Proposition de loi visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap

Madame la présidente,

Madame la ministre,

Madame la Rapporteure,

Mes chers collègues,

 

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a désormais une longue histoire. En effet, nous l’avons examinée, ici même, en première lecture, sous la précédente législature, le 17 novembre 2011.  Nous essayions alors, dans l’opposition, et avec grande difficulté pour ne pas dire impossibilité, de faire progresser notre pays sur le long et toujours trop lent chemin de l’égalité des droits.

 

J’avais alors rappelé la perspective historique dans laquelle nous devions placer l’excellente proposition de loi dont Catherine Quéré a pris l’initiative et qui vise à franchir une nouvelle étape en faisant tomber des discriminations.

 

Je me souviens avoir, ce jour-là, terminé mon intervention en évoquant la bataille menée sans succès par le groupe SRC pour ouvrir le mariage aux couples de même sexe.  « En cette fin de législature, {avais-je alors dit} me souvenant de la proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe que j’ai rapportée ici même, au printemps dernier, je constate que les étapes sont parfois difficiles à franchir. Je regrette que nous n’ayons pas franchi celle-ci, qui était décisive. Sans doute devrons-nous attendre la décision des Françaises et des Français au printemps prochain pour ne pas rester, en ce domaine, au bord du chemin. Chers collègues, il reste encore beaucoup de travail ! ».

 

Et aujourd’hui nous y sommes. Les Françaises et les Français ont choisi le chemin du progrès et nous avons collectivement fait un pas de géant en adoptant le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. C’était un engagement fort du Président de la République que nous avons su mettre en œuvre avec conviction et détermination.

 

Car en la matière, rien n’est jamais simple, rien n’est jamais acquis d’avance. Souvenons-nous que l’homosexualité a été dépénalisée en France il y a seulement trente ans et qu’il a fallu attendre le milieu des années 1980 pour que soit enfin reconnue, dans le Code pénal, la discrimination en fonction de l’orientation sexuelle – des mœurs, comme on disait à l’époque. Puis, il y a eu le débat fondateur créant le pacte civil de solidarité, dit PACS, qui a permis, enfin, de faire entrer le couple homosexuel dans le code civil et qui a été déterminant car il a radicalement changé le regard que la société française portait jusque-là sur les femmes et les hommes homosexuels. Depuis 2004, enfin, nous pouvons nous féliciter que les propos et écrits à caractère discriminatoire en fonction du sexe, de l’orientation sexuelle et du handicap soient sanctionnés, quand il s’agit de provocation, de diffamation ou d’injures publiques.

 

Alors il s’agit aujourd’hui de clore un nouveau chapitre en modifiant à nouveau la loi sur la liberté de la presse de 1881. Nous savons que le législateur doit tout particulièrement toucher à cette loi d’une main tremblante.  Mais en l’occurrence, la proposition de loi dont nous abordons la lecture définitive à l’Assemblée nationale aujourd’hui crée une plus grande lisibilité en proposant d’appliquer la  prescription d’un an instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel qu’en soit le motif.  Car actuellement, le délai de prescription d’un an vise seulement les discriminations en fonction de l’origine, de l’ethnie, de la nation, de la race et de la religion. Nous proposons donc de l’appliquer également aux discriminations en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. C’est un rééquilibrage essentiel qui n’est pas seulement symbolique. Il va permettre d’atteindre, en ce domaine, l’objectif  d’une égalité des droits parfaite.

 

Ce texte tend à permettre aux individus – et aux associations qui les soutiennent –, lorsqu’ils sont attaqués en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, d’avoir le temps et les moyens d’engager les poursuites nécessaires pour que les écrits et propos à caractère discriminatoire soient pénalement sanctionnés.

 

Aussi, notre Assemblée s’honorerait  en votant à l’unanimité cette proposition de loi si républicaine.