Dénomination de places à Paris : « place Justin Godart », »place Benjamin Fondane », « place et « place des 44 enfants d’Izieu »
Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche
Monsieur le Maire,
Mes chers Collègues,
En attribuant des dénominations à quatre places de notre ville, nous poursuivons – ce matin – le travail de mémoire qui, tout au long de cette année, nous permet de commémorer la tragédie de la déportation, soixante ans après la libération des camps de la mort.
Aujourd’hui encore, les premières images des survivants en vêtements rayés, aux corps décharnés et dont les regards, derrière les barbelés, reflètent toute la souffrance et l’horreur vécue, nous bouleversent au plus profond de nous-mêmes.
Les paroles de celles et ceux qu’on appelle les derniers témoins, entendus à l’Hôtel de Ville le 16 janvier dernier ou dans le cadre de l’exposition qui leur a été consacrée, ou encore lors de l’inauguration du Mémorial de la Shoah avec les mots prononcés par Elie Wiesel, nous glacent le sang, suspendent notre souffle et troublent notre vision.
Ce qu’ils ont enduré est si inhumain que le « plus jamais ça » qu’il nous lègue, exige de nous et des générations qui nous succèdent une vigilance qui ne peut souffrir de défaillance. Le travail de mémoire que nous réalisons n’en est, de fait, que plus indispensable.
A ce titre, le choix de ceux à qui nous rendons hommage aujourd’hui est hautement symbolique.
C’est le lumineux poète et philosophe Benjamin Fondane, né roumain et devenu français par choix à la veille de la guerre, arrêté par la police française parce que juif et qui refusa d’échapper à la déportation pour ne pas laisser sa sœur partir seule à Auschwitz.
C’est Marcel Paul, le syndicaliste, le communiste, l’élu municipal du 14ème arrondissement, l’inlassable résistant y compris au sein même du camp de Buchenwald et qui deviendra ministre du Général de Gaulle à la Libération.
C’est Justin Godart, l’élu de Lyon dont il sera le maire au sortir de l’Occupation, l’homme politique humaniste épris de social et soucieux des droits des travailleurs, le parlementaire refusant les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, le résistant qui sauvera la vie de nombreux juifs et qui – à ce titre – sera reconnu « Juste parmi les nations ».
Ce sont les 44 enfants martyrs d’Izieu dont le destin tragique est sans aucun doute le plus bouleversant. Songeons à ces enfants juifs réfugiés pris en charge par Sabine et Miron Zlatin après la fermeture des maisons d’enfants de l’O.S.E. et que ce couple héroïque tenta désespérément de préserver de la barbarie nazie avant que leur route faite d’errance et de clandestinité ne croise celle de Klaus Barbie.
Les 44 enfants d’Izieu furent tous assassinés à leur arrivée à Auschwitz. Leur extermination donne toute la dimension génocidaire de la Shoah. Et leur martyr, comme celui de tous les enfants juifs des écoles parisiennes auxquels nous rendons progressivement hommage avec les élèves d’aujourd’hui, reste le plus terrible et le plus insoutenable.
Aussi, c’est en ayant à l’esprit les paroles simples et fortes de Primo Lévi que le groupe socialiste et radical de gauche votera, avec émotion, ces quatre délibérations :
« Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants. »