Budget de la Culture

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,


A l’occasion d’une visite de la Foire internationale de l’art contemporain – la FIAC -, le 10 octobre dernier, le Premier ministre a parlé de la politique culturelle. Un commentateur a pu ainsi écrire : « On attendait les envolées d’André Malraux, on a eu un programme à la Jack Lang. » Il restait à vérifier la traduction budgétaire d’une analyse aussi hardie. Las, n’est pas Jack Lang, qui veut ! Jack Lang avait un programme et un budget adéquat !
Pour 2006, force est de constater que la culture n’est toujours pas une priorité pour les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002. De fait, vous êtes contraint, monsieur le ministre, avec votre administration, de tenter de résister à une vision par trop comptable de la culture, qui vous conduit à devoir conjuguer maîtrise des dépenses, en fait économies, et recherche de financements propres, qui sacralise, faute de mieux, le recours au mécénat privé.
À cet égard, compte tenu de la nouvelle architecture budgétaire imposée par la LOLF, avec ses indicateurs de performance, je tiens à saluer votre honnêteté qui vous a amené à avouer, au cours de la réunion de la commission élargie, que vous n’auriez pas de marge de manœuvre budgétaire l’année prochaine. Un ministre de la culture sans marge de manœuvre, c’est un ministre de la culture, qui souffre.
De fait, le groupe socialiste estime que l’augmentation proclamée du budget de la culture pour 2006 est en trompe-l’œil. La progression est purement optique, car, si les dépenses de personnel augmentent de 25%, c’est en raison de l’intégration dans la mission « Culture » des cotisations pour pensions, allocations temporaires d’invalidité et allocations familiales. Hors la dotation exceptionnelle de 100 millions d’euros issue des recettes de privatisation, le budget ne croît en réalité que de 1% en crédits de paiement et de 3,6% en autorisations d’engagement. Rien de bien glorieux !
En ce qui concerne le programme « Patrimoines », nous considérons que la situation est extrêmement préoccupante, tant les besoins de rattrapage sont énormes. De nombreux chantiers sont reportés, retardés ou annulés : environ 240 actuellement.
Selon le groupement français des entreprises de restauration des monuments historiques, il manque 400 millions d’euros. Or il en va de la survie d’entreprises spécialisées qui transmettent des savoir-faire irremplaçables.
Le paradoxe est qu’en 2005, l’augmentation des crédits pour l’entretien et la sauvegarde des monuments historiques n’a servi qu’à couvrir les besoins d’une archéologie préventive sous-financée. En effet, la double réforme ratée de la redevance archéologique en 2003 et en 2004 a conduit au déficit d’exploitation de l’Institut national de recherches en archéologie préventive, l’INRAP, dont la trésorerie est assurée dans la précarité et sans aucune visibilité par l’État. Les préconisations du rapport Gaillard accroissent à cet égard les inquiétudes des personnels de l’INRAP et des archéologues des collectivités territoriales.
L’examen du programme « Création » m’amène avec d’autres parlementaires du comité de suivi, tels Frédéric Dutoit et Pierre-Christophe Baguet, présents ce matin, comme nous l’avons déjà fait en réunion de la commission des finances élargie, à évoquer la situation très tendue des intermittents du spectacle. Le bilan négatif du protocole d’accord de juin 2003 n’étant plus à faire, on aurait pu croire en septembre que s’ouvrait la dernière ligne droite avant la renégociation des annexes 8 et 10 : il n’en fut rien !
Force est de constater aujourd’hui, comme nous en avions exprimé la crainte, que cette renégociation est devenue l’otage d’une autre renégociation, celle du régime général. Il est ainsi regrettable que la proposition que vous avez faite, monsieur le ministre, de réunir un groupe de travail technique chargé de nourrir la négociation en s’appuyant utilement sur le rapport Guillot ait été si tardivement acceptée.
Le 31 décembre 2005 approche, monsieur le ministre, et sans contester vos initiatives, je rappellerai ce que vous avez répondu à notre collègue Christian Kert, au sein même de cet hémicycle le 30 mars dernier : « Si cette discussion ne reprend pas, l’État ne restera pas inerte […]. Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c’est-à-dire par voie législative ». Comment ne pas constater, ce 18 novembre, que le moment approche ? Dans le domaine du spectacle vivant qui souffre d’une indéniable faiblesse budgétaire…

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis.
On ne peut pas dire cela !

M. Patrick Bloche. Je peux dire ce que je veux et, en l’occurrence, j’ai dit hier soir à cette tribune, des choses encore plus sévères sur le budget de l’action extérieure de l’État, et je fus approuvé par le ministre – vous étiez présent, monsieur Herbillon – qui nous a avoué défendre un mauvais budget. Reportez-vous au compte rendu analytique, vous verrez que M. Douste-Blazy nous a dit : « j’ai un mauvais budget. »
Dans le domaine du spectacle vivant qui souffre d’une indéniable faiblesse budgétaire, je le répète, le groupe socialiste regrette que vos quatre conférences de presse sectorielles depuis la rentrée n’aient pas été l’occasion, monsieur le ministre, que vous auriez pu saisir pour définir une politique ambitieuse, globale et cohérente, traitant des sujets de fond, à savoir le soutien à la production et à l’innovation, l’extension de la diffusion, le devenir des réseaux et leur articulation, la conquête des publics.
C’est justement cette nécessité de conquérir de nouveaux publics qui nous conduit à être sévères sur le financement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». L’éducation artistique, pourtant si prioritaire, voit ses crédits stagner en euros constants. La mise en place récente d’un haut conseil ne saurait masquer l’abandon coupable du plan Lang-Tasca qui avait traduit à l’époque une volonté politique que l’on ne retrouve pas dans le plan de relance pour l’éducation artistique et culturelle que vous avez lancé en janvier 2005 avec votre collègue de l’éducation nationale.
Pour toutes ces raisons, et au risque insensé de provoquer votre courroux, monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas le budget du ministère de la culture pour 2006.