apporter au personnel concerné quant à son devenir, la fin brutale de ce service public d’aide aux victimes, assuré par des professionnels motivés et compétents, n’est pas explicables, d’autant plus que le rapport Stasi proposait une évolution du dispositif 114, et non pas sa suppression pure et simple.

Un mot, enfin, pour exprimer un dernier regret : celui de la transposition à minima de la directive communautaire du 29 juin 2000 visant à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et à aménager la charge de la preuve dans les domaines autres que celui du travail, aujourd’hui déjà couvert.

Vous nous proposez, en effet, une transposition minimaliste qui limite l’aménagement de la charge de la preuve aux seules juridictions civiles et qui ne saisit pas l’opportunité de la portée universelle de la Haute autorité pour couvrir toutes les discriminations sans hiérarchie entre elles. Aussi, le groupe socialiste – lors de la discussion des articles – demandera que le projet de loi soit amendé pour que l’aménagement de la charge de la preuve soit étendu à tous les motifs de discriminations et soit applicable aux juridictions administratives.

En conclusion, comment ne pas constater que la création de cette autorité administrative aux compétences si limitées est l’unique réponse que le gouvernement aura apporté, en deux ans et demi, à l’exigence d’une politique globale de lutte contre les discriminations et pour l’égalité qui, comme nous le rappellent le Collectif pour une autorité indépendante universelle de lutte contre les discriminations et en particulier des associations comme Aides et Sida Info Service, repose pour une large part sur l’éducation et la prévention.

A mi-mandat, quel est le bilan du gouvernement en la matière ? Quelle a été l’action des pouvoirs publics, mis à part le durcissement du code pénal contre les auteurs de violences physiques à caractère discriminatoire ? Aucune politique de prévention n’a été menée. Le dispositif du 114 et des CODAC a été laissé en déshérence. Le budget du FASILD a été diminué. L’Education nationale, qui devrait être le fer de lance d’une politique de prévention des discriminations, ne s’est jamais vraiment mobilisée. Disons-le clairement : la création de cette, Haute autorité ne saurait se substituer à une mobilisation des pouvoirs publics contre les discriminations qui fait aujourd’hui cruellement défaut.

Ce projet de loi est, à cet égard, une occasion manquée. Mais comment s’en étonner tant les occasions manquées sont devenues une spécialité de ce gouvernement.

1ère lecture – 6 octobre 2004 (explication de vote)

 

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche.
Après l’épisode de l’amendement gouvernemental qui avait peu de rapport avec l’objet du projet de loi mais qui s’inscrivait dans la logique de la saisine directe déjà à l’œuvre pour le Médiateur européen et vingt-trois des vingt-cinq médiateurs des États de l’Union européenne, je tiens à préciser, tout d’abord, pour que les choses soient claires, que le groupe socialiste ne peut qu’être favorable à la saisine directe. Mais, comme toute chose, cela se prépare et je me félicite que le Gouvernement ait retiré son amendement. Nous reverrons cette question ultérieurement.
Dans le cadre des explications de vote, je souhaite revenir sur le débat qui, après avoir été amorcé en commission, s’est déroulé dans cet hémicycle. Il a permis des échanges constructifs et la confrontation des arguments des uns et des autres mais, en grande partie parce que la quasi-totalité de nos amendements ont été rejetés, nous restons globalement insatisfaits.
Nous considérons que l’institution que vous nous proposez de créer reste très en deçà à la fois du discours prononcé par le Président de la République à Troyes le 14 octobre 2002, des préconisations du rapport Stasi et des attentes des associations de lutte contre les discriminations, que nous avons essayé en vain de placer au cœur du dispositif.
La Haute autorité ne sera qu’un observatoire, chargé d’une mission d’expertise. Son rapport annuel nous informera de l’état des discriminations dans notre pays. Elle pourra certes saisir le juge, mais nous regrettons qu’elle n’associe pas les acteurs de terrain de la lutte contre les discriminations et qu’elle n’ait pas, en plus du rôle de médiation qui lui est reconnu dans le projet de loi, un rôle d’assistance aux victimes. C’est pourquoi notre demande de territorialisation nous paraissait aussi importante.
De la même façon, nous regrettons que vous ayez transposé a minima la directive communautaire du 29 juin 2000.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, auquel s’associe Mme Billard, se trouve malheureusement contraint de s’abstenir sur ce qui apparaissait au départ comme une bonne idée.

2ème lecture – 7 décembre 2004

Monsieur le Président,
Monsieur le Président et rapporteur de la Commission des lois,
Mesdames et Monsieur les Ministres,
Mes chers collègues,

Le projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité qui revient en deuxième lecture devant notre assemblée, a vu ses dispositions complétées de façon majeure par l’adoption de trois amendements présentés par le gouvernement lors de son passage au Sénat. C’est donc d’un texte très différent dont nous débattons aujourd’hui et qui offre l’opportunité de franchir une nouvelle étape sur le long chemin de l’égalité des droits.

