Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision
Monsieur le Président,
Madame la Ministre ,
Chers collègues,
La question préalable que je suis amené à défendre, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, vise à vous convaincre que le projet de loi que vous nous présentez n’est, finalement, qu’une illusion d’optique. Il n’est, en effet, rien d’autre qu’une belle histoire que l’on nous raconte et que l’on nous répète avec force, depuis près d’un an, dans l’espoir de nous laisser accroire que, comme dans un conte de fées, la magie ferait, qu’à partir de peu, pourra surgir quelque chose de grand.
Le Président de la République et son gouvernement nous disent, depuis plusieurs mois, vouloir moderniser le service public de l’audiovisuel. Le Président de la République et son gouvernement nous disent également vouloir lui offrir des ressources pérennes en le soustrayant à l’aléa des revenus publicitaires. Mais ce que l’on nous raconte ici n’est pas ce qui est, et ce que l’on nous promet n’est en rien ce qui sera.
Quand nous entendons réforme du financement, ce que nous devons voir, c’est en fait un assèchement des ressources. Quand nous entendons modernisation, ce que nous devons voir, c’est la désorganisation, ou pire encore, le démantèlement du service public de l’audiovisuel. Quand nous entendons enfin, dans la bouche même du Premier Ministre, les termes de « grand projet culturel », ce que nous devons voir, c’est une entreprise déterminée de régression qui menace le pluralisme et la diversité, en un mot : la démocratie!
La télévision et la radio, au travers des différents modes de diffusion, occupent, en effet, une place centrale dans notre quotidien. Sources d’information nous reliant instantanément à ce qui se passe dans le monde, la télévision et la radio apportent également la connaissance. Elles sont des moyens d’éducation et des voies d’accès facilitées à la culture et au divertissement.
Dire cela, Chers Collègues, c’est prendre pleinement conscience combien les médias conditionnent le bon fonctionnement de nos institutions et dès lors, combien il faut se munir de précautions avant d’avancer en ce domaine qui est un des fondements de notre modèle démocratique.
Dire cela, c’est rappeler que depuis 25 ans, le paysage audiovisuel français, intégrant une logique concurrentielle, s’est structuré autour de deux pôles : l’un public et l’autre privé, luttant, plus ou moins, à armes égales.
Au nom d’une prétendue adaptation du paysage audiovisuel français, ce que s’apprête à faire le Président de la République et son gouvernement c’est de fait rompre cet équilibre, en rendant les groupes audiovisuels privés toujours plus puissants, et en fragilisant encore davantage l’audiovisuel public.
Quel sera en effet ce « quatrième pouvoir » que l’on attribue aux médias si le secteur audiovisuel privé déjà aux mains des maîtres des forges des temps modernes vivant des commandes de l’Etat et dans l’intimité du pouvoir, est servi de la sorte et si, dans le même mouvement, l’audiovisuel public est durablement affaibli ? Les médias ne forment un pouvoir, au côté des trois autres, que s’ils peuvent porter librement, hors de toutes contraintes, un jugement sur ces derniers, et dès lors influer sur leurs actions.
Il est bon, je crois, de rappeler la sagesse d’un ancien Président de la République, exprimée dans un bilan que celui-ci tirait de la loi qu’il avait fait voter, six ans auparavant, avec l’aide de Georges FILLIOUD, son ministre de la communication. François MITTERRAND dans une lettre adressée aux Français, lors de sa campagne présidentielle de 1988, a ainsi pu écrire : « MONTESQUIEU, à distance, pourra se réjouir de ce qu’un quatrième pouvoir ait rejoint les trois autres et donné à sa théorie de la séparation des pouvoirs l’ultime hommage de notre siècle ».
Oui, chers collègues, au travers de ce projet de loi, on ignore visiblement l’attachement que les Français ont exprimé, à plusieurs reprises, au secteur public de l’audiovisuel et au pluralisme qu’il garantit. Car si le texte met l’audiovisuel public sous dépendance politique, il le met également sous dépendance budgétaire. Ce qui finalement revient au même : il s’agit, purement et simplement, de mettre l’audiovisuel public sous contrainte !
Comment ne pas voir, cependant, que le premier objectif visé par le projet de loi n’est pas la « belle télévision publique » que l’on nous promet pour demain, mais bien l’urgente mise à l’abri du secteur télévisuel privé.
Cela n’a trompé personne et évidemment pas les marchés financiers. Ainsi, le 8 janvier dernier, après que le Président de la République a annoncé, durant ses vœux à la presse, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, les cours de bourse des deux chaînes privées, TF1 et M6 se sont automatiquement envolés.
