Pluralisme dans les médias audiovisuels

 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative au respect du pluralisme dans les médias audiovisuels et prenant en compte le temps de parole du Président de la République.

 

La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

 

 

œur de notre démarche.

 

Je voudrais encore répondre sur quelques points à l’intervention de M. Riester et aux propos qu’ont tenus au nom du Gouvernement Mme Albanel et M. Karoutchi. Puisque nous avons eu ce débat en commission et que le président François Mitterrand a été cité à plusieurs reprises, je tiens à souligner à l’intention de M. Riester que le président Mitterrand a fait plus pour le pluralisme des médias en libérant les ondes en 1981 que vous ne faites aujourd’hui avec le lancement de la TNT – lequel, je le rappelle, a été encadré par une loi votée avant l’alternance de 2002.

Cependant, pour en revenir au cœur du débat, permettez-moi de vous renvoyer au rapport que j’ai déposé, qui récapitule avec précision les temps de parole des différents Présidents de la République depuis que ces temps sont comptabilisés, soit depuis 1989. Depuis cette date, notre pays a connu toutes les situations, le Président de la République étant tantôt majoritaire à l’Assemblée nationale et tantôt minoritaire – nous avons en effet vécu, comme vous le savez, deux cohabitations. Ainsi, madame la ministre, puisque vous évoquez les conséquences pratiques de notre proposition, notamment dans ces situations particulières que sont les cas de cohabitation – directement évoqués d’ailleurs à l’alinéa 6 et dernier de l’article unique de la proposition de loi –, et puisque François Mitterrand a été souvent cité, je me permettrai de rappeler qu’entre le 30 mars et la fin de l’année 1993, le temps de parole du Président Mitterrand décompté par le CSA a été de 3 % à 6 % et que, durant l’année 1994, il se situait entre 4 % et 6 %. Nous sommes bien loin de ces chiffres aujourd’hui, où le temps de parole du Président de la République est passé du simple à plus du double pour dépasser 13 %, atteignant même 15 % si l’on compte ses collaborateurs, dans toutes les formes de communication liées à l’actualité politique – journaux télévisés, magazines d’informations et émissions de divertissement. Vous savez en outre que, si l’on ne comptabilise que les journaux télévisés, le pourcentage est bien supérieur, approchant, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le chiffre de 25 %.

Quant au rôle du chef de l’État, qui a souvent été invoqué, et au fait que le Président de la République est amené à s’exprimer au nom de la France, notamment à l’étranger, je ferai remarquer à nos collègues de la majorité que, lorsque le Premier ministre se rend par exemple en visite officielle aux États-Unis ou prend la parole sur des sujets de politique étrangère, son temps de parole est décompté par le CSA sur celui du Gouvernement et que, jusqu’à présent, personne n’a contesté cet état de fait.

En vérité, il ne s’agit donc nullement, avec l’examen de cette proposition de loi, de réduire ou d’abaisser la fonction présidentielle, – pour reprendre l’expression de M. Karoutchi –…

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Mais si !

M. Patrick Bloche, rapporteur. …et de faire en sorte que le Président de la République, le chef de l’État ne soit plus la clé de voûte de nos institutions, mais simplement de prendre en compte le temps de parole politique. Aujourd’hui, en effet, le temps de parole du Président de la République n’étant pas décompté, celui dont dispose l’opposition parlementaire est bien inférieur à ce que lui reconnaît la loi – le tiers légal qui lui revient.

J’insiste sur ce point, car, une fois cette proposition de loi votée, la majorité politique du pays – qu’il s’agisse de la majorité parlementaire, du Gouvernement ou, bien sûr, du Président de la République – disposerait des deux tiers du temps de parole global des interventions politiques.

J’ajouterai pour conclure que ce n’est pas par hasard que nous débattons ce matin de cette proposition de loi, qui intervient, comme cela vient d’être rappelé, dans le contexte d’un débat sur la réforme des institutions. Ainsi, cette proposition de loi n’est en rien un écran de fumée, mais, comme celle que nous avons déposée en vue de réformer le mode d’élection des sénateurs, l’une des contributions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à ce débat.

C’est enfin, j’y insiste, parce que les réponses du Conseil supérieur de l’audiovisuel aux saisines de Didier Mathus et de François Hollande se sont révélées tout à fait insatisfaisantes que nous sommes interpellés en tant que représentation nationale et qu’il nous faut ici, dans l’hémicycle, là où se joue le pluralisme politique, au cœur de notre démocratie, modifier la loi pour que nous puissions vivre, si j’ose dire, dans le temps moderne de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)