Proposition de loi relative à la fracture numérique – Motion de renvoi en commission
La proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique que nous examinons aujourd’hui est désormais un texte bien éloigné de celui rédigé par notre collègue sénateur Xavier PINTAT, par ailleurs Président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui avait initialement pour seul objectif le déploiement de l’internet à très haut débit.
Xavier PINTAT a, en effet, déposé une proposition de loi qui partait du postulat que – je cite- « le très haut débit va faire figure, comme l’électricité, de service vital rendant insupportable toute fracture territoriale dans ce domaine ». Ce n’est pas le groupe SRC dont les membres ont, durant de longs mois, combattu le funeste projet du gouvernement visant à couper l’accès à internet de nos concitoyens par tous moyens et initialement, rappelons-le, par une simple autorité administrative qui donneront tort à notre collègue sénateur, même si, nous n’avons jusqu’alors jamais osé qualifier Internet, « de service vital ».
Passons sur le choix des termes et restons sur les objectifs que nous jugeons essentiels.
Si plus de 18 millions de nos concitoyens sont abonnés à l’heure actuelle à Internet à Haut débit, un constat s’impose malheureusement : une grande diversité affecte les services offerts localement, selon la bande passante dont disposent les internautes, selon qu’ils peuvent choisir ou non entre plusieurs opérateurs de services. Cette disparité affecte évidemment les particuliers et devient insupportable pour les entreprises qui, ayant en général des fichiers importants à s’échanger, sont tentées de délaisser les zones pauvrement desservies, faute de pouvoir s’y développer.
C’est ainsi que ce que l’on appelle communément le fossé ou la fracture numérique revêt différentes formes et concerne à la fois l’accès, l’usage et le contenu. Au fil du temps et du développement des technologies, on constate hélas que de nouvelles disparités apparaissent alors même que les précédentes ne sont pas résorbées.
C’est pourquoi nous considérons pour lutter contre la désertification et permettre aux communes rurales d’être attrayantes pour accueillir de nouvelles familles et des activités économiques, mais aussi pour garantir l’universalité d’accès aux contenus, qu’il est indispensable que l’État prenne en charge la mise en place du haut débit sur l’ensemble du territoire, c’est-à-dire partout où subsistent des zones d’ombre, dans la même démarche que pour la téléphonie fixe, en l’incluant dans le service universel.
Mais au-delà de la question du haut débit, cette proposition de loi visait à l’origine à donner à notre pays des objectifs ambitieux visant à mettre fin à ces inégalités, à ne pas en créer d’autres ou à les accroître dans les années à venir, en développant dès maintenant une politique volontariste de déploiement de l’accès au très haut débit.
Le développement du haut débit reste naturellement, pour ceux qui en sont exclus, une priorité. Mais nous devons d’ores et déjà penser à l’avenir et viser dès aujourd’hui le très haut débit. C’est fondamental. Cela suppose de veiller au déploiement des réseaux qui permettent son développement et notamment des réseaux de fibre optique. Le rapport Attali soulignait déjà que : « le déploiement d’une nouvelle génération d’infrastructures fondée sur la fibre optique sera l’un des plus grands chantiers des années à venir ». Quant à notre rapporteure au fond sur ce texte, elle mentionne les études disponibles en la matière qui évaluent le coût nécessaire pour combler le retard français et fibrer la majeure partie du territoire à 40 milliards d’euros.
De fait, la France est à la traîne en la matière. L’ARCEP a mis en place, en avril 2009, un premier tableau de bord du très haut débit fixe permettant de suivre l’état du déploiement de la fibre sur le territoire, l’utilisation des offres de gros de génie civil de France Télécom et la mise en œuvre de la mutualisation des réseaux en fibre optique jusqu’aux abonnés par l’ensemble des opérateurs. Si développement il y a, force est de constater qu’il est très localisé.
