Adaptation au droit de l’Union européenne – Discussion générale

 

 

Madame la présidente,
madame la secrétaire d’État,
monsieur le ministre,

 

en donnant mon explication de vote sur la motion de procédure excellemment défendue par Christophe Caresche, j’ai déjà abordé certains points sur lesquels je reviendrai au cours de la discussion des articles. Toutefois, le temps m’ayant manqué précédemment, je ne peux m’empêcher de continuer de répondre au ministre Besson pour réfuter les arguments qu’il invoque pour justifier le dépôt de ce bien mauvais amendement visant à remettre en cause l’indépendance de l’ARCEP.

 

Corinne Erhel vient de développer des arguments et vous, monsieur le ministre, vous êtes contenté de nous dire que le commissaire du Gouvernement était innocemment, si j’ose dire, placé auprès de l’ARCEP pour des raisons de coordination. Mais il ne fait pas que cela. Avez-vous bien écouté notre collègue : s’il souhaite voir l’ARCEP traiter un sujet, à la demande du Gouvernement qu’il représente, son inscription à l’ordre du jour ne peut lui être refusée !

 

De même, s’il ne participe pas – et heureusement, parce qu’il n’y aurait alors plus d’autorité indépendante – aux délibérations du collège de l’ARCEP, il prend néanmoins part aux débats, ce qui met en cause le secret des débats, qui est tout de même au cœur du fonctionnement d’une autorité indépendante. Ne confondez pas, monsieur le ministre, débats et délibérations. Nous sommes bien placés ici pour savoir que ce n’est pas la même chose.

 

Si, jusqu’à présent, l’ARCEP fonctionnait bien, comme d’autres autorités administratives indépendantes, tel le CSA que vous voulez fusionner avec l’Agence des fréquences, c’est tout simplement parce que, contrairement à d’autres AAI, elle n’a pas de pouvoirs d’autorisation étendus. De ce fait, nous persistons à penser que c’est un mauvais coup porté à l’ARCEP. D’autant qu’il n’est pas besoin de créer de dialogue entre l’autorité et le Gouvernement : les décisions de l’une doivent être homologuées par l’autre, qui dispose en dernier ressort d’un pouvoir évident.

 

Aucune autre instance comparable à l’ARCEP au sein de l’Union européenne n’a pris une telle disposition, que ce soit en nommant un commissaire du Gouvernement ou en mettant en place un dispositif équivalent, d’où les réticences et l’inquiétude manifestées par la Commission européenne.

 

Comme il me reste peu de temps et que j’ai promis de surprendre Mme la rapporteure, j’interviendrai sur l’article 6. Je regrette amèrement que M. le ministre de la culture et de la communication ne soit pas présent ce soir au banc du Gouvernement, alors que nous allons transposer une directive «services», ancienne certes, mais qui va bouleverser et déréguler – ce qui est encore plus grave – le spectacle vivant dans notre pays.

 

Il est vrai que le spectacle vivant n’est pas, en France, un lobby aussi puissant que le cinéma qui, en quarante-huit heures, obtient un rendez-vous dans le bureau de M. Sarkozy quand ses intérêts sont menacés. Il n’a pas de pouvoir d’influence comme les sociétés de gestion collective des droits d’auteurs. Il n’empêche que, pour un secteur essentiel de notre vie culturelle, la mise en place d’un dispositif déclaratif pour les entrepreneurs de spectacles européens non français va établir une grave dérégulation.

 

La licence d’entrepreneur de spectacles a une histoire, que je connais pour avoir été rapporteur en 1997 et 1998 de la dernière réforme la concernant. Cette licence, qui est un régime d’autorisation, ne peut pas être assimilée au régime d’autorisation des autres professions libérales. Elle fonctionne sur le mode du paritarisme : les commissions qui donnent les autorisations de licence d’entrepreneur de spectacles comprennent à la fois des employeurs et des représentants des salariés. Cette caractéristique, je le rappelle fortement à cette tribune, vise à garantir un article essentiel de notre code du travail relatif à la présomption de salariat. La licence d’entrepreneur de spectacles sert avant tout à empêcher le travail illégal dans le spectacle vivant, à empêcher que des personnes puissent être employées sans que soient acquittées les charges sociales ou apportées les garanties offertes par le code du travail.

 

La transposition de la directive va créer une distorsion, une inégalité de traitement entre les entrepreneurs de spectacles établis en France, qui passeront toujours par ce régime d’autorisation, et les entrepreneurs de spectacle européens établis hors de France, qui auront seulement à se soumettre à un régime déclaratif.

 

Il y a là une contradiction avec la volonté de l’Union européenne de lutter contre la déréglementation dans le domaine culturel et contre le travail illégal. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 6.

 

Je termine en soulignant les risques que ferait courir le vote de cet article : ce serait la dérégulation du régime de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants. Or la réforme que j’ai rapportée devant notre assemblée en 1997-1998 était la conséquence des accords Cabanes sur les intermittents du spectacle. C’est un dossier brûlant sur le plan social. Vous vous souvenez tous du conflit des années 2003-2004, qui ne s’est jamais achevé et qui risque, en plus, de rebondir cette année en raison de la renégociation prévue de la convention UNEDIC. Je mets en garde le Gouvernement mais aussi nos collègues de la majorité : vous touchez là un domaine extrêmement sensible et, si vous continuez dans votre démarche, je crains que vous ne vous brûliez les doigts.