Clôture des Assises de l’audiovisuel organisées par la SCAM

 

Mesdames et Messieurs,

Madame la Ministre, chère Aurélie,

 

Je remercie vivement Jean-Xavier de Lestrade, président de la Scam et Hervé Rony, directeur général, d’avoir pris l’initiative d’organiser ces assises de l’audiovisuel, en partenariat avec le syndicat des agences de presse télévisée (SATEV), le syndicat des producteurs indépendants (SPI), l’union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), l’INA et L’observatoire des médias.

Je suis très honoré de l’invitation qui m’a été faite de venir clore cette journée d’échanges et de réflexions, riches et passionnants, sur autant de sujets qui me sont chers.

2012 est pour nous tous une année d’une importance particulière : année d’un changement politique évidemment mais aussi année de changements importants dans le secteur audiovisuel.

L’année est en effet riche de bouleversements qui sont autant de défis à relever pour le secteur, à commencer par la crise économique, qui continue d’impacter directement le marché publicitaire et de faire peser de lourdes incertitudes sur son évolution.

L’année 2012 est aussi marquée par de très profonds changements dans le secteur de la TNT gratuite. Le paysage audiovisuel va en effet s’élargir de 6 nouvelles chaînes gratuites en HD, ce qui va porter à 25 le nombre de chaînes gratuites de la TNT, dès le 12 décembre prochain sur 25 % du territoire. 2012 marque aussi l’arrivée du groupe Canal + dans le secteur de la télévision gratuite avec le rachat des chaînes du groupe Bolloré, direct 8 et direct Star, que le CSA vient d’autoriser sous conditions.

Au regard de son impact très important sur le marché publicitaire et sur les équilibres du paysage audiovisuel dans son ensemble, j’ai eu l’occasion de regretter la précipitation avec laquelle a été engagé en pleine période électorale le processus de lancement de ces 6 chaînes. Les jeux étant faits avant le 6 mai, c’est aujourd’hui une donnée dont nous ne pouvons que prendre acte. Le mouvement de concentration des acteurs de la TNT se poursuit donc – ce que je regrette- et si l’on peut se féliciter que 5 des 6 nouvelles chaînes HD ainsi que les chaînes D8 et D17 se voient imposer des obligations de financement de la création renforcées, nous devons être attentifs aux conséquences sur le marché publicitaire et sur la fragmentation de l’audience que peuvent engendrer ces modifications du paysage audiovisuel.

Enfin et surtout, l’année 2012 a vu se poursuivre le développement foisonnant des usages et des contenus numériques, qui met le secteur au défi de se renouveler sans cesse et dont il doit saisir les formidables opportunités tout en affrontant les concurrences qu’il peut représenter.

Dans ce contexte, je sais combien votre secteur compte sur l’accompagnement et le soutien des pouvoirs publics. Je laisserai naturellement à Aurélie Filippetti le soin de préciser les objectifs du gouvernement.

 

En tant que Président de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale, je crois que dans le contexte de crise que nous connaissons, il est nécessaire de prendre appui sur l’éducation et la culture, qui donnent du sens et créent du lien, en un mot : qui fédèrent une société menacée d’éclatement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, alors que nous venons de connaître trois années de crises financière et économique, que jamais nos salles de théâtre, de concerts, de cinéma, n’ont attiré autant de spectateurs. Jamais la production de nos œuvres n’a été si abondante et si diversifiée. Jamais l’audience médiatique n’a été aussi soutenue.

Face à ces constats, il me semble que trois grands chantiers prioritaires doivent être identifiés.

Le premier chantier est celui de la régulation.

Le Président de la République s’est engagé à réformer l’autorité de régulation de l’audiovisuel en proposant notamment une nouvelle manière de désigner ses membres. C’est cette instance renouvelée qui sera chargée de nommer les présidents des trois entreprises de l’audiovisuel public. Je crois cette étape fondamentale.  Les décisions prises par ces présidents ont depuis la loi de 2009 été entachées par un perpétuel soupçon découlant de leur mode de nomination. Il est sain d’y mettre rapidement fin.

La nouvelle autorité sera elle-même désignée de manière pluraliste afin de lui donner toutes les garanties d’une plus grande indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et d’une compétence incontestable.

Parallèlement, en août dernier, le Premier ministre a demandé au Gouvernement de réfléchir à l’opportunité d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP et de coordonner cette réflexion à celle confiée à Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle.

