Sur la protection des locataires victimes de vente à la découpe

Question d’actualité
de Patrick BLOCHE
et du groupe socialiste
et radical de gauche

Monsieur le Maire, mes chers Collègues,

Si la crise actuelle du logement touche prioritairement nos concitoyens les plus modestes, elle frappe également les classes moyennes. Parmi toutes les causes régulièrement évoquées, le phénomène de la vente à la découpe, apparu au cours des années quatre-vingt-dix, a pris depuis quelque temps une ampleur inquiétante.

Les conséquences de la vente à la découpe sont brutales et dramatiques pour les locataires qui sont le plus souvent placés dans l’impossibilité de conserver leur logement. Sont ainsi évincées des personnes qui ne peuvent racheter leur habitation ou faire face à l’augmentation inévitable du loyer qui suit la vente. Ces opérations spéculatives alimentent la crise du logement en accentuant la flambée du prix de l’immobilier et celle des loyers.

Notre conseil a déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises ce phénomène qui frappe désormais partout et qui a pris une telle ampleur en si peu de temps que la mixité sociale est aujourd’hui menacée dans de nombreuses villes. Parler de mixité sociale, c’est refuser une logique inexorable qui conduirait à ce que nos cités ne puissent être habitées à terme que par les plus aisés ou les plus aidés.

Il y a donc une urgence sociale que traduit la mobilisation croissante des associations de locataires « découpés », mobilisation que le groupe socialiste à l’assemblée nationale a souhaité relayer dès l’automne dernier.

Six mois plus tard, force est de constater qu’il ne s’est strictement rien passé ! Le ministre a manifestement fait le choix funeste de se cantonner dans le registre des intentions et des effets d’annonce répétés pour gagner du temps.

Même le minimum, sous la forme d’un moratoire demandé par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, dès le 16 janvier dernier, n’a pas été fait.

Au prétexte d’agir plus rapidement qu’en légiférant, le gouvernement a, depuis le début de l’année, donné la priorité à la voie conventionnelle. Pourtant, l’échec était prévisible dès le départ.

Alors que personne aujourd’hui ne conteste que les dispositions légales et conventionnelles existantes ne permettent pas de résoudre le problème des ventes à la découpe, vous comprendrez aisément que les associations de locataires « découpés » et, avec elles, l’ensemble des élus de gauche, puissent légitimement perdre patience ! Elles l’ont d’ailleurs encore une fois démontré par leur mobilisation devant le ministère du logement mardi dernier.

D’où l’initiative prise par le groupe socialiste d’inscrire à l’assemblée une proposition de loi, qui fut l’objet d’une discussion à l’assemblée le 10 mai dernier.

La réaction de la majorité parlementaire fut malheureusement de refuser de passer à l’examen des articles de cette proposition de loi.
Quand l’intérêt général est en jeu, on ne peut agir avec une telle légèreté et demander une nouvelle fois d’attendre ! Jusqu’à quand ?

Le 16 juin, dans sa sixième niche parlementaire depuis le début de l’année, le groupe UMP devrait présenter la proposition de loi de Martine Aurillac, dont l’intitulé, sociologiquement représentatif des deux arrondissements qui l’ont élue – « Droit de préemption des locataires en cas de vente d’un immeuble » – révèle que n’y est traité qu’un des aspects du problème.

Pourquoi ce nouveau retard ? Faut-il chercher une autre raison qu’un refus politicien – je pèse mes mots – de la droite parlementaire de discuter des articles d’une proposition de loi, pour le seul motif qu’elle émane de l’opposition ? Ce manque de volonté, affiché par le Gouvernement et le groupe UMP, de légiférer ne révèle-t-il pas une contradiction plus profonde ?

A moins que le mot d’ordre des dizaines de milliers de locataires concernés ne soit, demain, « la découpe est pleine », cette « grande cause » exige des élus et des responsables politiques que nous sommes une action d’urgence.

Aussi, Monsieur le Maire, alors que vous avez vous-même pris vos responsabilités en écrivant plusieurs fois au ministre du logement pour l’alerter sur ce sujet qui touche particulièrement les Parisiens, pouvez-vous nous indiquer quels efforts sont mis en place par la Mairie de Paris sur le sujet des ventes à la découpe ?