Intervention sur la proposition de résolution sur le recrutement à la tête des grands établissements culturels

Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Mes chers Collègues,

 

Pétitions, tribunes, manifestes, interpellations, déclarations … les nominations à la tête des grandes institutions culturelles de notre pays font trop régulièrement l’objet au mieux de controverses, le plus souvent de polémiques.

 

Cet état de fait souligne sans doute l’intérêt porté à ceux et plus rarement à celles qui dirigent ces établissements et qui participent par là-même à la politique culturelle de notre pays.  De manière plus profonde, beaucoup partagent le sentiment que les règles en la matière ne sont pas claires et les nominations qui en sont la conséquence, sujettes à contestation.

 

D’où l’initiative qui nous réunit aujourd’hui, dans cet hémicycle, afin que la Représentation nationale puisse apporter sa contribution à une réflexion que le gouvernement appelle lui-même de ses vœux.

 

Comment ignorer, en effet, que notre société aspire à toujours plus de transparence, de pluralisme, de renouvellement, de non cumul… Notre société souhaite toujours mieux comprendre les processus d’accession aux responsabilités et avoir ainsi la certitude que chacun peut avoir sa chance. Le temps présent est plus que jamais à l’ouverture et au décloisonnement car mêler les expériences est source d’inspiration et d’enrichissement partagé. La belle promesse républicaine de l’égalité à laquelle nous sommes, comme nos concitoyens, si attachés, comment ne pas la faire vivre dans le cadre culturel, alors même que les créateurs, les artistes sont si souvent les premiers à capter et à traduire les mouvements qui traversent en profondeur notre société.

 

C’est donc à un changement de nature réellement démocratique que renvoie cette proposition de résolution dont notre groupe a souhaité prendre l’initiative et qui part d’un double constat.

 

Tout d’abord, il nous semble que, le plus souvent, les difficultés sont inhérentes au fait que la personnalité désignée n’ayant pas été amenée à faire connaître préalablement sa vision pour l’institution concernée, voit sa légitimité contestée alors même que sa compétence n’est pas mise en cause. C’est la conséquence des logiques de personnes qui supplantent les logiques de projets.

 

Par ailleurs, les désignations effectuées font apparaître une assez faible diversité sur le plan de la formation et des parcours professionnels antérieurs comme sur celui des origines sociales et culturelles ou de la représentation des femmes. Cet état de fait crée une forme d’inégalité dans l’accès aux postes à responsabilité dans le secteur public de la culture.

 

C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution vise tout d’abord à rappeler que la mise en œuvre d’une politique tendant à promouvoir l’égalité, la parité et la diversité apparaît d’autant plus indispensable dans le champ de la culture que celle-ci se doit d’être emblématique des valeurs et des principes qui sont au cœur du pacte républicain et qui fondent notre vivre ensemble. Sur la seule question de la parité, les statistiques sont, à cet égard, éloquentes et il nous a été rappelé, encore ce matin par Madame Sophie Deschamps, lors des échanges que nous avons eus en commission des affaires culturelles et de l’éducation, qu’il faudrait 9 ans de nominations strictement paritaires pour atteindre 30% de femmes représentées.

 

C’est une préoccupation que vous partagez, Madame la ministre, ainsi que votre collègue Najat Vallaud-Belkacem. Vous avez d’ailleurs déjà pris un certain nombre de mesures concernant la parité, qui ont été présentées et validées lors du comité interministériel des droits des femmes que le Premier ministre a présidé le 30 novembre dernier. Vous avez aussi installé auprès de vous, un comité pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication qui a pour vocation de suivre votre action, d’en apprécier les résultats et de vous faire toute proposition permettant d’avancer plus vite sur le chemin de l’égalité.  Car le changement, c’est maintenant…

 

 

Mais au-delà de la question centrale de l’égalité entre les femmes et les hommes, je crois essentiel aujourd’hui, dans l’intérêt même des personnes désignées à des postes de responsabilité, qu’elles puissent présenter préalablement  le projet de gestion et de développement qu’elles forment pour l’établissement concerné.

 

Aussi, la proposition de résolution que le groupe socialiste a déposée vise à la fois, je cite «  à réaffirmer le caractère fondamental du principe d’égalité et la nécessité d’assurer la diversité et la parité entre les femmes et les hommes dans tous les champs de l’action publique », « estime qu’il est aujourd’hui particulièrement nécessaire de mieux garantir cette diversité et cette parité dans le processus de désignation des dirigeants des grandes institutions culturelles » mais aussi, et c’est très complémentaire vous l’avez compris, « fait valoir que la possibilité offerte aux candidats à ces postes de présenter leur projet et d’exposer leurs idées concernant l’avenir de l’organisme en cause constituerait un facteur d’émulation et contribuerait à asseoir la légitimité de la personne finalement désignée ».

 

La proposition de résolution a ainsi pour objectif de permettre qu’une réflexion soit engagée en vue d’instaurer des procédures de consultation préalable à la désignation de ces dirigeants qui pourraient, par exemple,  passer par la mise en place de commissions aussi pluralistes que paritaires chargées d’auditionner les candidats, d’étudier leurs projets et d’émettre des propositions visant à éclairer les décisions de nomination.

 

Il ne s’agit, en aucun cas, de réduire la liberté de choix de l’exécutif que celui-ci intervienne par un décret simple du Président de la République ou qu’il soit l’acte du Premier ministre ou d’un ministre mais de fournir à l’exécutif  un utile terreau à sa décision qui contribuera de plus à la motiver, ce qui serait là aussi un progrès démocratique notable.

 

Je me permets d’évoquer, non pas comme un modèle mais comme un bon exemple, la procédure qu’a mise en place Alain Seban, que la commission des affaires culturelles et de l’éducation a également auditionné ce matin même,  pour recruter le futur directeur du musée national d’art moderne. Pour être en mesure de vous proposer, Madame la ministre – puisque c’est vous qui serez amenée à le désigner par arrêté –  le meilleur candidat possible à cette responsabilité culturelle majeure, une procédure garantissant une large ouverture et un traitement équitable et professionnel des différentes candidatures a été opportunément choisie. Celle-ci prévoit naturellement l’envoi d’une déclaration de candidature mais ajoute l’obligation de répondre, dans une note d’intention, à pas moins de 21 questions comme autant d’enjeux auxquels sera confronté le candidat choisi. Je précise que la liste des candidats n’est pas rendue publique, permettant ainsi au plus grand nombre de répondre sans craindre une publicité pénalisante. Enfin, les dossiers sont examinés par le Président du Centre Pompidou qui s’est entouré, à cet effet, d’un comité international composé de professionnels.

 

Je crois la piste intéressante. Elle pourrait nous inspirer dans la recherche de procédures plus efficientes. Il ne s’agit pas, pour nous, de figer le mode de nomination mais de savoir créer le cadre idoine pour chaque nomination afin de trouver la meilleure candidate ou le meilleur candidat pour un poste, sur la base d’un projet et en poursuivant, dans le même temps, les objectifs de parité, de diversité et de renouvellement.

 

Tels sont les enjeux de ce débat et je suis heureux que notre groupe en ait pris l’initiative. C’est une pierre apportée à l’édifice que vous êtes en train de construire Madame la Ministre afin de rompre avec ce qui est souvent dénoncé comme le fait du prince, comme nous l’a rappelé Emmanuel Wallon ce matin.

 

J’espère que cette résolution de l’Assemblée nationale vous aidera dans votre tâche, Madame la Ministre, et vous permettra de libérer – qui sait- du temps dans votre agenda si chargé…