Le groupe socialiste tient cependant à exprimer un double regret : tout d’abord, celui de l’abandon d’un projet de loi qui – bien qu’imparfait – affirmait une volonté politique que le gouvernement ne souhaite visiblement plus assumer, ou alors de la manière la plus discrète qui soit, malgré les engagements répétés du Président de la République – dès la campagne présidentielle de 2002 -, du Premier ministre et de plusieurs membres du gouvernement.

Notre second regret, encore plus vif, reste le temps perdu pour inscrire enfin dans le Loi la sanction des propos discriminatoires en raison du sexe et de l’orientation sexuelle alors que le drame vécu par Sébastien Nouchet au début de cette année nous a dramatiquement rappelé l’urgence à combler un vide juridique que les associations de lutte contre les discriminations sexistes et homophobes n’ont eu de cesse de dénoncer. A cet égard, comment ne pas regretter une nouvelle fois le rejet funeste par la majorité de notre assemblée de la proposition de loi que le groupe socialiste avait déposée et que j’ai rapportée dans cet hémicycle le 27 novembre 2003, il y a déjà plus d’un an.

Avant d’aborder les trois amendements qui agitent tant nos collègues de l’UMP, un mot sur l’objet initial de ce projet de loi, à savoir la création d’une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Je souhaiterais, à cet égard, dire combien, l’insatisfaction de notre groupe subsiste en seconde lecture, face à un projet de loi bien en deçà des objectifs affichés par le rapport remis par Bernard Stasi au Premier ministre en février dernier et très en deçà des attentes des acteurs de la lutte contre les discriminations. Il est d’ailleurs symptomatique que ceux-ci, associations ou syndicats, restent les grands oubliés de la composition de la Haute Autorité qui aura un caractère exagérément institutionnel, à moins bien sûr que notre assemblée adopte l’amendement que nous représentons.

Le fait que le Sénat ait souhaité permettre aux associations concernées de saisir la Haute autorité conjointement avec toute personne qui s’estime victime de discrimination, est à vrai dire un bien maigre lot de consolation.

Au travers des missions que lui fixe, de manière bien insuffisante, ce projet de loi, la Haute autorité ne sera qu’un observatoire des discriminations apportant ponctuellement son expertise pour favoriser la médiation ou informer la justice. Est-ce vraiment à la hauteur des attentes suscitées par le discours que le Président de la République a prononcé à Troyes, le 14 octobre 2002 ? Nous continuons à en douter.

Aurai-je, de plus, la cruauté de rappeler qu’il s’en est fallu d’un rien pour que la Haute autorité, grâce à la diligence coupable de nos collègues de l’UMP, ne voit son premier budget amputé, excusez du peu, d’1,7 million d’euros. Un vrai gage de confiance dans ce qu’on crée à grand renfort de publicité !

J’en arrive maintenant au Titre II bis de ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe – pourquoi renforcer d’ailleurs puisqu’il s’agit d’abord de combler un vide juridique.

Les trois nouveaux articles introduits au Sénat ont pour objet de réprimer les propos d’exclusion en harmonisant et en complétant notre législation sur les discriminations. En effet, si les différentes formes de discriminations sont sanctionnées dans le code pénal et le code du travail, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne les seuls propos discriminatoires à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Elle laisse de ce fait subsister une discrimination là où on voudrait la combattre. Il importe enfin de combler ce vide juridique en pénalisant l’ensemble des propos et écrits à caractère discriminatoire, sans volonté de hiérarchisation entre les discriminations – j’insiste sur ce point – , sans non plus aggraver les peines encourues et déjà inscrites dans la loi. Vous les connaissez : un an d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende.

Il n’est sans doute pas inutile de préciser, à la suite de l’examen de ce texte par la commission des lois de notre assemblée, qu’il ne s’agit pas d’imposer ainsi une sorte de « politiquement correct » ou, pire, un « ordre moral à l’envers ». Nul esprit de censure, nulle restriction de la libre critique dans la démarche qui nous est proposée. La promotion de l’égalité ne saurait naturellement se faire au détriment de la liberté.

A cet égard, seules sont visées l’injure, la diffamation, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes. C’est la force de notre démocratie de refuser la logique non restrictive du premier amendement de la Constitution américaine. Notre référence est plus que jamais la loi de 1881 sur la liberté de la presse, cette grande loi de la République qui assure l’équilibre entre la protection de la liberté d’expression et la sanction des abus qu’elle peut générer. Il ne s’agit pas, en effet, de réprimer toute opinion ou expression, aussi discutable soit-elle, mais de sanctionner les débordements expressément prévus par la loi.

Il reste que le groupe socialiste souhaite compléter le dispositif qui est soumis à notre discussion pour tendre vers une plus grande égalité des droits.

Nous proposerons ainsi, dans la discussion des articles, d’intégrer l’identité de genre comme motif supplémentaire de discrimination, sur le fondement de l’article 225-1 du code pénal qu’il s’agit donc de compléter, afin de prendre également en compte les personnes transsexuelles et transgenres.

Nous estimons, par ailleurs, que les propos discriminatoires en raison d’un handicap ou de l’état de santé requièrent la même vigilance que les propos sexistes ou homophobes. Ils participent de cette intolérance que la République se doit de combattre. Plusieurs amendements viseront, en conséquence, à élargir aux personnes handicapées et malades les dispositions protectrices de la loi de 1881.