C’est donc qu’à la corbeille, on a su apprécier à sa juste valeur le plan de sauvetage ainsi mis en oeuvre. Il est vrai qu’on a finalement pris l’habitude de ces plans de sauvetage lancés par le Président de la République et son gouvernement et qui ne sont que le moyen de pallier les défaillances du privé en puisant dans les ressources du public.
A cet égard, la suppression partielle de la publicité, à partir de janvier prochain, sur les chaînes de France Télévisions, constitue incontestablement un transfert de revenus du public vers le privé. Le manque à gagner annuel est estimé à 450 millions d’euros. Pour compenser cette baisse des revenus publicitaires – une baisse qui s’est d’ailleurs déjà fait sentir en 2008 –, est prévue la création de deux taxes : une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées et une taxe de 0,9% sur le montant des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d’accès à internet.
Or, ce mécanisme de compensation est critiquable à plus d’un titre, et notamment parce qu’il repose sur un trop grand nombre de variables aléatoires.
En effet, la compensation pour les années 2009, 2010 et 2011, c’est-à-dire jusqu’à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques lors de l’arrêt complet de la diffusion hertzienne analogique, ne prend pas en compte les baisses de revenus publicitaires des chaînes publiques durant cette période transitoire. La forte valorisation des cases publicitaires après 20 heures va permettre aux chaînes privées de pratiquer des politiques commerciales agressives en matière de vente d’espaces. Ceci contribuera à une dégradation du marché publicitaire avant 20 heures et donc, mécaniquement, à une baisse des revenus publicitaires des chaînes publiques bien supérieure à ce qui nous est aujourd’hui annoncé.
D’autre part, la taxe de 3% ne concernera pas toutes les chaînes puisqu’elle ne s’appliquera qu’aux seules chaînes réalisant un chiffre d’affaires publicitaire supérieur à 11 millions d’euros. D’ores et déjà des voix se sont élevées parmi les chaînes privées – notamment les chaînes d’information – pour demander un traitement différencié en fonction de la nature des programmes diffusés.
La troisième variable aléatoire concerne la taxe de 0,9% versée par les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs d’accès à internet. A écouter le discours officiel qui nous est tenu, il s’agirait, au moment où le marché de la publicité subit le contre-coup de la récession économique, de sécuriser les ressources du secteur public par la mise en place d’un financement pérenne attaché à un secteur d’activité dynamique. C’est faire preuve au mieux de légèreté, plus certainement de fuite en avant, car un secteur économique peut être dynamique aujourd’hui et ne plus l’être demain. Le secteur de l’Internet ne fait pas exception ; on l’a d’ailleurs déjà vu lors de l’éclatement de la bulle des valeurs technologiques entre 2000 et 2001. De plus, le texte reste flou sur les revenus qui ne seront pas pris en compte dans le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms d’où très certainement un moindre rendement de cette taxe.
Ces modes de compensation si incertains semblent pourtant – quelle surprise ! – démesurés aux yeux de certains d’entre nous. Deux amendements ont, en effet, été votés en commission spéciale remettant en cause le niveau de la taxation des chaînes privées et des opérateurs télécoms. Ces amendements demandent ainsi que soit baissée de moitié, jusqu’en 2012, la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées et que la taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms soit remplacée par une taxe progressive comprise entre 0,5 % et 0,9 %.
Comment, dès lors, ne pas constater que les masques sont tombés avant même que la loi ne soit votée et que c’est l’asphyxie programmée du secteur audiovisuel public qu’on nous demande d’entériner!
Permettez moi également de souligner que les deux taxes ainsi créées avec la frénésie qui caractérise votre gouvernement, Madame la Ministre, pour augmenter les prélèvements obligatoires au mépris des promesses du candidat Sarkozy, ces deux taxes donc ne sont pas affectées directement à l’audiovisuel public mais versées au budget de l’Etat ; charge alors à lui d’attribuer a posteriori ces sommes. Dans la mise en place de ce mécanisme, il faut comprendre que les ressources destinées à l’audiovisuel public ne sont donc en rien garanties mais que, chaque année, il faudra veiller à ce qu’elles soient affectées conformément aux engagements que prend le gouvernement ou plutôt le gouvernement d’aujourd’hui.