Le nombre d’abonnements à un service très haut débit progresse aussi mais est encore limité. Fin juin 2009, le nombre total de ces abonnements, tous opérateurs et toutes technologies confondues, s’élevait à plus de 230.000, dont plus de 50 000 aux offres très haut débit en fibre optique jusqu’aux abonnés, soit 25% de croissance depuis le 1er janvier 2009 ; et environ 180 000 aux offres très haut débit en fibre optique avec terminaison en câble coaxial, soit 38 % de croissance en six mois.
Cet accès est de fait réservé à un trop petit nombre de nos concitoyens, alors même que de nouveaux usages se développent à grande vitesse et que les potentialités offertes nécessiteront très rapidement l’accès à un réseau leur donnant la rapidité de transfert adéquate.
Le très haut débit est d’ores et déjà indispensable pour de nombreuses entreprises qui interconnectent les systèmes informatiques de leurs différents sites ou qui ont des besoins de communications performantes avec leurs clients ou leurs donneurs d’ordre. Au-delà, pour les ménages, la généralisation de la Haute Définition pour la télévision et la vidéo créera une demande en très haut débit. Ainsi, l’équipement croissant des foyers en équipements participant aux communications électroniques comme le PC, la télévision, les consoles de jeux, les caméscopes, les stockages numériques et de fait la multiplication des cas de simultanéité d’usages dans un même foyer, amèneront nos concitoyens à avoir besoin du très haut débit.
Et puis, nous le savons bien, les services fournis à l’internaute vont s’adapter à l’existence du très haut débit, entraînant par la suite de nouveaux usages et ainsi de suite. Depuis des années déjà nous voyons à quelle allure les nouvelles technologies se développent et les usages évoluent.
C’est la raison pour laquelle nous devons anticiper pour ne pas créer une fracture entre ceux qui pourront bénéficier des réseaux de fibre optique et les autres. Il est nécessaire de développer au maximum la fibre optique tout en déterminant, parallèlement, les zones d’ores et déjà les moins bien desservies en haut débit pour lesquelles nous savons que la fibre ne sera pas une solution afin qu’elles puissent bénéficier de solutions alternatives. L’Assemblée des Régions de France, a publié une étude, fin 2008, montrant que si nous n’agissons pas maintenant, 60% de la population française sera exclue du très haut débit en 2020.
En ce qui concerne la fibre optique, si ce texte permet notamment de donner un cadre juridique pour le déploiement en zone dense (ce qui concerne 5 millions de foyers), il ne règle, en aucun cas, les problèmes de disparité géographique. Et, naturellement, nous savons que nombre de travaux d’aménagement numérique ne seront pas réalisés par les opérateurs pour des raisons de rentabilité. Afin d’y pallier, la proposition de loi initiale créait un fonds d’aménagement numérique du territoire destiné à financer ces travaux. Mais, depuis son passage en commission au Sénat, ce fonds s’est vu amputé de tout financement. Il nous est désormais seulement indiqué qu’il sera financé par des aides dont le montant sera déterminé par arrêté ministériel !
Nous considérons qu’il est extravagant de créer un fonds sans savoir de quelle manière il va être alimenté. Notre collègue François Brottes s’en est ému en commission des affaires économiques et la réponse qui lui a été apportée par le Président Ollier laisse notre groupe sans voix. Je le cite : « après la deuxième lecture au Sénat, si le fonds n’est pas abondé, nous le supprimerons en commission mixte paritaire. Il est pour l’instant créé dans l’espoir d’un abondement ».
Mes chers collègues, ce n’est pas sérieux. Si le travail en commission a permis, ces dernières semaines, d’avancer sur un certain nombre de points, force est de constater qu’il est encore loin d’être achevé.