Le chantier ouvert par le Gouvernement, d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, ne saurait être une fin en soi. Il n’a de sens que s’il est mis au service d’objectifs et de principes clairs, et notamment du renforcement mutuel des deux secteurs, les télécoms et l’audiovisuel, et non au profit de l’un et au détriment de l’autre.

 

Un régulateur plus puissant pourra-t-il permettre à l’audiovisuel et aux télécoms de faire face de manière concertée aux géants de l’Internet ? Tel est, à mon avis, l’intérêt principal de la réflexion qui a été lancée. J’ajoute qu’il y a des sujets sur lesquels les deux autorités gagneraient sans doute à échanger davantage, comme par exemple la gestion des fréquences ou encore la neutralité du net, principe déterminant pour la préservation de la diversité culturelle et le pluralisme des médias.

Ce nouveau régulateur, qui pourrait éventuellement mettre en commun les services d’études de l’ARCEP et du CSA, doit aussi être mieux à même d’évaluer les véritables enjeux liés au développement des nouveaux usages et notamment de la télévision connectée, objet de toutes les attentions, et qui suscite le plus souvent plus d’inquiétudes que d’espoirs. Pour permettre à  l’audiovisuel de demain de se penser aujourd’hui comme l’indique la thématique de cette journée, il faut naturellement essayer au mieux de prévoir et d’anticiper les évolutions.

Mais si des convergences existent entre la régulation des réseaux et celle des contenus,  les deux instances actuelles ont aussi des missions très spécifiques. C’est pourquoi, pour alimenter les réflexions sur cette question, il me semble nécessaire d’envisager de préserver, a minima, au sein d’un collège séparé, les spécificités de la régulation des contenus audiovisuels.

 

Le deuxième chantier qui me paraît essentiel est d’offrir une nouvelle ambition au service public, dont chacun connaît le rôle pour le financement de la création. J’y suis particulièrement attentif à double titre : naturellement en tant que Président de la Commission des affaires culturelles mais aussi en tant que nouveau membre du Conseil d’administration de France Télévisions au sein duquel je représente l’Assemblée nationale.

Je ne vous rappellerai pas le bilan que nous tirons de la réforme introduite par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, dont nous avons eu maintes fois l’occasion de souligner combien elle a fragilisé financièrement le service public, entaché sa crédibilité et sapé son indépendance.

Au-delà de la question de la nomination des présidents qui sera réglée l’année prochaine, la question des ressources va évidemment se poser à très court terme dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Nous connaitrons les arbitrages gouvernementaux à la fin de cette semaine. Mais d’ores et déjà nous le savons : nous sommes dans une situation budgétairecontrainte.  Et, dans le même temps, le groupe connaît une dégradation de ses recettes de publicité et de parrainages, qui concerne aussi bien France 2 que France 3. Parallèlement, nous sommes à quelques mois de la décision attendue de la Cour de justice de l’Union européenne annulant la taxe télécoms créée pour compenser le manque à gagner publicitaire né de la décision brutale de supprimer la publicité en soirée. On prend ainsi aujourd’hui, trois ans après, la vraie mesure de la déstabilisation de l’audiovisuel public qu’a provoquée la réforme de 2009.

Or, nous savons aussi tous ici que France Télévision est un élément central non seulement du paysage audiovisuel en tant que tel mais aussi de la stabilité du secteur de la création. De fait, quelles sont les solutions ?

J’ai naturellement pris connaissance de vos réflexions, Monsieur le Président, concernant la redevance. Je comprends votre attachement à cette ressource qui a évidemment le principal mérite d’être directement affectée à l’audiovisuel public. Est-il nécessaire d’insister sur le fait que nous payons aujourd’hui le prix fort de l’imprévoyance de ceux qui en responsabilité ont bloqué trop longtemps le niveau de la redevance avant qu’elle ne soit enfin indexée sur le coût de la vie ?

A titre personnel, si cela devait s’avérer nécessaire pour que le service public puisse assumer ses missions, je suis favorable à l’augmentation du volume de cette ressource. Celle-ci pouvant se faire soit par son niveau, soit par son assiette. Je suis plutôt favorable, et c’est une proposition que je lance au débat, au fait de jouer sur l’assiette de cette contribution par la réintégration des résidences secondaires -qui en ont été sorties dans la loi de finances pour 2005- de manière si imprudente.

Je crois sincèrement que cela serait le meilleur moyen à la fois d’accroitre cette ressource tout en ayant à l’esprit un objectif de justice sociale. A ce titre, je me réserve la possibilité de prendre une initiative lors de la prochaine discussion budgétaire.

