Débat sur le logement insalubre
Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche
Monsieur le Maire,
Cher(s) collègues,
Notre pays connaît une crise du logement d’ampleur nationale dont nous vivons toutes les conséquences dans ses dimensions francilienne et parisienne. Elle touche si largement nos concitoyens que le logement est devenu, après l’emploi, la principale préoccupation des Français, la part de leur budget consacré à ce poste de dépense ne cessant d’augmenter.
La crise est telle que, présidant les travaux de la mission d’information parlementaire sur la famille et les droits des enfants, j’ai ainsi pu entendre Martin HIRSCH nous alerter sur le fait qu’une personne sans domicile fixe sur trois a un emploi.
De fait, Paris, Marseille mais aussi Bordeaux, Nantes ou Montpellier… pratiquement toutes les grandes villes sont désormais touchées par la flambée des prix et des loyers, résultantes d’une bulle spéculative qui dure et de la coupable inertie des gouvernements RAFFARIN, hier et VILLEPIN, aujourd’hui.
A Paris, depuis plus de quatre ans, la mobilisation doit de fait se faire sur tous les fronts avec une même volonté politique, celle très précisément qui a fait tant défaut à Paris durant vingt-cinq ans et dont nous payons aujourd’hui le prix lourd.
A ce titre, la proposition de délibération déposée par le groupe UMP, venant après tant de propos indécents et mensongers – nous en avons encore eu un florilège ce matin avec Monsieur GOASGUEN -, est la marque d’une évidente mauvaise foi. Avec un objectif principal : faire oublier sa propre inaction et donc sa responsabilité durant plus de deux décennies. Chers Collègues de l’opposition, ayez au moins le courage d’assumer votre bilan ou plutôt votre absence de bilan tant en ce qui concerne l’hébergement d’urgence que l’éradication de l’habitat insalubre !
C’est donc très logiquement que ces deux domaines sont devenus des priorités sociales que vous portez, Monsieur le Maire, avec vos adjoints, de manière déterminée afin de répondre aux besoins des plus fragiles et des plus précaires.
Dès 2001, pour le première fois, et cela est désormais bien connu, fût réalisé un inventaire du millier d’immeubles parisiens les plus dégradés et souvent dangereux, dont plus de quatre cents font l’objet d’un traitement particulier. Les incendies dramatiques et meurtriers de la fin du mois d’août nous ont de fait d’autant plus bouleversés que les victimes, essentiellement des familles venues d’Afrique, constituaient une collectivité humaine connue et suivie par les élus d’arrondissement, les services sociaux et les associations, acteurs de terrain dont le groupe socialiste et radical de gauche tient ici à saluer l’investissement et la réactivité. Cette gratitude, nous l’exprimons également et tout particulièrement à nos collègues Jean-Yves MANO et René DUTREY.
L’objectif majeur de l’éradication de l’habitat insalubre a donc conduit la municipalité parisienne à mobiliser 220 millions d’euros sur six ans, là où l’Etat n’y consacre que… 7 millions par an pour toute la France. Et les dernières annonces de M. de VILLEPIN ont montré que son gouvernement, comme celui de M. RAFFARIN, avait fait le choix d’être aux abonnés absents, alors même que les initiatives de son Ministre de l’Intérieur, saisi par le vertige populiste, sont des facteurs d’aggravation de la précarité : fermeture de Sangatte hier, expulsions brutales sans relogement pérenne aujourd’hui. La sécurité des personnes, préoccupation essentielle pour les pouvoirs publics, ne saurait justifier des actions discriminantes complaisamment mises en scène. Ainsi les conditions d’évacuation de la rue du Maroc et de la rue de la Tombe-Issoire conduisent à s’interroger sur les motifs invoqués pour évacuer ces immeubles, alors que le relogement de leurs occupants, commencé il y a plus d’un an, était en voie d’achèvement.
