explication de vote sur le projet de loi création et internet

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

Notre groupe votera contre ce texte pour trois raisons majeures : c’est un texte perdant-perdant : perdant pour les artistes, perdant pour les internautes et même perdant pour un cadre dirigeant de TF1; c’est un texte, inefficace, dépassé et inapplicable ; c’est, enfin, un texte qui, telle la ligne Maginot, retarde stérilement l’indispensable adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique.

C’est d’abord un texte perdant pour les artistes. Nous le rappelons avec force en cette fin de débat: il ne rapportera pas un euro de plus à la création.

D’ailleurs, le monde culturel a bougé et nombreux sont les auteurs et les artistes qui ont compris qu’on les leurrait et qui manifestent leur opposition grandissante à Hadopi : artistes interprètes de la musique et de la danse; acteurs, réalisateurs et producteurs de cinéma; acteurs du monde de la science-fiction, salles de cinéma indépendantes, producteurs de musique indépendante La liste s’allonge chaque jour.


Après le coup de tonnerre du 9 avril, cette nouvelle lecture aura eu l’immense avantage de montrer qu’il existe une solution alternative. Avec la contribution créative, c’est, en effet, une nouvelle rémunération du droit d’auteur de plusieurs centaines de millions d’euros et adaptée aux réalités de l’internet que notre groupe a défendue avec conviction. C’est, en fait, la seule solution qui, prenant en compte les usages de nos concitoyens, permet de rassembler les créateurs et les internautes, c’est à dire les artistes et leur public.

Vous auriez du vous préoccuper prioritairement de cela, Madame la Ministre, plutôt que de créer un mécano hasardeux et inutile qui constitue, de plus, une véritable épée de Damoclès au dessus de la tête de nos concitoyens .

Car ce texte est aussi perdant pour les internautes sur lesquels va désormais peser une présomption de culpabilité.

Le caractère manifestement disproportionné de la sanction encourue par les internautes est aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. Absence de procédure contradictoire, non prise en compte de la présomption d’innocence, non respect du principe de l’imputabilité, mise en place d’une surveillance  généralisée du net sont, nous le rappelons avec force aujourd’hui, autant d’éléments que nous jugeons contraires à la Constitution.

A cet égard, nous considérons comme une provocation le rétablissement en seconde lecture de la triple peine : sanction pénale, sanction administrative et sanction financière avec obligation pour l’internaute de continuer à payer son abonnement une fois son accès internet coupé et la suppression de l’amnistie, pourtant votée à l’unanimité en première lecture par notre assemblée, des sanctions prises à l’encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi dite DADVSI de 2006.

C’est donc à un durcissement du texte auquel nous avons assisté ces derniers jours, comparable a celui qui avait en partie expliqué le rejet du texte issu de la CMP par une majorité de notre assemblée, au delà de la seule opposition, il y a un peu plus d’un mois.

Mais il est vrai qu’aujourd’hui le seul objectif pour le gouvernement et sa majorité, est d’en finir au plus vite. Monsieur Copé l’a écrit dans la lettre qu’il a adressée aux membres de son groupe (je le cite) : « ce n’est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause ».

Permettez à notre groupe de rester, quant à lui, attaché au fond du projet de loi.

Cette nouvelle lecture nous aura ainsi permis de constater la soudaine discrétion de Mme Albanel quant au rendement attendu chaque jour de l’Hadopi :  10 000 mails d’avertissements, 3000 lettres recommandées, 1000 coupures de l’accès à l’internet . La parole ministérielle a ainsi muté pour nous expliquer, in fine, que cette loi avait pour seul but de créer (je cite) « un cadre psychologique », l’aveu même que la loi, une fois votée et sous réserve de la censure du Conseil constitutionnel, n’a pas pour but d’être appliquée.

Il est vrai qu’au moment même où nous débattions, autre utilité de cette nouvelle lecture, le Parlement européen par un vote acquis à une écrasante majorité, rendait Hadopi caduque en rappelant que toute coupure de l’accès à Internet ne pouvait se faire sans la décision préalable d’un juge.

Tout au long de ce débat, les artistes auront ainsi été doublement trompés : non seulement la loi  ne rapportera pas un euro de plus à la création, mais en plus elle risque de ne jamais être mise en oeuvre.

C’est pourquoi le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre cette loi d’exception et d’intimidation.