Débat sur la protection de la vie privée à l’heure de la surveillance numérique
Je souhaitais, dans cette intervention, faire un court rappel des travaux déjà effectués par notre Assemblée sur ces sujets.
Co-rapporteur d’une mission commune à la commission des Lois et à la commission des Affaires culturelles qui a rendu les conclusions de ses travaux au mois de juin 2011, nous avons été amenés à réfléchir globalement au « droit des individus dans la révolution numérique ». Mais la mission a très rapidement fait le constat que la question des données personnelles et de la protection de la vie privée étaient essentielles. L’explosion des réseaux sociaux qui a accompagné le développement d’Internet a fait entrer le web dans la vie quotidienne de chacun. La vie privée des personnes – englobant leur réseau d’amis, leurs idées politiques, leur orientation sexuelle ou encore leur religion est ainsi devenue potentiellement visible instantanément par tous et partout. Or, nous savons bien que ces données sont aujourd’hui la nouvelle valeur du numérique. Selon une étude américaine citée récemment par Le Monde les données personnelles des Européens représenteraient en 2012 un trésor de 315 milliards de dollars.
En adoptant, dès la fin des années 1970 la loi dite loi « Informatique et libertés », pierre angulaire de la protection des citoyens face aux traitements de données à caractère personnel, la France était précurseur en la matière. Mais il est aujourd’hui nécessaire d’adapter ces règles de protection de la vie privée aux évolutions technologiques.
La mission a proposé plusieurs orientations comme : protéger l’intimité des internautes en limitant les « recherches d’amis » sur les réseaux sociaux ; faire en sorte que les systèmes de géolocalisation soient désormais autorisés et non plus simplement déclarés auprès de la CNIL ; intégrer dans l’usage des puces RFID le respect de la vie privée en interdisant, par exemple, à des tiers non autorisés l’accès aux informations qu’elles contiennent ; demander une destruction et une anonymisation complètes des données par les fournisseurs de services après six mois ; assurer et préserver un haut niveau de protection des données en Europe.
Enfin, nous avons insisté sur l’importance d’une action diplomatique forte pour l’adoption d’une convention internationale en matière de protection de la vie privée. Car, la protection de la vie privé doit, j’en suis convaincu, devenir une exigence de fait et de droit au niveau national, mais aussi communautaire et international. C’est la raison pour laquelle à l’occasion du débat sur la réforme de la directive du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles j’avais déposé avec François Brottes, une proposition de résolution européenne ayant pour premier objectif de montrer que le Parlement français se doit de faire valoir un certain nombre de principes, valeurs et droits essentiels en la matière.
Elle soutenait un certain nombre d’objectifs poursuivis dans ce Règlement mais elle visait surtout à porter l’idée de mieux encadrer un certain nombre d’évolutions technologiques. Nous soulignions aussi la nécessité d’encourager l’Union européenne à développer la recherche, l’innovation et le développement dans le secteur des technologies respectueuses de la vie privée dès leur conception, dites « privacy by design ». L’Europe doit se doter d’une véritable politique industrielle du numérique et bénéficier ainsi d’un indéniable avantage comparatif dans la compétition mondiale.
Enfin, devant l’absence d’instrument juridique contraignant au-delà du droit de l’Union et de la convention no 108 du Conseil de l’Europe, nous appelions à l’adoption par les États membres de l’Union européenne et les États tiers d’une convention internationale pour la protection des personnes à l’égard du traitement des données personnelles, comme le soutient la Résolution de Madrid, adoptée par la 31e Conférence des commissaires à la protection des données et à la vie privée.
Nous devons nous mobiliser pour que les verrous ne sautent pas face à la puissance de quelques acteurs. Nous devons nous mobiliser pour créer le cadre du meilleur équilibre possible entre droits fondamentaux et innovation technologique. Je suis heureux, que nous ayons aujourd’hui cet échange avec la perspective de légiférer en ce sens. Une loi à venir qui naturellement fixera de nouvelles règles que seul le juge aura charge de faire respecter sans qu’il y ait besoin de créer de nouvelle autorité ou de transférer des compétences devenues obsolètes.