Que penser également de la fermeture du centre Duranton supprimant 36 places d’accueil dans le 15ème arrondissement et dont le Maire aurait laissé entendre, lors du dernier conseil d’arrondissement, qu’il serait approprié de le rouvrir… oui… mais ailleurs que dans le 15ème.
La question du logement à Paris ne saurait naturellement concerner que les domaines de la précarité et de l’insalubrité. L’immense chantier du logement social se traduit aujourd’hui par la création annuelle de 4.000 appartements supplémentaires dans les vingt arrondissements. Il reste que cet effort sans précédent se heurte aux limites physiques du territoire parisien et à l’absence à terme de terrains libres. La condition posée par M. de VILLEPIN, sous la pression de Mme de PANAFIEU, pour que l’Etat cède à la Ville les terrains des Batignolles, à savoir la non construction des logements sociaux prévus, n’en est que plus inacceptable.
De manière générale, les mesures proposées par le gouvernement actuel pour répondre à la crise nationale du logement ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les annonces pourtant se multiplient. Jean-Louis BORLOO s’en est même fait une spécialité. Mais il y a loin du discours aux actes. Ainsi, l’Etat s’étant abstenu de payer toute sa part au niveau régional, il y aura moins de logements sociaux construits en 2005 en Ile-de-France que l’an passé, alors qu’il avait été promis une augmentation de leur nombre de… 20%
Ville et Département ne pouvant agir que dans le cadre des compétences qui sont les leurs, Paris ne pourra continuellement pallier aux carences et au désengagement d’un Etat pourtant garant de la solidarité nationale et de la cohésion sociale.
Ainsi, face à la multiplication des ventes à la découpe à visée purement spéculative, dont les classes moyennes sont les principales victimes, une vraie loi protégeant efficacement les locataires menacés est plus que jamais une exigence et une urgence.
Il y a enfin l’hostilité déclarée de certains maires franciliens à l’obligation pourtant légale d’atteindre 20% de logements sociaux sur le territoire de leur commune, ce qui vous a très logiquement conduit, Monsieur le Maire, à demander la publication de la liste des collectivités qui refusent de satisfaire aux exigences de la loi SRU.
De fait, les réponses que Paris apporte à une crise du logement d’ampleur nationale ne peuvent s’inscrire que dans le cadre plus large de l’Ile-de-France.
A ce titre, la demande plusieurs fois formulée de la convocation d’une conférence régionale sur l’hébergement d’urgence ne pourra indéfiniment rester sans réponse. Paris concentre, en effet, la moitié des capacités d’accueil de la région et ce déséquilibre n’est pas une bonne chose, en premier lieu pour les personnes concernées.
De la même façon, la mise en place d’un établissement public foncier régional réclamé sans succès jusqu’à maintenant, s’impose plus que jamais. Au gouvernement d’exprimer une volonté politique claire en refusant l’égoïsme territorial qui conduit les Hauts-de-seine, les Yvelines et le Val d’Oise à vouloir créer leur propre agence, mais aussi en donnant l’exemple par la libération des emprises foncières de l’Etat à des prix compatibles avec la construction de logements sociaux.
Le mal-logement n’est pas une fatalité d’autant plus que les solutions existent, y compris en prenant des initiatives de nature législative, comme le feront à nouveau et très prochainement les parlementaires socialistes :
– pour accélérer la mise en œuvre de la résorption de l’habitat insalubre,
– pour augmenter les capacités d’hébergement provisoire à Paris et en Ile-de-France,
– pour augmenter et rééquilibrer l’offre de logements sociaux à Paris et en Ile-de-France, vous y avez fait référence, Monsieur le Maire, avec la multiplication par cinq des pénalités pour non respect de la loi SRU,
– pour, enfin, protéger le parc locatif privé.
Le temps n’est plus à l’indignation. Il est plus que jamais à l’action, une action à l’échelle de l’agglomération parisienne et pour laquelle Paris souhaiterait que l’Etat prenne aussi ses responsabilités.