Deux taxes incertaines et une redevance audiovisuelle insuffisante : telles sont les ressources qui doivent permettre à la télévision publique de devenir ce « grand outil de culture populaire » que la majorité appelle de ses vœux. La référence que l’on croit voir apparaître en filigrane est celle de la BBC, au côté de laquelle, l’audiovisuel public français devrait figurer au titre de grand média international. C’est, chers collèges, aller un peu vite en besogne…
En France, la redevance qui représente en montant annuel de près de 2 milliards d’euros et assure environ les deux tiers des ressources de France Télévisions est deux fois inférieure au montant de la redevance en Grande Bretagne. La redevance n’a pas été réévaluée depuis 2002 (grave erreur de gouvernance que nous avons dénoncée sur ces bancs à chaque débat budgétaire et dont on paie le prix aujourd’hui, soit six ans plus tard), et ce n’est pas son indexation sur l’évolution du coût de la vie, qui permettra de répondre au sous-financement chronique et déjà ancien de l’audiovisuel public. Aussi, que l’on soit au moins conscient d’une réalité : faire une BBC à la française, telle que l’on nous la vend, c’est nécessairement dégager des ressources très supérieures à celles qui sont prévues actuellement.
Il y a, de fait, un décalage criant, je devrais dire inquiétant, entre les objectifs annoncés et les ressources envisagées. Le gouvernement nous dit, avec ce projet de loi, vouloir faire plus qu’une nouvelle réforme, mais vouloir procéder à une refondation permettant – je cite – « d’inventer la télévision de service public du 21ème siècle ».
De qui se moque-t-on sinon de nos concitoyens qui sont les téléspectateurs et de ceux qui font quotidiennement le service public de la télévision, à savoir les 11 000 salariés de France-Télévisions ! La vérité doit être dite, haut et fort : le compte n’y est pas, le compte n’y sera jamais!
Pour l’année 2009, première année de la mise application de la loi, réussir à boucler le budget de l’audiovisuel public relèvera de l’impossible.
En année pleine on peut estimer, en se basant sur l’année 2007, que les revenus publicitaires de France Télévisions sont de l’ordre de 800 millions d’euros, soit un tiers de son financement. Pour l’année 2009, la suppression de la publicité le soir devrait être compensée à hauteur de 450 millions d’euros. Pour retrouver un budget de fonctionnement équivalent, France Télévisions devra donc dégager, en journée, des revenus publicitaires de l’ordre de 350 millions d’euros. Ce qui, au regard de la baisse des tarifs des écrans publicitaires, du fait de la politique tarifaires des télévisions privées, semble d’ores et déjà un objectif parfaitement inatteignable.
Les ressources de France Télévisions seront donc amenées à baisser pour l’année 2009, alors même que le groupe devra faire face à des coûts supplémentaires. Le budget 2009 devra notamment prendre en compte le financement des nouveaux programmes qui auront vocation à remplir les horaires libérés par la publicité. Le budget 2009 devra également intégrer les coûts relatifs au renforcement de la stratégie éditoriale visant à proposer un nombre croissant de programmes à vocation culturelle à des heures de grande écoute. France Télévisions devra également poursuivre son effort d’investissement en faveur de la création audiovisuelle française et européenne. A ces investissements s’ajouteront ceux nécessaires à la diffusion des contenus sur les différents supports numériques, ce qu’on appelle communément la diversification.
On peut, d’ores et déjà, estimer à au moins 100 millions d’euros peut être 200, peut être 300, la somme qui manquera à France Télévisions pour boucler son budget en 2009. Dans quel état sera donc la télévision publique quand il s’agira, en 2012, de supprimer complètement la publicité ? S’il existe encore, dans trois ans, une télévision publique digne de ce nom dans notre pays!
Aussi, évoquer avec insistance, comme le fait la majorité, un projet pour une télévision publique du 21ème siècle, relève purement et simplement de la supercherie, surtout quand la vision de la télévision qui nous est ici proposée est tout bonnement datée. Avec la nomination par décret présidentiel et pire encore la révocation du Président de France Télévisions, on a mis en marche la machine à remonter le temps. Ce qui explique sans doute votre insistance à présenter votre pseudo-réforme comme « historique ». Vous nous proposez, en effet, de revenir sur les acquis libérateurs et démocratiques de 1981, en un mot de repasser de la lumière à l’ombre. De la même façon, avec la suppression de la publicité, on revient – hasard du calendrier –, à un avant 1968, année ou la première publicité est apparue à la télévision.
