Débat sur l’avenir de l’AP-HP

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

 

Une crise profonde mine l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris depuis des mois. Après la loi HPST dont il faut rappeler les conséquences funestes sur le service public de santé, des annonces brutales – d’abord de suppressions de postes – ont réactivé les pires craintes des personnels, des patients et de la population sur le devenir de l’AP-HP.

 

Ce climat de défiance rendait totalement indispensable la tenue d’un débat dans cette enceinte d’autant plus quand les contradictions au sein du Groupe UMP, nous venons de le constater, sont aussi flagrantes. Merci à vous, Monsieur le Maire, d’avoir donc pris l’initiative de ce débat. Je voudrais aussi dire combien les auditions – menées avec la plus grande acuité par Jean-Marie LE GUEN – ont permis de nous éclairer, élus de la majorité comme de l’opposition, sur les raisons de cette grave crise que révèle tout particulièrement la souffrance au travail des personnels qui, je crois pouvoir le dire, nous a tous frappés.

 

Cette crise, chers collègues, est, au sens propre, politique, car  elle révèle les impasses de la gouvernance actuelle de l’AP-HP. Les annonces succèdent aux annonces sans que personne ne veuille en expliquer le sens. Ce chaos est, de fait, inacceptable.

 

Ainsi, annoncer, sans aucune concertation, des milliers de suppressions de postes dans les quatre années à venir, heurte, au-delà de notre ferme volonté de combattre cette saignée qui ne serait nullement thérapeutique, notre conception du dialogue démocratique. Les mobilisations ou les protestations qui en résultent et qui expriment une vive inquiétude sont donc, à nos yeux, totalement légitimes. C’est pourquoi nous les soutenons, nous y participons et nous leurs donnons voix dans ce débat.

 

Mais, pire encore, certaines décisions sont prises à l’emporte pièce sans le moindre respect des patients. A cet égard, l’audition du Collectif Inter associatif sur le VIH a été révélatrice. Que des malades du SIDA, donc bénéficiant de thérapies et d’un suivi médical particulièrement personnalisés, puissent être ainsi transférées, en quelques mois, d’un hôpital à un autre, puis encore dans un troisième, ne peut que soulever notre indignation.

 

Le Gouvernement et l’Autorité Régionale de Santé (ARS) doivent donc rétablir la confiance sans laquelle rien ne sera possible. A cet égard, il faut obtenir des autorités publiques que la modernisation de l’AP-HP ne remette pas en cause son unité et prenne pleinement en compte les spécificités qui sont les siennes.

 

D’abord, son ancrage sur un territoire, la métropole parisienne, dont les caractéristiques démographiques et socio-économiques expliquent et justifient sa mission de proximité. Il apparaît indispensable de maintenir et même, en temps de crise, de renforcer sa fonction sociale. L’Assistance publique, par vocation et nécessité, doit demeurer un centre de soins de premier recours, ne serait-ce que parce qu’elle l’est déjà.

 

Un seul exemple ; je laisserai à Karen TAIEB le soin d’évoquer l’Hôpital Trousseau ; l’annonce – encore une ! – de la suppression éventuelle de la maternité de l’hôpital Saint-Antoine a soulevé une légitime émotion au sein de la population du 11e arrondissement. Comment ne pas entendre et comprendre cette réaction ? Comment ne pas saisir, en effet, que cette éventualité pose la question de l’accès rapide à une maternité de premier niveau dans des quartiers parisiens jeunes et populaires ? De manière plus globale, ce plan qu’on nous présente, on le dit stratégique ; il n’est pourtant qu’aveuglement. En effet, il ignore ainsi totalement la diminution de l’offre de soins en médecine de ville, accessible à tous, dans le nord et l’est parisiens.

 

Ce plan, par ailleurs, met l’AP-HP à découvert face à ceux qui – pour certains, depuis longtemps – ne désarment pas dans leur combat pour la démembrer, espérant ainsi vivre une sorte de nuit du 4 août de l’hôpital public en France ! Le 31 mars dernier, la publication du rapport de la Chambre régionale des comptes a été ainsi le prétexte aussitôt saisi, le jour même à l’Assemblée nationale, pour faire souffler le vent de l’anti-parisianisme. L’occasion était, en effet, trop belle de pourfendre, une nouvelle fois, le « monstre » AP-HP pour reprendre la sidérante formule d’un député de la majorité.

 

Non, l’AP-HP n’est pas seulement, loin s’en faut,  « l’hôpital des Parisiens ou même, ce qui serait déjà moins caricatural, des Franciliens ». C’est, aussi, le premier CHU d’Europe, un lieu d’excellence et d’innovation qui permet à la médecine française d’obtenir une reconnaissance internationale. Sans l’AP-HP, la recherche médicale n’aurait pas connu autant de succès et l’enseignement de la médecine n’aurait pas atteint ce niveau de performance.

 

La modernisation de l’AP-HP, du fait de sa dimension, de ses missions, de son rôle dans la médecine française et au-delà, constitue donc une question politique essentielle. Y répondre, c’est naturellement s’interroger sur la qualité de la prise en charge sanitaire de la population française dans les années qui viennent. C’est considérer l’avenir du service public de santé sur le territoire de la métropole parisienne, mais aussi dans notre pays.

 

Au fond, l’enjeu majeur, cela n’est pas de savoir si le mouvement, si la modernisation de l’AP-HP est nécessaire. Elle l’est. Car les innovations technologiques comme thérapeutiques impliquent une évolution de la quantité et de la qualité des soins, de notre système de santé et de son organisation. L’enjeu majeur, chers collègues, c’est de savoir selon quels critères prioritaires cette transformation se réalise.

 

Et, il existe au moins un critère auquel nous devrions tous adhérer, c’est celui du service rendu à la population. Mais, cela implique de poser un certain nombre d’exigences fortes. Exigences en terme de méthode, exigences en terme de moyens humains et d’investissement financier sur le moyen et le long terme. L’hôpital public et, ce qui en constitue le cœur, l’AP-HP, mérite plus que jamais, pour continuer à battre, qu’on lui procure la force suffisante, pour le bien de tous. Car la santé, chers collègues, est un bien public et c’est aussi le plus grand bien de chacun d’entre nous.