Car la question fondamentale reste évidemment celle des moyens et c’est justement celle qui demeure sans réponse. Attendez les arbitrages du grand emprunt, nous dit-on, ou encore attendez les déclarations du Président de la République au mois de décembre. Vu la manière dont Nicolas Sarkozy s’exprime dès qu’il s’agit d’Internet, le considérant comme une menace permanente, on ne peut qu’être saisi par le doute. En fait, il faudrait que le Président de la République pense moins à ce nouveau média qui l’obsède d’autant plus qu’il ne le maîtrise pas qu’aux enjeux qui sont ceux de l’économie numérique, pour comprendre que les infrastructures numériques sont fondamentales et que, de fait, leur développement se doit d’être une priorité budgétaire.
En ce qui concerne l’avenir de ces réseaux à haut et très haut débit vous avez été amenée, Madame la rapporteure au fond, à introduire un article 10 visant à ce qu’un rapport soit rendu par le Gouvernement au Parlement sur la question essentielle de la neutralité du net. La neutralité du réseau, c’est, en effet, le principe qui veut que les fournisseurs d’accès à Internet se contentent d’acheminer les données sans discrimination, ni d’origine, ni de destination, ni de nature, et donc sans en altérer le contenu. Le sujet est amené dans les mois et les années à venir, comme il l’est déjà au Etats-Unis, à prendre une place considérable dans le débat public. Il faut l’anticiper et avoir pleinement conscience des conséquences des choix qui seront faits en la matière. L’Arcep a d’ores et déjà engagé une réflexion sur le degré d’ingérence des opérateurs dans les contenus, sur la solidité du trafic et sur le partage de la valeur. C’est une bonne chose. Nous serons particulièrement vigilants sur cette question.
D’une manière générale, vous l’avez compris, nous considérons que les dispositions de ce texte visant « à prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit », non seulement ne sont pas à la hauteur des enjeux mais surtout nous laisse à cette heure dans un flou le plus total sur les modalités pratiques et financières d’y parvenir. C’est pourquoi il nous semble indispensable de renvoyer ce texte en commission.
Un autre motif tout aussi sérieux de renvoi en commission nous est fourni par les dispositions de ce qui est désormais le titre I du texte. En effet, à l’occasion du débat au Sénat, le texte initial vous a servi, Madame la Ministre, bien aidée en cela par le rapporteur de la Commission de l’Economie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire Bruno Retailleau, de véhicule législatif. Ainsi, une première partie préalable a été insérée, intitulée « faciliter la transition vers la télévision numérique », titre particulièrement adapté tant, effectivement, cette transition se doit d’être facilitée alors que la situation est beaucoup moins maîtrisée que vous voulez le faire croire.
Le débat s’est donc engagé sur la question du basculement vers la télévision numérique terrestre prévu au 30 novembre 2011. Et, constatons-le, de légitimes et fortes inquiétudes se sont largement manifestées. Le Gouvernement, ne cachant parfois pas son agacement, a vainement tenté de calmer la grogne. Mais comment convaincre quand, dans la réalité des choses, ce qui devrait être un progrès risque in fine d’être synonyme de régression pour nombre de nos concitoyens.
Quelle a été, en effet, notre stupeur en découvrant les objectifs de couverture en TNT poursuivis par ce texte!
Rappelons au préalable que la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, s’est fixé comme but de rendre accessible la télévision numérique par voie hertzienne terrestre à 95% de la population du territoire. La loi a, par ailleurs, confié au CSA le soin de fixer les modalités permettant d’atteindre ces objectifs de couverture en TNT.
Or, dans les dispositions qui ont été introduites dans cette proposition de loi, il est désormais question dans l’article 1er BA de donner compétence au CSA non pas pour atteindre cet objectif mais pour assurer une couverture minimale de la population par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans chaque département. Cet article consiste, nous dit-on, à donner une assise législative au correctif départemental de 91% ajouté par le CSA dans ses prescriptions à l’objectif global de couverture de 95% de la population. Comment ne pas y voir une régression manifeste!
Se contenter d’une couverture minimale après l’extinction de la diffusion analogique accroitra encore les inégalités entre les territoires, ce qui va à l’encontre de l’objectif affiché par la loi actuellement en vigueur et par l’intitulé même de la proposition de loi dont nous débattons.