Quel est donc cet âge d’or de la télévision publique, tant mythifié par le Président de la République lui-même et avec lequel vous voulez renouer par la promotion d’automatismes aussi nostalgiques que ringards qui ferait qu’une télévision libérée de l’audimat produirait inévitablement des émission de qualité?
C’est, en effet, une erreur « historique » de penser qu’une bonne télévision doit nécessairement se faire sans publicité. Il y a, nous le savons, une très bonne télévision qui se fait avec de la publicité, de même qu’il existe une très mauvaise télévision qui se fait sans publicité. La suppression de la publicité n’est, en matière de programmes, en aucun cas une garantie de qualité !
Aux yeux du gouvernement et de sa majorité, il faudrait soustraire la télévision à la logique de l’audimat que fait peser le recours à la publicité. Ce diagnostic, faut-il nécessairement le partager ? Faut-il à ce point craindre les mauvais choix des téléspectateurs ? Nous ne le pensons vraiment pas. Performance d’audimat et qualité des programmes ne sont pas antinomiques, loin de là. Faites avant tout des bonnes émissions, audacieuses, de qualité, qui sachent allier les composantes clefs que sont l’information, la connaissance et le divertissement, et l’audience sera au rendez-vous.
Pour offrir des émissions de qualité, qui répondent pleinement aux attentes des téléspectateurs, pour faire que la culture puisse véritablement, selon cette formule que l’on trouve dans l’exposé des motifs « irriguer les grilles des programmes et se partager aux heures de grande écoute avec le souci de s’adresser à tous », il faut mettre en face les moyens adéquats. Avec ce texte, le gouvernement dresse jusqu’à l’ivresse une liste de belles intentions en se payant le luxe de ne pas sortir un centime d’euro de sa poche! Quel culot! Pour que l’audiovisuel public remplisse pleinement les missions que la loi lui fixe, il faut le doter d’un financement pérenne, ce qui est loin d’être le cas, nous l’avons vu, et du dispositif organisationnel qui assure son efficacité.
Or la réorganisation des chaînes publiques en un « média global » ne va pas dans ce sens, c’est le moins qu’on puisse dire. En effet, la transformation du groupe France Télévisions en une entreprise unique par fusion-absorption des chaînes éditrices France 2, France 3, France 4, France 5 et de RFO va bouleverser les structures et les métiers de la télévision publique et donc la fragiliser durablement.
Cette fusion-absorption n’a pas qu’un seul caractère juridique. Il s’agit également de créer des synergies, soit, en d’autres termes, de réaliser des économies d’échelle par la mise en commun d’un certain nombre de métiers. Ce qui est en jeu ici c’est l’identité et la spécificité des chaînes. Ces dernières n’en sont d’ailleurs déjà plus, puisque elles deviennent des marques.
Cette mise en commun des structures dans un « media global » pose une question fondamentale en matière de pluralisme de l’information. Il est indispensable, en effet, que le service public de la télévision ne parle pas d’une seule voix, et qu’en son sein, il puisse donner l’exemple, en faisant place à la diversité des points de vue et des opinions. Or, comment ne pas craindre que ce « media global » n’aboutisse à une uniformisation de l’information comme viennent d’ailleurs de le suggérer deux députés du groupe UMP en demandant bruyamment de supprimer purement et simplement le journal national de France 3?
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La majorité nous dit donc vouloir faire de l’audiovisuel public un acteur de taille au côté des autres acteurs mondiaux de l’audiovisuel. Et à l’entendre, le public aurait tous les mérites.
Dès lors, on comprend mal le choix qui est fait ici de remettre en cause le caractère public de Radio France Internationale au profit d’une société de l’Audiovisuel Extérieur de la France ouverte aux capitaux privés. Cette intégration de R.F.I. au sein de A.E.F. s’accompagne de la fermeture programmée de la plupart des filiales de R.F.I. à l’étranger. Avec cette fusion- absorption de R.F.I., c’est une ambition publique qui s’éteint d’ores et déjà complètement.
Nous devons, dès lors, prendre définitivement acte du fait que la France ne souhaite pas que la conduite de son audiovisuel extérieur se fasse par le bais d’une société publique. Non, elle se fera totalement par l’intermédiaire d’une structure holding confuse appelée « Audiovisuel Extérieur de la France » financée exclusivement par l’argent public et mêlant pour autant intérêts publics et intérêts privés, ambition culturelle et loi du marché. Un mélange qui est donc – paradoxalement – l’inverse du modèle dont le gouvernement prétend être le défenseur pour l’audiovisuel public national.