Par un autre amendement, le groupe socialiste souhaite rétablir le délit de provocation à la discrimination, à la haine, à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes tel qu’il existait dans le projet de loi initial et ainsi supprimer la limitation apportée par le nouvel article 17 bis aux seules discriminations liées à l’exercice d’une activité économique et particulièrement à l’emploi, au logement et aux services.

Je tiens à attirer tout particulièrement l’attention de notre assemblée sur cette restriction qui peut limiter singulièrement la portée de ce que nous voterons.

Il reste que ces trois articles perdront la plus grande part de leur utilité et de leur efficacité si l’amendement de Jean-Paul Garraud, malheureusement adopté en Commission des Lois, est confirmé aujourd’hui puisqu’il vise à limiter l’action en justice des associations de lutte contre l’homophobie et le sexisme à celles qui sont déclarées d’utilité publique.

C’est une manière particulièrement insidieuse, tout en ne s’opposant pas frontalement à ce projet de loi, de le rendre – une fois voté – inapplicable. Les associations combattant depuis au moins cinq ans les violences et les discriminations en raison de sexe et de l’orientation sexuelle ont vécu, à juste titre, cette initiative comme une provocation, car c’en est une ! Est-il nécessaire ainsi de rappeler que pour bénéficier de la reconnaissance institutionnelle de l’utilité publique, il faut notamment qu’une association dispose d’un budget de plus de 45.000 euros…

Il va de soi que le groupe socialiste conditionnera son vote final sur ce texte au rejet préalable de cet amendement mesquin.

A nos collègues de l’UMP, donc, de se ressaisir. Au gouvernement, de montrer son autorité.

En effet, parce que nous sommes tous des républicains, nous avons un commun attachement au principe constitutionnel d’égalité, proclamé dès l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or ce principe fondateur, qui est l’une des bases du pacte républicain, est régulièrement malmené par l’existence de pratiques discriminatoires. Stigmatiser les personnes pour ce qu’elles sont constitue une atteinte intolérable à leur dignité et une amputation de leur citoyenneté. Le risque évident pour notre vivre-ensemble dans un environnement mondialisé est que des individus ou des groupes sociaux victimes de discriminations persistantes aient un réflexe de repli sur soi ou, pire, s’inscrivent dans une démarche communautariste.

Car, oui, mes chers collègues, ne pas voter ce projet de loi, c’est favoriser le communautarisme!

A cet égard, la lutte contre les discriminations participe de notre mobilisation collective pour la laïcité, qui a retrouvé toute son actualité, et par là même renforce la cohésion nationale.

2ème lecture – 7 décembre 2004 (explication de vote)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ne serai guère long, car l’heure est tardive et nous avons débattu de manière approfondie des dispositions de ce projet de loi, qui sera certainement voté très largement par notre assemblée.
Nous avons franchi collectivement une nouvelle étape importante sur le long chemin de l’égalité des droits. L’opposition, notamment le groupe socialiste, a joué son rôle. Même si nous regrettons qu’aucun de nos amendements n’ait été adopté, nous avons, par nos prises de parole, contribué au débat et apporté quelques éclaircissements.
Beaucoup de nos collègues ont abordé ce texte en pensant que les propos à caractère sexiste ou homophobe étaient déjà sanctionnés par les dispositions visant les actes à caractère discriminatoire. Ce débat a permis de clarifier les choses. Les actes à caractère homophobe et sexiste sont sanctionnés depuis un certain temps – ces sanctions ont même été aggravées, et le groupe socialiste n’y a pas été pour rien, reprenant parfois des amendements abandonnés au cours du débat parlementaire par la majorité actuelle -, mais il s’agissait bien, aujourd’hui, de combler un vide juridique en prévoyant de sanctionner non seulement les propos à caractère homophobe et sexiste, mais aussi – c’était une demande forte du groupe socialiste et c’est une raison supplémentaire de nous réjouir – les propos à caractère handiphobe.
Ce projet de loi, qui crée une Haute autorité de lutte contre les discriminations et qui transpose une directive européenne, permet d’assurer à nombre de nos concitoyens qui pourraient être discriminés à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle la protection de la loi du 29 juillet 1881.
Nous avons trouvé ensemble un bon équilibre pour ce texte. À aucun moment, la liberté d’expression et d’opinion n’a été menacée. La loi de 1881, grande loi républicaine, assure à la fois la liberté d’expression et d’opinion et la sanction des abus dont elle peut faire l’objet. On a beaucoup parlé de la presse, mais je pense que celle-ci n’était concernée que de façon très lointaine. En effet, c’est la loi de 1881 qui sanctionne les propos publics – exprimés oralement ou par écrit – revêtant un caractère discriminatoire : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamation et injure.
Le groupe socialiste se réjouit tout particulièrement d’avoir permis l’adoption de l’article 17 ter et, s’inscrivant dans la continuité de la proposition de loi déposée et débattue en novembre dernier, qui préfigurait le projet dont nous venons de débattre, il votera ce texte.