Aujourd’hui, la diffusion analogique couvre de 98 % à 99 % de la population avec environ 3 500 points d’émission et de réémission. Or, les 1 626 émetteurs ou réémetteurs retenus par le CSA pour la diffusion en mode numérique, nous le savons, ne permettront pas de couvrir le même pourcentage de la population que ceux en mode analogique et la conversion au numérique d’un plus grand nombre d’émetteurs n’a pas été retenue, principalement pour une raison de coût. Nous aurions d’ailleurs souhaité que ce coût soit précisé. Le CSA a indiqué qu’il n’était pas supportable par les chaines mais aucun chiffrage ne nous a encore été apporté. Or, il est indéniable que le coût de diffusion numérique pour les chaînes sera considérablement diminué par rapport à celui de la diffusion analogique. Il eût été de fait utile pour notre débat, de connaître le coût global de l’équipement numérique des pylônes existants que nous aurions pu comparer au nouveau coût de diffusion des chaînes.
De fait, nous demandons le maintien de la couverture par voie hertzienne en mode numérique de 95 % au moins de la population de chaque département ainsi qu’une péréquation entre les départements afin d’éviter que dans certains d’entre eux, le taux de couverture ne tombe à 90 %.
Nous saluons, à cet égard, l’initiative de nos collègues sénateurs socialistes qui ont introduit l’article 1er CA visant à ce que les maires des communes qui sont actuellement couvertes par des émetteurs de télévision en analogique, mais qui ne le seront pas en mode numérique terrestre, soient directement informés par le CSA afin qu’ils puissent alerter leurs administrés, évaluer les conséquences qui en découleront et élaborer une stratégie pour faire des choix en amont afin d’assurer une couverture numérique de leur commune par d’autres technologies. Il serait, dans le même ordre d’idées, également plus qu’utile que le CSA fournisse, à la demande des Conseils généraux et régionaux, les éléments de calcul des zones de service et les cartes qui correspondent aux obligations de couverture départementale en mode numérique terrestre, au moins un an avant la date d’extinction de la diffusion analogique.
Ces données permettraient, en effet, en particulier dans les zones de service, multiplex par multiplex, d’identifier les populations effectivement desservies à l’intérieur des zones couvertes, une fois déduites les éventuelles zones d’ombres.
Au-delà du fait que les responsables des collectivités territoriales soient, au minimum, informés de la situation à laquelle ils vont être confrontés et ce, le plus en amont possible, il reste qu’ils sont avant tout en attente de solutions et d’aide plus encore que d’informations.
Face à cette inquiétude des élus locaux, le gouvernement et le CSA ont, pour toute réponse, accusé le PDG de TDF de les avoir faussement affolés en déclarant notamment que 300 émetteurs supplémentaires à ce qui est actuellement prévu, seraient nécessaires pour atteindre l’objectif des 95% de couverture. Vous avez, vous-même, Madame la Ministre, dénoncé sèchement les chiffres qui avaient été donnés par la société TDF concernant le nombre de foyers risquant l’écran noir. Soit. Mais, Madame la Ministre, êtes vous de fait en mesure de nous dire quels sont les chiffres exacts?
Le 21 octobre dernier, devant la commission des affaires économiques de notre Assemblée, Alain Méar, membre du collège du CSA, indiquait que 500 000 foyers se retrouveraient sans télévision en 2011. TDF, de son côté, l’estimait alors à plus d’un million. Notre collègue Jean Dionis du Séjour rappelait quant à lui que pour son département le Lot et Garonne une couverture de 73% était annoncée alors qu’actuellement elle est de 91% pour la diffusion analogique. L’écart n’est pas anodin.
