Plan de lutte contre le bruit

Intervention de Patrick BLOCHE,
Président du Groupe socialiste
et radical de gauche

Monsieur le Maire,
Mes cher(e)s collègues,

Voilà un peu plus d’un an, la Ville de Paris présentait aux Parisiennes et aux Parisiens sa cartographie dynamique du bruit routier. A l’époque, tout le monde en convenait, Paris faisait figure de pionnière en matière de lutte contre les nuisances sonores. Elle devançait ainsi de près quatre ans l’échéance fixée par la directive européenne de juin 2002 exigeant que toute agglomération de plus de 250.000 habitants se dote d’un tel document. Et, elle s’est même vu attribuer, lors du salon de l’AMIF au mois d’avril dernier, le prix spécial du Grand Prix de l’environnement, notamment pour cette action innovante. Que la Ville de Paris figure ainsi à l’avant-garde de la lutte contre la pollution sonore ne nous a du reste guère surpris. Car, les listes que vous conduisiez en 2001, Monsieur le Maire, mentionnaient déjà cette nécessité et en avaient d’ailleurs fait un des éléments essentiels du contrat de mandature.

Mais au-delà de ces marques de reconnaissance, cette cartographie du bruit marque avant tout la volonté de la Ville qu’exprime avec détermination Yves Contassot, de s’attaquer réellement à la première nuisance environnementale dont se plaignent, à juste titre, nos concitoyens. Elle témoigne du souci de la majorité municipale de ne pas en rester à la pétition de principe et de se doter d’un outil efficace pour l’évaluation des décisions prises depuis le début de cette mandature mais aussi pour l’élaboration d’un futur plan d’action dont vous nous présentez aujourd’hui, Monsieur le Maire, les grandes lignes.

Mes chers collègues, nous en faisons tous ici l’expérience chaque jour. L’espace urbain est saturé de bruits de toute nature et de toute provenance. Plus que de simples nuisances, il s’agit très souvent de véritables agressions contre la santé. L’étude publiée l’année dernière par l’Observatoire Régional de Santé d’Ile-de-France met ainsi bien en évidence deux types d’effets. Des effets physiologiques tout d’abord : lésions auditives, pathologies cardiovasculaires ou encore perturbations du sommeil. Mais également des effets psychologiques qui, s’ils sont plus difficilement mesurables, n’en sont pas moins réels : anxiété, stress, voire dépression.

Mais plus important encore pour les élus socialistes et radicaux de gauche est le constat, encore une fois, que la pollution sonore affecte d’abord les plus démunis, les plus faibles, et c’est particulièrement vrai pour les plus jeunes de nos concitoyens. On sait par exemple que la lecture, l’attention, la résolution de problèmes et la mémorisation sont parmi les capacités cognitives les plus fortement affectées par le bruit. Une récente étude européenne a même montré que les enfants dont l’école est située près d’un aéroport peuvent accumuler jusqu’à un an de retard dans l’apprentissage de la lecture. On sait aussi que ce sont principalement les populations qui vivent aux abords du périphérique qui subissent les niveaux sonores les plus importants. La journée, ce sont près de 150.000 Parisiens, résidant dans des immeubles situés le long du boulevard périphérique, des boulevards des maréchaux et des grands axes, qui se retrouvent exposés à plus de 70 décibels – seuil jugé dangereux pour la santé.

Un tel constat conforte les choix de la majorité municipale depuis le début de la mandature. Oui, il fallait implanter le tramway sur le boulevard des maréchaux et non, comme on l’entend encore parfois, sur la petite ceinture. Oui, il fallait transformer les « axes rouges » en « espaces civilisés ». Oui, il fallait pacifier certains quartiers de la ville. Et les quartiers verts et les aménagements du mobilien y contribuent fortement. Oui, la couverture du boulevard périphérique est un impératif auquel l’Etat tente pourtant de se soustraire comme vous l’avez vous-même rappelé, Monsieur le Maire, pour la porte de Vanves. Alors, plus que jamais, soyons fiers de la politique des déplacements initiée depuis 2001 car, du point de vue qui nous intéresse très précisément ce matin, c’est tout simplement une excellente politique.

