Projet de loi de refondation de l’école de la République

Madame la Présidente,

Monsieur le Ministre, Mesdames les ministres

Monsieur le Rapporteur,

Chers Collègues,

Je ne vous cache pas que c’est avec un sentiment particulier que j’interviens aujourd’hui dans notre hémicycle. Ce sentiment, c’est celui d’être partie prenante d’une belle et grande aventure, d’être au cœur d’une forte ambition,  de contribuer ainsi à faire vivre la belle promesse républicaine d’égalité.

Le texte que nous présente le gouvernement vise en effet – et les mots ont un sens- à refonder l’école de la République. Dès lors, il s’agit non de légiférer pour proposer une énième réforme de l’Education nationale au temps court, mais de proposer une réelle vision pour son  avenir, au-delà même du temps d’une législature, du temps d’un ministre, et a fortiori, du temps d’un débat.

Le Président de la République l’avait annoncé durant sa campagne et le réaffirme avec force et constance depuis son élection : il compte imprimer à son quinquennat la marque de la priorité à la jeunesse. En présentant ses vœux à Grenoble, le 23 janvier dernier, François Hollande a d’ailleurs rappelé qu’«aider la jeunesse c’est donner un horizon à toute la France, à toute la société ».  C’est en ce sens que la nouvelle politique intitulée « Priorité Jeunesse » et adoptée dans le cadre d’un Conseil interministériel, il y a quelques jours,  révèle toute son importance. Cette nouvelle approche se doit d’être transversale tant changer l’action publique destinée aux jeunes amène à s’attacher à leur accès aux droits sociaux tout autant qu’à favoriser leur autonomie ; à lutter contre les inégalités et les discriminations qui les touchent comme à encourager leur participation au débat public.

Mais donner la priorité à la jeunesse, au-delà de ces mesures fortes, c’est aussi et tout autant porter une grande ambition pour l’école que le Président de la République a rappelé avec force, le jour même de son investiture, lors de l’hommage qu’il a voulu rendre à Jules Ferry.

Dans son discours, François Hollande a rappelé, ce jour-là, en célébrant deux lois dues à l’obstination, à la volonté et au courage de Jules Ferry -la loi du 16 juin 1881 relative à la gratuité de l’enseignement primaire et la loi du 28 mars 1882 relative au caractère laïque et obligatoire de l’école- je le cite, que : « Dans l’histoire de la République, les grandes dates, les vraies étapes, les plus sûrs repères dans la marche du temps, ce sont les lois ».

Penser l’école a toujours été en France un acte fondateur pour lequel ont été sollicités de grands serviteurs de la République comme Condorcet et Jules Ferry, ou encore Paul Langevin et Henri Wallon. C’est, je le crois profondément, le sens et l’ambition du projet de loi dont nous commençons à débattre aujourd’hui.

Je ne vais pas en détailler les dispositions après vous, Monsieur le Ministre, et après notre excellent rapporteur. Je crois néanmoins nécessaire d’insister sur le choix volontaire que vous avez fait de donner la priorité au primaire.  Il est de notre responsabilité de miser et de porter nos efforts sur les niveaux où s’acquièrent les savoirs fondamentaux. C’est tellement essentiel.  Eviter que les inégalités ne se créent dès le début du parcours scolaire doit être un objectif majeur tant il est difficile voire impossible, par la suite, de rattraper le retard pris ou accumulé. C’est d’ailleurs le sens du « plus de maîtres que de classes » qui permettra un renouveau pédagogique, dans les classes qui en ont le plus besoin, en permettant un réel changement du travail des enseignants avec leurs élèves.

C’est le même objectif qui est poursuivi lorsqu’est ouverte la perspective de porter à 30% la scolarisation des 2-3 ans, dans les secteurs défavorisés, d’ici trois ans.

Mais pour les plus grands, il s’agit aussi, par la définition des cycles d’enseignement, de permettre à chacun d’apprendre et de progresser à son rythme, c’est à dire selon un temps qui n’est pas forcément celui de l’année scolaire.  Rendre exceptionnels les redoublements, le plus souvent inutiles, participera aussi au changement attendu. Enfin, et c’est primordial, la restauration de la formation des maîtres, par la création des Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education, est évidemment une mesure essentielle du dispositif.

On le voit bien, il s’agit de mettre en place un tout cohérent, avec un objectif commun : celui de la réussite scolaire pour tous.

Notre commission travaille depuis déjà plusieurs semaines à l’examen de ce texte et je tiens à saluer le rôle majeur joué par notre rapporteur, Yves Durand dont les compétences reconnues sur tous les bancs vont de pair avec un bel esprit d’ouverture. Le dépôt et la discussion en commission de plus de 660 amendements a montré, s’il le fallait, tout l’intérêt qui est porté à ce projet de loi. Notre commission, si elle reste naturellement celle des « affaires culturelles », est plus que jamais celle de « l’éducation » !

