Communication sur la jeunesse

Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche

 

Monsieur le Maire,
chers collègues,

Certains vendredis soirs, depuis quelques années, les rues de la Capitale sont tout d’un coup envahies par une cohorte bruyante sur patins à roulettes. Ce sont les cris et le son enivrant des milliers de roues sur le bitume. Les passants s’arrêtent, vaguement inquiets, envieux aussi de toute cette agitation, de la jeunesse, de cette vitesse, de cet espace de dérogation soudain ouvert dans la ville. Le spectacle de la balade en rollers dans Paris ne peut laisser indifférent. La force même de cette manifestation nous dit que ceux qui y participent n’ont pas tout à fait les mêmes modes de vie, les mêmes goûts que leurs parents.

De fait, quelle politique pour cette troupe glissante, petit condensé d’une société de ce début de siècle, société qui change profondément au profit de plus de mobilité et de plus d’action ? Où accompagner ces jeunes, où les emmener ? Autant de défis pour une municipalité qui ne conçoit l’avenir que fondé sur le mouvement.

En ce domaine, l’alternance de mars 2001 a moins consisté à rompre avec une politique déterminée qu’à combler un vide d’autant plus surprenant que Paris compte un demi-million de jeunes âgés de 13 à 28 ans et qu’elle est la plus grande ville universitaire d’Europe avec ses 300.000 étudiants.

Finie donc l’indifférence et, sans doute quelque part, la méfiance. Place à une politique créative pour donner enfin aux jeunes Parisiens toute la place qui leur revient dans la Cité.

L’exercice n’est pas simple car il consiste d’abord à concilier deux aspirations apparemment contradictoires : d’une part, le désir d’émancipation qui s’exprime par une légitime revendication d’un véritable droit à l’autonomie et d’autre part, la nécessité de l’intégration que le modèle républicain souvent invoqué a, depuis déjà quelques temps, montré ses limites.

Il fallait donc inventer pour notre Ville une politique en direction de sa jeunesse aussi diversifiée que volontaire, qui favorise l’égalité entre tous les jeunes, quels que soient leur origine, leur sexe, leur condition économique ou sociale et qui libère l’accès à une citoyenneté pleine et entière.

La multiplicité des initiatives prises en ce domaine depuis bientôt deux ans sous votre impulsion, Monsieur le Maire, ne peut que susciter l’adhésion enthousiaste du groupe socialiste et radical de gauche. Les décisions de nommer une adjointe chargée de la jeunesse en la personne de Clémentine Autain, dont nous tenons à saluer le talent et le dynamisme, comme de créer une sous-direction à la jeunesse ont apporté en visibilité et encore plus en cohérence dans un champ d’intervention dont le maître mot est la transversalité.

Ce pacte de confiance que vous voulez fonder, Monsieur le Maire, entre Paris et sa jeunesse doit permettre de conjuguer identité personnelle et identité collective, de développer un sentiment d’appartenance à une entité humaine ouverte sur les autres et sur le monde.

Quel contraste, de fait, avec la politique engagée au plan national depuis bientôt dix mois lorsqu’il est mis fin brutalement aux emplois-jeunes ou lorsqu’en réduisant de manière irresponsable les crédits de la prévention ou ceux de la politique de la ville, le gouvernement libère les pulsions sécuritaires de la frange la plus ultra de l’UMP pour laquelle tout jeune est un délinquant potentiel.

Alors oui, bravo pour cette politique globale conduite à Paris et qui reposant sur l’accès à la connaissance et à la citoyenneté, sur l’insertion et sur l’information, rend bien compte de la diversité des jeunes, des situations et des besoins qu’ils expriment. De fait, caricaturer le droit à la parole ouvert dans le cadre des Conseils locaux de la jeunesse et, aujourd’hui, dans celui du conseil parisien, c’est avoir la mémoire bien courte et oublier un peu vite ces centaines de milliers de jeunes qui ont battu le pavé parisien, le 1er mai dernier, pour faire barrage à l’extrême droite et exprimer leur rejet viscéral du racisme et de la xénophobie.

Car, participer à la vie démocratique de la Cité, n’est-ce pas faire l’apprentissage le plus concret qui soit de la citoyenneté et saisir ainsi tous les enjeux du suffrage universel.

Les jeunes sont généreux, ils n’ont pas peur des autres, le monde les attire. Nombreux sont ceux qui, à la fin de leurs études et avant d’entrer dans la vie active, souhaiterait durant six mois, un an – à l’autre bout de la planète – porter un projet de coopération le plus souvent de dimension humanitaire. La collectivité parisienne se devait de les accompagner.

Les jeunes ont besoin de qualité de vie, notamment en termes de logement et de santé et pour cela, les initiatives de la municipalité sont heureuses et nombreuses. Les jeunes doivent voir leur insertion sociale et professionnelle facilitée et, là aussi, les efforts sont multiples, tout particulièrement – et nous vous remercions, Monsieur le Maire, de l’avoir rappelé avec force ce matin – lorsqu’ils ont un emploi-jeune dans un service de la Ville.

Les jeunes, enfin, sont créatifs et leur investissement culturel s’inscrit souvent dans des lieux nouveaux, dits intermédiaires ou encore alternatifs, où – plus que leurs aînés – ils aiment mêler les pratiques artistiques dans des démarches pluridisciplinaires. En attendant que les grands projets culturels de la mandature voient le jour et répondent à leurs attentes, l’opération  » jeunes talents  » opportunément les bases d’une première reconnaissance.

Monsieur le Maire, en 1903, Jean Jaurès dans un discours à la jeunesse prononcé au lycée d’Albi déclarait :  » Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine.  » Cent ans après, comment ne pas retrouver pour s’en réjouir, ce triple objectif dans cette politique parisienne pour la jeunesse que vous nous présentez aujourd’hui ?