Conditions de travail à l’Opéra de Paris

A Laurent Hénard, secrétaire d’Etat à l’Insertion professionnelle des jeunes

Conditions de travail à l’Opéra de Paris


M. Patrick Bloche. Monsieur le secrétaire d’État à l’insertion professionnelle des jeunes, j’excuse bien volontiers l’absence du ministre de la culture et de la communication puisqu’il préside actuellement une réunion importante, celle du Conseil national des professions du spectacle, réunion que je vais d’ailleurs tenter de rejoindre après votre réponse. Mais j’ai l’avantage d’avoir pour me répondre un homme que je sais épris d’opéra.
L’Opéra de Paris est l’un de nos établissements publics culturels les plus prestigieux. Il a été dirigé pendant près de dix ans par M. Hugues Gall, dont le bilan artistique ne saurait être contesté ce matin. Il en va, par contre, tout autrement du bilan social de ce long mandat durant lequel a été battu un triste record, celui des mesures disciplinaires, des accidents du travail et des discriminations antisyndicales, notamment à l’encontre de la CGT.
Les méthodes utilisées par l’équipe de direction qu’animait M. Gall sont ainsi contestables à plusieurs titres. Au motif d’une productivité sans cesse plus soutenue, le rythme de travail s’est intensifié au détriment des conditions de travail, entraînant de nombreux problèmes de sécurité et une augmentation sensible des arrêts maladie ; au motif d’une rentabilité plus grande, le droit du travail a été clairement bafoué : intimidations, refus de la gestion collective, discriminations, avertissements, mises à pied, sanctions diverses, déni des droits syndicaux les plus élémentaires.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’Opéra a d’ailleurs fait appel en 2002 à une société d’experts en droit du travail, le cabinet Socialconseil, qui évoque  » la souffrance au travail, le harcèlement moral ainsi que les humiliations  » subies par le personnel de l’Opéra de Paris.
Que penser, d’ailleurs, des quatre plaintes pour diffamation déposées par la direction en 2003 contre les élus syndicaux ? À trois reprises, l’Opéra a été débouté et l’actuelle direction s’est désistée de la dernière poursuite.
Sur son épée de nouvel académicien, M. Gall a fait figurer sa devise :  » Ne pas subir « , paradoxe pour une personnalité tant louée sur le plan artistique et qui a tant fait subir sur le plan social.
Pour permettre à l’équipe qu’anime Gérard Mortier de démarrer sur des bases non contentieuses et en cela de servir son action, mais aussi pour rendre justice aux représentants du personnel et aux délégués syndicaux qui ont moralement tant souffert durant près d’une décennie, je demande, avec une certaine solennité, au ministre de la culture et de la communication de prendre la décision urgente de lancer un audit social portant sur la gestion de l’Opéra de Paris entre 1995 et 2004.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Laurent Hénart, secrétaire d’État à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le député, vous l’avez souligné, le bilan artistique d’Hugues Gall à la tête de l’Opéra de Paris de 1995 à 2004 est impressionnant puisque chaque saison accueille environ 360 spectacles différents et un peu plus de 800 000 spectateurs.
Le développement et surtout la diversification des activités de l’Opéra de Paris – beaucoup a été fait pour développer une offre artistique nouvelle, accroître les services pédagogiques, relancer la politique de partenariat public et privé, notamment afin d’accroître les ressources procurées par le mécénat – ont entraîné un rythme de travail soutenu. Durant ces neuf années, des avancées ont toutefois été obtenues. Je citerai notamment les accords intervenus en 2000, l’un concernant l’organisation du temps de travail, l’autre améliorant sensiblement les salaires.
Le nouveau directeur général, Gérard Mortier, souhaite faire figurer au rang de ses principales priorités la relance d’un dialogue social rénové. Il n’a cependant pas demandé à son ministère de tutelle l’organisation d’un audit au sein de l’établissement public. Il lui a semblé qu’il y avait, dans la continuité de la gestion d’Hugues Gall, beaucoup à reprendre de ce qu’il avait fait, tout en développant des inflexions et orientations nouvelles, ce qui est le rôle normal de tout nouveau directeur.
Il paraît difficile aujourd’hui au Gouvernement et au ministre de la culture d’être plus directifs que le directeur d’un établissement dont nous respectons tous l’autonomie.
Renaud Donnedieu de Vabres soutient le directeur dans chacune de ses initiatives, et notamment celle qu’il prend actuellement pour un dialogue social apaisé et rénové. Le ministre veillera aussi au respect de la loi et des axes prioritaires de la politique de l’État, sans trop empiéter sur l’autonomie de gestion de l’établissement, considérant que l’Opéra de Paris est le mieux à même d’apprécier le bien-fondé d’une telle décision.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le secrétaire d’État, je le répète, ce n’est pas le bilan artistique de M. Gall que je conteste, cette période s’étant traduite par une activité et une production soutenues.
Je note avec vous la volonté du nouveau directeur, M. Mortier, de relancer le dialogue social sur des bases rénovées. Vous plaidez, et je ne saurais vous contredire, l’autonomie de gestion des dirigeants des établissements publics culturels. Il reste que M. Mortier, dont la disponibilité en termes de dialogue social n’est pas contestable, se trouve à la tête d’une équipe de direction qui n’a pas été entièrement recomposée à son arrivée. C’est pourquoi j’attendais de la tutelle qu’elle prenne cette initiative. Même si M. Mortier n’a pas demandé formellement un audit, il eût été souhaitable de l’organiser afin d’apaiser le climat social à l’Opéra de Paris. Pendant une décennie, délégués syndicaux et représentants du personnel ont été victimes de discriminations et de méthodes d’intimidation d’un autre âge. Les plaintes déposées par la direction pour diffamation ont d’ailleurs toutes été rejetées par la justice.
Ne me satisfaisant pas de votre réponse, je me tournerai peut-être vers le directeur lui-même, ou bien j’essaierai de poursuivre le dialogue avec le ministre de la culture et de la communication.