De ce point de vue, les frontières doivent être parfois utilement poreuses, et parce que ma conviction est forte en ce domaine, je tenais tout particulièrement à saluer l’encouragement porté par le projet de loi à l’accès à la culture. La mise en place du parcours d’éducation artistique et culturelle est primordiale tant l’éducation et la culture sont intimement liées.

Accès à la culture, instruction, orientation scolaire, les grands enjeux d’aujourd’hui étaient déjà portés par vos illustres prédécesseurs, Monsieur le Ministre. J’ai, pour ma part, comme vous, un attachement particulier pour Jean Zay, si lumineux et si anticipateur dans sa conviction que la société avait tout à gagner à donner sa chance à tous et à former au mieux le plus grand nombre. Je n’oublie pas non plus la vision si actuelle qu’il pouvait avoir des synergies à créer entre instruction, culture et loisirs.

Cette approche, me semble-t-il, nous la retrouvons dans la réforme des rythmes éducatifs.  Ecoles, collectivités territoriales, associations culturelles et sportives,  mouvements d’éducation populaire ont ainsi l’opportunité, ensemble, de construire un cadre nouveau dans l’intérêt même des enfants, en organisant de manière globale leurs temps de vie scolaire et leur accès à tout ce qui peut contribuer à les éduquer, à cultiver leurs corps comme leurs esprits, à en faire pleinement des citoyens. En ce sens, la réforme des rythmes éducatifs, si possible dès la prochaine rentrée scolaire…, à Paris , comme je le souhaite, et en tant d’autres cités, est une contribution décisive à la lutte contre les inégalités scolaires qui ne font que reproduire les inégalités socio-culturelles.

Nous le savons bien, le processus de refondation de l’école de la République est inévitablement un processus de longue haleine dont la loi constitue le socle.

Il faut des moyens, notamment budgétaires, pour servir cette ambition. Et nous n’avons de cesse de saluer l’effort exceptionnel du gouvernement, dans un contexte de réduction impitoyable des déficits publics, qu’il s’agisse des mesures d’urgence pour la rentre scolaire 2012, de la création de 16 000 emplois d’avenir professeur ou des milliers de recrutements inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013.

La loi est naturellement une étape essentielle mais, une fois qu’elle sera votée, il restera tant à accomplir. Faire entrer l’école dans l’ère numérique, faire évoluer le contenu des enseignements, leur organisation, tout cela nécessitera énergie et conviction.

Vous n’en manquez pas, Monsieur le ministre,  et nous connaissons votre volonté et votre capacité à vouloir aller toujours plus loin, à porter toujours plus haut un grand dessein pour l’école de la République.

Vous posez les vrais enjeux, faites preuve de pédagogie et emmenez avec vous ceux qui attendent depuis si longtemps une politique d’élévation de l’Education nationale en redonnant à l’Ecole la foi – inévitablement laïque…- en ses capacités et aux enfants et aux enseignants, l’envie d’apprendre et d’enseigner.

La très belle progression des inscriptions aux concours 2014 de recrutement des enseignants en est le meilleur témoignage, c’est un signe important de reconnaissance du travail de revalorisation du métier d’enseignant  qui est à l’œuvre.

Plus que jamais, l’école est le lieu où l’on doit donner le goût d’apprendre, de chercher, de savoir. Il faut, pour cela, que chacun ait la même chance d’accéder à cette découverte et la même chance de réussir. Aussi, permettre l’égalité de tous, c’est savoir donner plus de moyens à ceux qui en ont le plus besoin.

C’est une évidence de le dire, cela l’est moins quand il faut traduire dans les faits cet objectif d’égalité alors même que l’Education nationale a été durablement affaiblie au long de ces dix dernières années et que le doute a pu saisir nombre d’acteurs éducatifs jusqu’à laisser percevoir parfois un véritable mal-être.

Mais pour un pays, faire le pari de la jeunesse et miser sur l’éducation, c’est tout simplement écrire son avenir.  C’est en cela que la mobilisation ne peut être que l’affaire de tous, car c’est un enjeu pour la République toute entière.

C’est aussi pourquoi, Monsieur le Ministre, Mesdames les Ministres, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui à la fois heureux et enthousiastes  d’apporter notre contribution active et notre soutien déterminé à ce projet de loi qui, en recréant les conditions de la réussite éducative pour tous, refonde l’école de la République, cette école que nous aimons comme nous aimons la République : indivisible, laïque, démocratique et sociale.