Crédits » Création » pour 2012 – Intervention en commission élargie de P. Bloche, rapporteur pour avis
Monsieur le Ministre, Chers Collègues
S’il fallait résumer la présentation et l’examen du budget de la culture sur ces dix dernières années, une formule s’imposerait spontanément : en septembre, au moment de la conférence de presse ministérielle, on chante ; en octobre, lors de la discussion parlementaire, on déchante.
Vous l’aurez compris, tant c’est la marque du quinquennat de Nicolas Sarkozy en matière de culture, la « sanctuarisation » des crédits que vous avez vantée, Monsieur le ministre, est devenue, un mois plus tard, après une lecture attentive du bleu budgétaire, le constat de leur stagnation.
Les chiffres des crédits en faveur de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation culturelle sont, à cet égard, implacables. Les crédits de la mission, hors dépenses de personnel sont censés progresser de 2,9%. Hors fonds de concours par nature aléatoires et en réintégrant les dépenses de personnel, l’augmentation n’atteint plus que 1,8% avec, rappelons-le, une hypothèse d’inflation de 1,7%. Et, si on sort l’enveloppe exceptionnelle prévue pour la réalisation de la Philharmonie de Paris, la hausse n’atteint plus que 0,18%, soit une diminution du budget de la culture en valeur.
Plus inquiétant encore, la baisse est encore plus spectaculaire s’agissant des autorisations d’engagement qui diminuent de 4%, obérant ainsi les capacités d’intervention du ministère à l’avenir.
De fait, ma première question concernera le spectacle vivant pour lequel vous avez annoncé, Monsieur le Ministre, en juillet dernier à Avignon, un plan dont les objectifs sont aussi ambitieux que les moyens qui y sont consacrés, dérisoires puisqu’avec 3,5 millions d’euros, ils représentent tout juste 0,5% du total des sommes allouées au spectacle vivant.
Vous vous trouvez de fait, Monsieur le Ministre, contraint à opérer un redéploiement de crédits au détriment des scènes et des équipes conventionnées. Ne faut-il pas craindre les conséquences de ce choix lorsqu’on sait que les compagnies conventionnées sont plus ancrées dans les territoires et développent souvent mieux le volume d’emploi artistique dans la durée ? En effet, quand elles sont privées de leur conventionnement ou que le montant de celui-ci baisse du jour au lendemain, c’est leur activité et les emplois induits qui sont mis à mal.
Par ailleurs, une mesure de redéploiment d’un genre nouveau suscite notre inquiétude. Je veux, en effet, évoquer le fait qu’une dizaine de DRAC a reçu des « mandats de révision » visant à leur faire prendre des mesures d’économie afin de rendre 6 millions d’euros à l’administration centrale. Les dégâts déjà constatés nous interpellent : Orchestre national d’Ile-de-France : – 700 000 euros sur trois ans ; centre dramatique national des Alpes : – 60 000 euros sur 2 ans ; Théâtre de la Croix Rousse à Lyon : – 100 000 euros sur 3 ans ; Scène conventionnée de Rochefort : – 50 000 euros sur 2 ans.
Monsieur le Ministre, que pouvez vous nous dire de ces annonces dont on mesure les conséquences funestes en termes d’activité comme d’emploi?
Je souhaiterais par ailleurs vous interpeller sur les crédits concernant « l’action en faveur de l’accès à la culture » qui baisseront en 2012 de 9,3%, en tenant compte des débudgétisations opérées en direction du CNC; cette baisse succédant à celle de 15,7% constatée l’année dernière.
Une fois encore, cette action sert de variable d’ajustement en dépit des objectifs affichés d’accès à la culture pour tous. Avec une baisse de 40% de ces crédits sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, se trouvent donc fragilisées toutes les actions transversales en direction des publics cible, des pratiques amateurs, de la politique de la ville, etc. N’est-ce pas, Monsieur le Ministre, en totale contradiction avec vos discours officiels?
Enfin, consacrant la deuxième partie de mon rapport au financement du cinéma et de l’audiovisuel par le biais du CNC, je souhaiterais, Monsieur le Ministre, que vous puissiez nous faire le point ce soir sur les échanges qu’en pleine crise de l’euro, le Chef de l’Etat a eu le temps d’avoir avec les professionnels du cinéma, lundi soir à l’Elysée, à la suite du vote par notre Assemblée, vendredi dernier, d’un amendement d’ailleurs combattu par l’opposition et qui a provoqué une vive émotion.
Si la réforme du taux et du barème de la TST ( Taxe sur les Services de Télévision ) visant à éviter le contournement du dispositif fiscal par certains opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d’accès à Internet, est compréhensible, ne craignez vous pas que son plafonnement et le reversement, au bénéfice du budget de l’Etat, de plusieurs dizaines de millions d’euros n’attire bien inutilement l’attention de Bruxelles? Ne risque-t-on pas de fragiliser ainsi un dispositif vertueux qui a fait ses preuves?