Politique de la Ville de Paris en matière de prostitution et de traite des êtres humains

Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche

 

Monsieur le Maire,
Chers Collègues,

Le Conseil de Paris est amené aujourd’hui à débattre de la politique mise en place par la municipalité, depuis 2001, en matière de prostitution et de traite des êtres humains.

Il est, à cet égard, souhaitable que nous puissions collectivement transcender les clivages habituels sur ce sujet entre réglementaristes, abolitionnistes et prohibitionnistes. L’action engagée par la Ville, en synergie avec plusieurs associations, entend répondre à des situations concrètes, à une réalité quotidienne, celle de femmes et d’hommes victimes de ce qu’on appelle la traite des êtres humains ou contraintes par une situation personnelle précaire. Le droit de chacun à disposer librement de son corps ne saurait en aucun cas justifier sa marchandisation, le plus souvent barbare. Juste un chiffre : 70% des personnes prostituées à Paris et en Ile-de-France sont sous l’emprise de proxénètes ou de réseaux avec le plus souvent une violence psychologique et physique intolérable. C’est à cette détresse que nous nous devons de répondre. Et c’est, de fait, l’esprit même de la politique volontaire engagée par votre équipe, Monsieur le Maire.

Comment ne pas souligner d’abord que Paris a fait un choix essentiel : celui de ne pas prendre un arrêté d’interdiction de la prostitution et de travailler plutôt au maintien de l’ordre public en renforçant la prévention et la coopération avec le milieu associatif.

Je tiens à cet égard à rendre un particulier hommage à l’action menée par vos adjoints, Anne Hidalgo et Christophe Caresche qui co-animent, avec beaucoup de dynamisme depuis avril 2002, le comité de pilotage « Prostitutions et nouvelles formes d’esclavage ». Plusieurs réunions ont permis de mettre en place une méthode de travail originale, privilégiant concertation et médiation entre associations, riverains des axes de prostitution et acteurs institutionnels. L’effort budgétaire a su accompagner cette politique totalement nouvelle. Rappelons qu’avant 2001, la municipalité n’octroyait que 45.000 € de subventions annuelles aux associations venant en aide aux victimes de la prostitution. Aujourd’hui, le soutien de la Mairie de Paris s’élève à près de 600.000 €, preuve d’un volontarisme concret devant l’ampleur d’un phénomène sur lequel Paris a cessé de fermer les yeux.

L’octroi de ces subventions à des associations qui assurent un suivi médical, gèrent des centres d’hébergement d’urgence ou sécurisé ou encore développent des parcours de réinsertion, se révèle d’autant plus nécessaire depuis le vote de la Loi dite de Sécurité Intérieure qui, selon certains, a fait basculer la France d’une position abolitionniste à une démarche prohibitionniste.

Mais, le débat que nous avons ce matin n’est pas là.

Deux ans après sa mise en application, quel bilan tirer de la LSI qui entendait mettre fin aux troubles à l’ordre public constitués par une trop grande visibilité de la prostitution ? Désormais, face à la peur d’une condamnation, les personnes prostituées se cachent. Certaines ont simplement déménagé d’une rue ou voyagent de ville en ville, rendant plus compliqué le travail des associations de terrain. D’autres exercent en appartements ou dans des salons particuliers, devenant ainsi sujettes à des risques accrus de violence. Enfin, d’autres encore se prostituent par le biais d’Internet comme le montre l’explosion du nombre de sites passé d’une centaine en 2002 à plus de 800 l’année dernière. Même si sur ce sujet il ne faut pas entretenir l’idée fausse d’un Internet, zone de non-droit, alors que la loi responsabilise notamment les hébergeurs et les fournisseurs d’accès. Plus sérieux, les personnes prostituées seraient moins en mesure de s’opposer aux demandes des clients d’avoir des relations sans utilisation d’un préservatif.

C’est présageant ces conséquences négatives que les parlementaires socialistes s’étaient opposés en 2003 aux dispositions de cette loi dont l’un des buts était avant tout d’assurer la communication du Ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Sarkozy. Nous l’avions fait sans nier la réalité : des mesures d’ordre public sont indispensables. Mais elles doivent être prises avec discernement et intelligence, et surtout, être mises en œuvre en coordination étroite avec le travail des associations. C’est un volet social qui fait toujours cruellement défaut à la LSI.

Sur les critiques adressées à l’encontre de l’Unité de Soutien aux Investigations Territoriales (USIT), nous souhaitons être volontaristes.

D’abord parce que les parlementaires ont désormais la possibilité de saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Ensuite, pour éviter d’arriver à cette saisine, nous croyons à la nécessité d’assurer une meilleure coordination entre associations de prévention et représentants des forces publiques.

C’est avec cet esprit fait d’exigence et de coopération que la Ville de Paris formalise des partenariats dynamiques comme l’élaboration d’une convention thématique sur la prostitution qui doit être intégrée à l’avenant au Contrat parisien de sécurité, dont la déclinaison au niveau local sera formalisée par des « fiches spécifiques » adjointes aux Contrats locaux de sécurité. Le 9ème arrondissement s’apprête d’ailleurs à le faire.

L’action de la municipalité parisienne vise donc à construire une véritable politique qui passe prioritairement par le soutien aux associations dont les objectifs rejoignent ses priorités. Il s’agit de concilier trois exigences complémentaires : prévenir, aider, réinsérer.

Le groupe socialiste et radical de gauche votera avec conviction ces huit projets de délibération.