Mais il nous faut aller plus loin encore et c’est précisément ce que vous nous proposez aujourd’hui à travers ce projet de délibération. Je ne reviendrai pas en détail sur les cinquante propositions qui figurent dans ce plan. Mais, nous souhaitons dire combien la démarche adoptée nous apparaît ambitieuse, adaptée et équilibrée.

La démarche est ambitieuse et adaptée, parce qu’elle se veut avant tout pragmatique : lutte contre le bruit de la circulation, application de revêtements anti-bruit sur la chaussée, lutte contre le bruit lié aux activités municipales, isolation phonique des équipements municipaux – notamment les crèches et les écoles -, norme HQE pour les nouveaux équipements, meilleure information et sensibilisation pour prévenir les comportements individuels et surtout la mise en place d’un programme d’intérêt général « développement durable » qui permettra une aide pour l’isolation acoustique des fenêtres des résidants Parisiens. C’est ainsi, par des actions concrètes, qui s’attaquent à tout type de bruit et en combinant approche préventive et curative, que se dessinent les contours d’une action efficace et performante.

La démarche est équilibrée, parce qu’elle prend en compte à la fois le souhait légitime des Parisiens à plus de tranquillité et l’incontournable activité de la ville. Œuvrer pour une ville plus apaisée, ce n’est pas la réduire au silence. C’est une des réussites de ce projet que de ne pas avoir succombé à la tentation de faire taire Paris. Certains bruits de la ville sont des bruits de la vie et le signe manifeste de son dynamisme. Qui pourrait ici imaginer que les enfants puissent jouer sans crier, que les concerts puissent se jouer sans son et sans public ou encore que les bars et les restaurants de la capitale tournent à vide ? C’est tout l’objet de la charte des lieux de vie que de concilier les aspirations de uns et les attentes des autres.

Enfin, comme vous le précisez, Monsieur le Maire, le bruit est avant tout une pollution de dimension locale. Aussi, le cadre d’intervention que vous nous proposez aujourd’hui, pourrait – et c’est une proposition que nous vous soumettons – être décliné localement. Libre aux arrondissements qui le souhaitent, en lien avec les conseils de quartiers – d’établir des plans locaux. Ce serait là une plus-value intéressante qui donnerait une traduction encore plus concrète à ce plan et qui renforcerait son efficacité.

Alors bien évidemment, l’opposition va proclamer ce matin qu’elle partage l’objectif de réduction des nuisances sonores tout en contestant, comme pour la lutte contre la pollution de l’air, les moyens mis en œuvre. Mais comment peut-on croire que détruire les couloirs de bus contribuera à abaisser le volume sonore de la capitale ? Ou encore que les opérations programmées d’amélioration de l’habitat « antibruit », mises en place sous l’ancienne mandature, sont comparables au nouveau dispositif d’aide à l’isolation acoustique que j’évoquais précédemment.

Je tiens enfin à souligner que ce plan d’actions, aussi ambitieux et volontariste soit-il, ne constitue qu’une étape et n’a pas vocation à se substituer à l’intense réflexion que la ville mène par ailleurs. Je pense naturellement à la question des déplacements. Sur ce point, les débats sont devant nous. Alors gardons-nous de toute précipitation en la matière et ne préemptons pas le débat actuellement mené avec les Parisiens et les collectivités locales voisines dans le cadre de l’élaboration du Plan de Déplacements de Paris. Et de même que ce plan ne règle pas tout, la Ville de Paris ne peut pas faire tout, toute seule. Et là aussi, j’insiste sur la nécessité des partenariats avec l’ensemble des acteurs concernés. J’évoquais tout à l’heure la couverture du périphérique. Mais je pense également aux 16 kms de voies ferrées nationales dans Paris qui figurent parmi les voies les plus bruyantes de la capitale ou encore à la nécessaire collaboration avec la Préfecture de Police pour lutter contre le bruit des deux-roues motorisés, sujet sur lequel nous avions déjà fait adopter un vœu lors du conseil de juillet 2003.

Monsieur le Maire, je sais bien que l’on a coutume de dire que le bruit ne fait pas de bien et que le bien se fait sans bruit. Et pourtant, je souhaiterais aujourd’hui faire une entorse à ce principe, et au nom du groupe socialiste et radical de gauche, faire un peu de bruit autour de ce plan de lutte contre les nuisances sonores car il est tout simplement utile aux Parisiens.