Article 4 du projet de loi LOPPSI

 

 

Je vais expliquer pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s’oppose à cet article.

 

Pour que notre débat puisse se développer dans les meilleures conditions, il faut d’abord parler de la réalité. À cet égard, on ne peut pas entendre à nouveau dans cet hémicycle, en seconde lecture, ce que l’on avait déjà entendu en première lecture, à savoir qu’en un ou deux clics l’internaute tomberait sur des sites pédopornographiques. Ce n’est pas la réalité, et fort heureusement. S’agissant de la protection de l’enfance, qui nous réunit évidemment tous, il faut rappeler que les victimes sont moins nos enfants derrière leur terminal que les enfants victimes des pédopornographes, qui, dans des conditions d’une extrême violence, sont photographiés et filmés pour alimenter la diffusion de sites évidemment illégaux. C’est de cela qu’il s’agit.

Or ce qui nous gêne dans cet article, c’est que l’on ne parle pas des victimes ni des auteurs, de ceux qui fabriquent ces images et ces films. C’est eux qu’il faut traquer, ainsi que les éditeurs, c’est-à-dire ceux qui produisent les contenus. De plus, une association de protection de l’enfance, l’Ange Bleu, qui lutte contre les réseaux pédophiles, a résumé d’une phrase la réalité de cet article : « La protection de l’enfance, cheval de Troie du filtrage généralisé de l’internet ». C’est la formule qui résume le mieux les raisons de notre réticence. Voilà la réalité de l’article 4. Ses conséquences seraient funestes pour plusieurs raisons.

La première raison, c’est qu’il bouleverserait le régime de responsabilité entre les éditeurs, les hébergeurs et les fournisseurs d’accès tel qu’il a été établi par la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004.

Et puis les dispositions proposées pousseraient les auteurs de sites pédopornographiques à utiliser l’anonymisation et le cryptage, ce qui rendrait la lutte contre la diffusion sur internet de leurs images encore plus difficile.

Troisième motif que je souhaite mettre en avant : on ne peut pas tenir de grands discours favorables à la neutralité des réseaux tout en faisant porter la responsabilité sur les hébergeurs et sur les fournisseurs d’accès, ce qui les amènerait, pour se protéger et ne prendre aucun risque, à adopter une logique d’autocensure.

Ultime observation : de manière fort opportune, l’Assemblée nationale, en première lecture, avait adopté un amendement qui prévoyait que seule l’autorité judiciaire pouvait ordonner le filtrage. Nous entendions ainsi modérer les effets de ce mauvais article, avec à l’esprit la censure historique du Conseil constitutionnel, en juin 2009, à propos de la loi HADOPI 1, décision dans laquelle il a indiqué qu’au nom de la liberté de la communication et de la liberté d’expression, une haute autorité administrative ne peut couper l’accès à internet ni empêcher l’accès à des sites.

Nous sommes donc face à des dispositions dont nous pouvons parier qu’elles seront jugées anticonstitutionnelles le moment venu. C’est la raison pour laquelle je souhaitais appeler l’attention du Gouvernement et de l’Assemblée sur ce mauvais article qui, au nom d’une noble cause, passe à côté des objectifs qu’il est censé poursuivre.