Sur le bilan et perspectives de l’expérimentation de l’allumage des feux de croisement.

Question écrite
à Monsieur le Ministre de l’Equipement

sur le bilan et perspectives
de l’expérimentation de l’allumage
des feux de croisement.

M. Patrick Bloche attire l’attention à M. le ministre de l’équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la campagne nationale engagée par le Gouvernement pour recommander aux automobilistes d’allumer leurs feux de croisement le jour hors agglomération. Cette décision suscite des inquiétudes chez les motards, qui, jusque-là et pour des raisons de visibilité, étaient les seuls à rouler les phares allumés. Ils estiment que l’allumage des feux de croisement pour les voitures est préjudiciable à leur sécurité ainsi qu’à celle des cyclistes et des piétons. De plus, il semble qu’aucune étude scientifique ne montre aujourd’hui en France la pertinence d’une telle mesure. L’expérience similaire menée en 1999 et 2000 dans le département des Landes n’avait d’ailleurs pas été jugée satisfaisante par le ministre des transports de l’époque, qui estimait que l’efficacité de ce dispositif sur la sécurité routière n’avait pas été établie. S’il partage bien évidemment la nécessité de lutter contre l’insécurité routière, il lui demande néanmoins quelles suites il entend donner à cette expérimentation qui se fait au détriment des usagers de la route les plus vulnérables.

Réponse – La mise en oeuvre de la mesure est née d’un constat simple : la mauvaise perception par les usagers de la route des véhicules qui les environnent provoque de très nombreux accidents. Or ces accidents pourraient être en grande partie évités. L’usage des feux de croisement le jour permet en effet à tous les usagers quels qu’ils soient (véhicule à moteur, piéton ou cycliste) d’appréhender le danger plus rapidement et de manière plus distincte. Cet enjeu est souligné par les études scientifiques menées en France et dans les différents pays ayant adopté la mesure. Toutes s’accordent à considérer que l’allumage généralisé des feux de croisement le jour constitue un gisement de sécurité non négligeable. Un gain substantiel en vies sauvées, estimé entre 5 % et 8 %, est ainsi attendu. Toutefois, l’opinion publique a du mal à concevoir l’utilité d’une telle mesure. Les sondages réalisés par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) en septembre 2004 et décembre 2005 montrent que si les opinions favorables sont majoritaires (52 % en janvier 2005 contre 56 % en septembre 2004), 38 % des personnes interrogées en septembre n’avaient pas l’intention d’allumer les feux. Parmi ces dernières, 60 % pensent que cela est inutile et ne voient pas le lien avec la baisse des accidents, les autres arguments retenus étant l’effet sur les motos (41 %) et sur la consommation (25 %). Il convient donc de poursuivre et d’accentuer, en la matière, pédagogie et explications. S’agissant des inconvénients liés à la très légère augmentation de la consommation de carburant (coût et pollution) et au changement plus fréquent des ampoules, ils sont faibles en comparaison des avantages de la mesure : on estime en effet à 1 % le surcroît de consommation qu’entraîne en moyenne l’allumage des feux de croisement le jour. De plus, si la mesure était prise définitivement, il est vraisemblable que les constructeurs proposeraint des feux dédiés moins puissants et moins consommateurs d’énergie dont le surcroît de consommation est évalué à environ 0,5 %. En ce qui concerne les motards, on estime qu’ils gagneront eux aussi en visibilité grâce à l’extension à la très grande majorité des usagers d’une mesure bénéfique qui a fait ses preuves pour une très petite minorité (les motocyclistes représentent 0,7 % des usagers). En effet, les motocyclistes bénéficient actuellement des feux de jour de manière incomplète car s’ils sont vus, ils ne voient pas forcément les automobilistes. En effet, l’important n’est pas d’être reconnu, mais de voir et d’être vu. Par ailleurs, le fait de ne plus être les seuls à allumer leurs feux conduira les motocyclistes à ne pas surestimer leur visibilité, à ne pas se considérer comme prioritaires et donc à diminuer leur prise de risque. Entamée en septembre 2004, soit deux mois avant le début de l’expérimentation, la constitution de l’historique de données se poursuit. Elle est encore trop peu étoffée à l’heure actuelle pour que l’on puisse disposer de données réellement significatives, notamment sur l’évolution de l’accidentologie. En effet, l’Observatoire national interministériel de sécurité routière doit être en mesure de disposer d’une base statistique suffisante pour valider son étude. Par ailleurs, celle-ci nécessite une analyse rigoureuse de l’évolution des accidents impliquant plusieurs usagers hors agglomérations. C’est pourquoi le bilan complet de l’expérimentation ne sera disponible qu’à l’été 2005.