Le risque d’écran noir fait légitimement peur dans nombre de territoires. Il sera, nous le savons, non négligeable dans les zones montagneuses, maritimes et frontalières…
Et n’oublions pas qu’avec la TNT, il n’y aura plus de zones où, comme avec la diffusion analogique, l’image sera reçue mais de mauvaise qualité. Avec la TNT, c’est beaucoup plus radical : soit l’image est nette, soit elle n’existe pas et c’est l’écran noir.
La fin de la télévision analogique étant prévue au 30 novembre 2011, il est plus que temps d’apporter des réponses claires. Or, en raccrochant à cette proposition de loi une partie sur la TNT, en précipitant la discussion sans que la représentation nationale ait les éléments lui permettant de travailler correctement, le Gouvernement a lui-même alimenté le doute.
Il a ainsi fallu que nos collègues de la commission des affaires économiques suspendent leurs travaux et exigent une audition du CSA pour tenter d’obtenir des réponses à leurs interrogations. Ce n’est pas sérieux. Le travail n’a pu être correctement effectué et, sur un sujet qui n’est pas mineur, nous jugeons qu’il doit être poursuivi en commission. Car, à cette heure, les réponses aux nombreuses questions posées ne sont pas satisfaisantes.
En effet, pour éviter le risque de l’écran noir, plusieurs solutions sont avancées. Le CSA a ainsi indiqué que la suppression des 2.074 pylônes TDF, dans les zones d’ombre, serait en partie compensée par le doublement de la puissance des émetteurs. C’est aussi ce que préconise notre rapporteure au fond qui considère, je cite « qu’il paraît opportun d’accroître la puissance des émetteurs numériques. » Cet accroissement pourra sans doute faire gagner un peu de surface terrestre mais pas autant que nécessaire et surtout pas autant qu’annoncé. Il sera ainsi inévitablement nécessaire de maintenir des pylônes supplémentaires dans les zones difficiles. Car, dans les zones de montagne, la puissance des émetteurs ne règle pas tous les problèmes. Vous pourrez augmenter la puissance des émetteurs tant que vous voudrez, les ondes ne pourront jamais traverser les montagnes… Et pour en revenir à la question précédente et au haut débit, certaines vallées qui étaient auparavant desservies par des pylônes ne pourront pas, si on les démantèle, recevoir le haut débit et le satellite ne leur permettra pas d’accéder à Internet.
Aussi, est-il préconisé d’équiper en parabole les foyers qui ne seraient pas desservis par le numérique hertzien, quitte à les aider en subventionnant leur équipement. Dans certains départements, le taux d’équipement en parabole peut être significatif mais, en ce qui concerne les zones de montagne, ce ne peut être une solution, notamment en raison de l’inadaptation des paraboles aux conditions climatiques de ces zones. Au-delà, si le choix de la parabole est privilégié, les foyers situés dans les zones d’ombre ne pourront bénéficier de trois innovations technologiques à venir. En effet, en débranchant les pylônes TDF, on privera des zones entières de la télévision mobile personnelle (TMP), de la radio numérique terrestre (RNT) et surtout du très haut débit terrestre… Nous le disons encore une fois, gardons-nous de créer de nouvelles fractures numériques.
Il est à noter, par ailleurs, qu’en ce qui concerne l’aide financière apportée pour l’installation d’une parabole, l’Etat dit qu’il sera généreux. A cette heure, cette aide n’est pas conditionnée. Par contre, l’aide à l’équipement ou l’aide à l’antenne ont été réservées aux foyers exonérés de la redevance audiovisuelle et sous conditions de ressources. Parallèlement, le groupement d’intérêt public France Télé Numérique, organisme réunissant l’Etat et les chaînes de télévision, également connu sous l’appellation « Tous au numérique », propose aussi une aide technique. Philippe Levrier, ex-président de France Télé Numérique expliquait il y a peu : « Notre rôle consiste à informer, expliquer, assister certains publics, notamment les personnes âgées et/ou souffrant de handicap, et à apporter une aide financière et technique. Il existe également un programme de collaboration avec les élus, déployé région par région ».