A l’heure où des efforts budgétaires s’imposent, il me semble, par ailleurs,  indispensable de remettre à plat le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions qui couvre la période 2011-2015 et dont j’avais dénoncé en son temps l’insincérité tant les prévisions de ressources publicitaires avaient été artificiellement gonflées. D’ailleurs, les engagements de l’Etat actionnaire ont été remis en cause quelques semaines seulement après l’adoption du COM, dès la loi de finances pour 2012.

Il me semble qu’y compris dans  le contexte budgétaire actuel nous devons avoir, plus que jamais pour le service public, une ambition de contenus qui passe par ce qu’on appelle communément la qualité des programmes.

La question des missions et de l’identité du service public mérite d’être posée compte tenu de la transformation profonde du paysage audiovisuel, transformation qui s’est opérée et qui s’opère encore sous nos yeux.

Il est temps de mener une réflexion d’ensemble. Qu’est-ce qu’un programme de service public dans un monde ultra-concurrentiel où tout évolue, où les chaînes se multiplient, la télévision de rattrapage, la vidéo à la demande, les plates-formes Internet, et à terme la télévision connectée ? Quels sont les domaines que le service public devrait traiter de manière plus systématique? La suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions aurait dû être l’occasion de répondre à ces questions. Tel n’a pas été le cas.

Il nous revient donc de créer les conditions d’une télévision publique « avec le sens du service et le sens du public », au service de tous, avec une identité et une indépendance, en un mot, qui soit une référence. C’est plus que jamais le rôle de l’Etat actionnaire de donner un mandat clair aux dirigeants des entreprises de l’audiovisuel public.

S’il y a un domaine où le service public a toute sa légitimité dans ce monde de l’hyper-choix d’images numériques, c’est, me semble-t-il, l’information, sujet auquel vous avez consacré un atelier ce matin. Du reste, l’entreprise France Télévisions s’acquitte de cette mission de manière plutôt satisfaisante. Je pense que cette mission fait partie de celles qui doivent être renforcées avec un objectif d’exemplarité absolue. Car le service public doit faire la différence, il doit pouvoir être un repère, un marqueur.

Je parle souvent de l’ambition d’arriver à la création d’une marque lui permettant de se distinguer, un « label ombrelle », dont les trois éléments phares seraient de favoriser le vivre ensemble, de restaurer la confiance du public et d’encourager l’innovation en son sein.

Car le service public se doit également d’être en pointe dans le développement du numérique. A cet égard, je constate – pour m’en réjouir- qu’il est en train de rattraper son retard en ce domaine. Depuis près de deux ans, de nombreux projets intéressants et prometteurs ont vu le jour, tels que la création de plates-formes d’information et de sport en continu et le développement de la présence de France Télévisions sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook et Twitter.

Enfin, le numérique est au cœur du grand chantier qu’a ouvert le gouvernement, celui de l’acte II de l’exception culturelle.

La mission confiée à Pierre Lescure repose sur trois piliers : dynamiser l’offre légale et l’accès aux œuvres en ligne , sécuriser les droits des créateurs et créer pour la culture de nouvelles sources de financement. C’est dans ce cadre que sera conduite une réflexion sur une éventuelle évolution de la chronologie des médias : sujet de controverses par excellence….

En matière de financement, qui revêt à mes yeux – vous l’avez compris- une importance particulière, le gouvernement a récemment lancé deux missions sur la fiscalité du numérique.

Les choses bougent en ce domaine et j’ai bon espoir que les conditions d’un partage plus équitable de la valeur sur Internet puissent être trouvées à terme. La recherche de nouveaux modes de financement de la création s’impose plus que jamais et il est vraiment regrettable que les lois votées ces dernières années soient systématiquement passées à côté du seul enjeu qui vaille. J’attends de la concertation lancée qu’elle dépasse les blocages et les conflits passés, en intégrant l’ensemble des acteurs, des types de contenus, et les questions de production, de distribution, de diffusion, de rémunération, pour travailler sur la cohérence des choix politiques à faire.

Parce que les images font aussi l’identité et la force d’un pays, parce que l’accès à des programmes de qualité sur de nouveaux supports est devenu indispensable, parce que l’image fait partie de la culture partagée notamment des plus jeunes, nous devons avoir pour objectif de donner un nouvel élan à la création et à notre industrie de programmes, à la conquête de nouveaux publics en France et au-delà de nos frontières.