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Chers collègues de la majorité, après tant de mauvaises nouvelles pour l’audiovisuel public, comment ne pas, en revanche, vous révéler les très bonnes surprises qui attendent les chaînes privées. TF1 et M6 notamment, l’ont rêvé. Sarkozy l’a fait!
Au delà du véritable effet d’aubaine que représente le transfert des recettes publicitaires du public, le projet de loi prévoit d’autres dispositions taillées sur mesure pour les télévisions privées.
Tout d’abord, la seconde coupure publicitaire qui sera autorisée dans les films et les œuvres audiovisuelles. TF1 et M6 la réclamaient à cors et à cris depuis de nombreuses années. Sarkozy l’a fait !
A cette disposition vient s’ajouter, excusez du peu, le déplafonnement de la durée de la publicité pour les chaînes privées qui permettra de faire passer le temps de publicité de 6 à 9 minutes par heure. Le passage de l’heure « glissante » à l’heure « d’horloge » permettra également la mise en place de tunnels de publicité pouvant aller jusqu’à 18 minutes!
Ainsi, pendant que l’on veut nous endormir avec la « télévision publique du 21ème siècle », ce sont en fait les chaînes privées qui se taillent la part du lion et qui se mettent ainsi en ordre de bataille pour affronter les défis qui attendent l’audiovisuel dans les années à venir.
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Alors que le paysage audiovisuel français se diversifie avec la montée en puissance de la TNT, alors qu’Internet est en train de devenir le premier des médias, un mauvais coup – oui, vraiment un mauvais coup- est porté, au plus mauvais moment, à l’audiovisuel public.
La suite de cette triste histoire que la majorité a décidé d’écrire, on peut la raconter dès maintenant.
Les missions que les belles paroles ministérielles nous annoncent, jamais la télévision publique ne sera en mesure de les accomplir. Ce que le gouvernement prépare, c’est une petite télévision publique, sans souffle car sans ressources. Bientôt, cette télévision deviendra secondaire par rapport aux télévisions privées car elle n’aura pas la force d’affronter ces dernières.
C’est bien une mission impossible que l’on demande ici à la télévision publique. Et cette mission finira mal. Ce qui va être fait dans les années à venir, c’est la démonstration implacable que la télévision publique n’est pas en mesure de répondre aux attentes, et qu’il faut donc de nouveau la réformer. Profondément cette fois.
Il faudra bientôt restructurer et annoncer la fin de certaines de nos chaines publiques. Voilà ce que le gouvernement n’arrive pas à nous dire complètement avec ce projet de loi. Oui, nous craignons que bientôt, l’Etat ne doive s’alléger d’une partie de sa télévision publique afin, comme le veut la formule, de la « recentrer sur ses missions », formule pudique pour dire justement que des missions, elle en aura de moins en moins.
Voilà ce que le gouvernement ne souhaite pas nous dire aujourd’hui. En revanche, le président d’une grande chaine privée, et étrange porte parole auto-institué du gouvernement, s’est déjà acquitté de cette mission, lui qui a déclaré, le 23 octobre dernier, sur le site Internet du journal Le Monde « qu’il y avait trop de chaînes publiques ». Il en sait visiblement déjà plus que nous, chers collègues, quant aux destinées des chaînes de France Télévisions …
Ce qui est à l’œuvre aujourd’hui, c’est donc une logique lourde qui vise à démanteler le service public. Madame la Ministre, votre tâche est de nous vendre une belle histoire sans toutefois nous en dire la fin. Or, il ne s’agit pas d’être un grand scénariste pour envisager l’issue funeste du conte de fées que vous avez la charge de nous raconter. Sachez que nous entendons rester éveillés et déterminés à défendre la télévision publique. Nous sommes déterminés à envisager les moyens qui permettent véritablement de faire une grande et belle télévision publique.
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L’avenir sombre de la télévision publique que nous vous révélons aujourd’hui, certains le nommeront « politique fiction ». Mais nous savons pour notre part qu’il s’agit bien là de la réalité de la télévision publique de demain si ce projet de loi est voté.
Le courage, chers collègues de la majorité, c’est de refuser d’être les fossoyeurs de la télévision publique, c’est se dire que ce qu’il y a d’historique, ce n’est pas le projet de loi qui nous est proposé mais la responsabilité qui risque d’être la votre en l’adoptant.
Aussi, pour cette raison, j’invite notre Assemblée à voter la question préalable du groupe socialiste, radical et citoyen.