Cette disponibilité a été bien mal récompensée puisqu’au moment même où le basculement vers le tout numérique commence et que vous nous proposez, par ce texte, d’assouplir la gouvernance du GIP France Télé Numérique en créant deux postes distincts de Président et de Directeur Général, Monsieur Levrier vient d’être remplacé par Louis de Broissia.
Pour revenir à la question des aides financières, comment ne pas rappeler, à ce moment du débat, que deux d’entre elles ne sont accessibles qu’aux foyers exonérés du paiement de la redevance audiovisuelle. Or, à l’occasion du passage du RMI au RSA, nombre de nos concitoyens qui étaient préalablement bénéficiaires du RMI et donc exonérés de la redevance audiovisuelle, vont devoir désormais s’en acquitter du fait de leur passage au RSA. Ainsi, selon les chiffres communiqués par Martin Hirsch lui-même, un bénéficiaire du RMI qui gagnait 200 euros par mois en travaillant à temps partiel, ne payait ni taxe d’habitation ni redevance. Désormais, un bénéficiaire du RSA qui gagne 200 euros en travaillant à temps partiel, paiera sa taxe d’habitation et sa redevance audiovisuelle. Il sera, de fait, inéligible aux deux aides annoncées.
Dans un autre domaine, nous ne comprenons pas que, sous prétexte de « simplification administrative », une disposition de ce texte supprime une nouvelle consultation publique préalable à l’attribution des fréquences lorsque le CSA a déjà organisé une consultation publique dans la zone géographique considérée en vue du lancement d’un appel à candidatures pour des services de radio et de télévision.
En effet, la loi de 1986 relative à la liberté de communication dispose que le CSA doit procéder à des consultations publiques lorsque des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur le paysage radiophonique ou de modifier de façon importante le marché en cause. La jurisprudence administrative interdit au CSA lorsque certaines fréquences n’ont pas été attribuées suite à un appel d’offres, à les laisser en jachère. Le CSA se trouve alors dans l’obligation de procéder à un nouvel appel d’offres et, préalablement, à une nouvelle consultation publique. Le but de cette rédaction, nous dit-on, serait la poursuite d’une simplification pour répondre à ce problème.
Mais, d’une part, le terme choisi laisse la porte ouverte à l’organisation de consultations publiques seulement nationales préalablement à des appels à candidature locaux. D’autre part, l’absence de terme temporel mis à la dispense offre au CSA la possibilité de ne pas organiser à nouveau de consultations pour l’attribution de fréquences radioélectriques, même des années après la dernière consultation.
Aussi, faudrait-il à minima restreindre la dispense à deux cas précis qui apparaissent entièrement légitimes : premièrement, lorsque le CSA retire des fréquences : soit lorsque le titulaire de ces fréquences les restitue ou fait l’objet d’une liquidation judiciaire, soit lorsque le retrait de l’autorisation constitue une sanction ; deuxièmement, lorsque le CSA organise à nouveau un appel à candidatures peu de temps après avoir organisé une consultation sur un territoire semblable et pour les mêmes services.
A défaut de cette modification, nous considérons que la suppression des consultations locales préalables aux appels à candidature sera nuisible au pluralisme.
Mes chers collègues, en résumé, ce texte fait l’objet de bien trop d’approximations en ce qui concerne le passage au numérique et de bien trop peu d’ambition sur la question fondamentale du développement du très haut débit.
L’accès à la télévision par nos concitoyens ne peut être traité avec autant de légèreté. Quant au développement du très haut débit, il touche à l’enjeu essentiel de l’aménagement du territoire et devrait, à ce titre, faire l’objet d’un débat d’une autre nature. Les collectivités territoriales qui, elles, ont compris les enjeux et savent qu’il est vital d’avancer vite en la matière, méritent mieux que des objectifs flous et non financés.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, en votant cette motion de renvoi en commission, vous aurez le réflexe républicain de marquer votre attachement indéfectible à l’égalité des territoires.