Réforme des collectivités territoriales – discussion générale

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes Chers Collègues,

Depuis plusieurs semaines, dans toute la France, les acteurs culturels se mobilisent pour défendre l’art et la culture contre la réforme des collectivités territoriales dont nous débattons aujourd’hui mais aussi contre  la révision générale des politiques publiques.

Avec ce projet de loi, nous assistons, en effet,t à une remise en cause brutale de la décentralisation culturelle qui, depuis trente ans dans la foulée de la décentralisation théâtrale,  fait rimer, dans notre pays, développement des territoires et création d’emplois. Entre la suppression de la taxe professionnelle et la non-compensation par l’État des charges qu’il transfère, le Gouvernement porte un coup fatal au financement public de la culture, actuellement assuré, je le rappelle, à 70% par les communes, les départements et les régions . Il provoque une inquiétude qu’ont exprimée avec force les 31 000 signataires de la pétition lancée par Claude Bartolone et Jack Ralite (à partir de la Seine-Saint-Denis.

Il faut bien comprendre que le coup porté est à double détente : remise en cause de la clause de compétence générale d’un côté; asphyxie budgétaire de l’autre.

En ce qui concerne la clause de compétence générale, le texte du Gouvernement modifié par le Sénat prévoyait la promulgation dans un délai de 12 mois d’une loi précisant la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements entre les collectivités territoriales.

Mais l’article 35 a été intégralement réécrit la semaine dernière par la Commission des lois de notre Assemblée afin d’inscrire d’ores et déjà dans le Code général des collectivités territoriales une ébauche de répartition des compétences exclusives des régions et départements.

Nous considérons que c’est une erreur et que les collectivités territoriales doivent continuer de disposer de la clause de compétence générale. Celle-ci leur permet, en effet, d’adapter les politiques locales à la spécificité des territoires et de prendre en charge des problématiques émergentes afin de mieux répondre aux besoins des citoyens.

Le ministre de la Culture ne cesse de prétendre que les régions et les départements pourront continuer à financer ou à cofinancer la culture dans notre pays. Il est, de fait, nécessaire de l’écrire clairement et simplement dans la loi, sans paraphrase ni formule qui prête à confusion. A cet égard, le texte issu de l’examen en commission, amendé par le rapporteur et permettant une compétence partagée entre communes, départements et régions en matière , je cite, de « création artistique  » et « de patrimoine » n’a pas vraiment rassuré. Cette rédaction crée, en effet, une grande incertitude tant les notions évoquées sont floues. La diffusion est elle concernée par cette formulation ? L’aide des collectivités territoriales à la numérisation des salles, sujet ô combien d’actualité, sera-t-elle possible? Outre l’insécurité juridique qui en découle, force est de constater que cette rédaction évasive laisse entrevoir de graves risques d’inégalités territoriales, les collectivités territoriales pouvant interpréter les notions de « création artistique » et de « patrimoine » de manière très différente. Il nous semble de fait nécessaire, comme notre groupe le propose, de remplacer ces formulations par le mot générique de « culture » qui seul permettra de lever toutes les ambiguïtés.

Parallèlement, départements et régions, obligés de financer d’abord leurs compétences obligatoires risquent, dans une situation budgétaire extrêmement tendue, de ne plus pouvoir assurer le financement de leurs politiques culturelles.

A court terme, cet étranglement budgétaire risque d’entraîner la disparition de nombreux festivals, compagnies, lieux d’art et de spectacles. Car ne l’oublions pas, c’est toute une économie nationale et locale, tout un maillage culturel de notre territoire qui peut être ainsi amené à disparaître.

Dans le même temps, la révision générale des politiques publiques dite RGPP agit tel un rouleau compresseur. Sous couvert de modernité et d’efficacité, elle restreint fortement les capacités artistiques des structures culturelles.

L’intention clairement exprimée par le Premier ministre d’aller encore plus loin dans cette voie, avec la RGPP2, en élaborant des propositions « ambitieuses, innovantes, sans a priori ni tabou » – ce sont ses termes – fait froid dans le dos. Pour le Gouvernement en effet, ambition rime avec régression, et innovation avec précarisation !

Nous ne pouvons enfin que nous inquiéter de la nouvelle lettre de cadrage envoyée par le Premier ministre aux ministères visant à réduire de 10% en valeur, les dépenses d’intervention sur la période 2011-2013. Nous craignons pour l’avenir des politiques culturelles dans notre pays et nous regrettons que s’effrite progressivement le socle sur lequel se sont construits les grands équilibres en matière d’intervention publique.

A l’instar de la lettre de mission adressée par Nicolas Sarkozy à Christine Albanel il y a bientôt trois ans, c’est tout un consensus national sur l’effort public en faveur de la culture qui explose, alors qu’il avait su résister à toutes les alternances depuis André Malraux et la création du Ministère de la Culture, il y a un demi-siècle.

C’est pour toutes ces raisons que nous considérons qu’aujourd’hui en France, la culture est en danger.