Intervention sur la PPL tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

C’est avec conviction que je rapporte aujourd’hui sur la proposition de loi déposée conjointement avec Bruno Le Roux, Michel Françaix et les membres du groupe SRC tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

 

Ce texte fait notamment suite à l’initiative du Premier ministre, qui a annoncé, le 17 janvier dernier, l’application, dès le 1er février, d’un taux super réduit de TVA de 2,1 % à la presse en ligne. Cet engagement explique les délais particulièrement resserrés dans lesquels nous sommes amenés à examiner ce texte.

 

Il s’agit d’une mesure dont nous connaissons très bien les enjeux et qui est, comme vous le savez, particulièrement attendue par l’ensemble du secteur de la presse mais aussi par nombre d’entre nous, sur tous les bancs, qui militons depuis longtemps pour qu’il soit mis fin à l’anomalie que constitue l’application d’un taux de TVA de 20 % à la presse en ligne.

 

En effet, la réglementation européenne ne permet toujours pas, en l’état actuel, de faire bénéficier la presse en ligne de ce taux dit « super réduit » de TVA qui constitue pourtant, en France comme à l’étranger, le socle de la politique de soutien public à la presse. Je tiens à rappeler que cette politique publique a un fondement constitutionnel puisqu’elle découle de l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». Comme l’a confirmé la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’objectif de préservation et de développement du pluralisme de la presse fait obligation à l’État de prendre les mesures y concourant.

 

Le droit européen entre ainsi en contradiction avec l’obligation constitutionnelle qu’ont les pouvoirs publics de soutenir un secteur qui traverse une crise extrêmement préoccupante et dont l’avenir, voire la survie, est aujourd’hui largement conditionné à sa capacité à réussir sa transition numérique. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, la France a entrepris des démarches actives auprès des institutions de l’Union européenne afin d’obtenir la possibilité explicite d’appliquer des taux de TVA réduits aux biens et aux services culturels en ligne.

Elles commencent à produire certains résultats, tant auprès de la Commission et du Parlement européen que des autres États membres.

 

En effet, le Parlement européen s’est prononcé par trois fois en faveur de l’application d’un taux réduit de TVA aux œuvres numériques et la Commission a d’ores et déjà annoncé la publication d’une étude exhaustive sur la question début 2014. Nous y voyons des signes encourageants.

 

Parallèlement, l’Allemagne -qui était jusqu’ici résolument opposée à la demande française de révision de la directive TVA- vient de s’y rallier, dans son accord de coalition gouvernementale. Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives.  Mais il reste que dans l’hypothèse où la commission adopte une proposition de révision de la directive – ce qui n’est pas acquis- celle-ci devra, par la suite, être adoptée par le Conseil à l’unanimité des États membres. Or, plusieurs États demeurent opposés à une révision de la directive en ce sens.

 

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons d’ores et déjà faire prévaloir la légitimité sur la légalité et prendre, sans plus attendre, les responsabilités qui sont les nôtres vis-à-vis du secteur de la presse.

 

Comme nous l’avons fait en 2012, à vos côtés, Madame la ministre, en étendant le taux réduit de TVA appliqué aux livres imprimés aux livres numérique, nous faisons ici valoir le principe de neutralité fiscale et technologique. Ce principe, d’ailleurs reconnu par la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne, s’oppose à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA.

 

Garantir un traitement fiscal équivalent aux œuvres indépendamment de leur support de diffusion est juste et cohérent. C’est cette approche que le gouvernement défend actuellement devant le juge européen sur la question des livres, comme il le fera sur la presse en ligne s’il en est besoin. C’est une position de principe que vous aviez d’ailleurs réaffirmée, Madame la Ministre, avec Fleur Pellerin et Bernard Cazeneuve le 23 décembre dernier en annonçant une initiative forte pour le début de l’année 2014.

 

Nous y sommes aujourd’hui.

 

Et je n’ai pas besoin, mes chers collègues, de vous convaincre que cette mesure est d’une importance économique vitale pour le secteur de la presse qui se trouve confronté au défi de sa transition numérique, facteur de fragilisation.

 

Le différentiel de taux de TVA est, aujourd’hui, un lourd handicap économique pour la presse et un obstacle à l’émergence d’un modèle économique viable pour la presse payante en ligne.  Saluons de fait l’instruction fiscale prise, dès vendredi dernier, visant à appliquer le taux particulier de 2,1% dès le 1er février 2014, allégeant immédiatement la charge pesant sur le secteur.

 

Sur le plan budgétaire, cette mesure est peu coûteuse, voire vertueuse. Son coût est estimé à 5 millions d’euros pour la première année d’application. Cependant, les études disponibles montrent que le manque à gagner serait, à l’échéance de 4 ans, en grande partie compensé par le développement de la presse en ligne, générant ainsi une augmentation globale de la TVA perçue. Il y aurait donc pour l’État retour sur investissement, avec comme objectif essentiel de mieux assurer le pluralisme de l’information.

 

Je tiens enfin à rappeler ici que cette mesure a été préconisée par tous les rapports consacrés à l’avenir de la presse : le rapport du Conseil d’État de 1998 sur Internet et les réseaux numériques, le rapport de Marc Tessier de 2007 consacré à la presse face au défi du numérique, le livre vert des États généraux de la presse de 2009, le rapport d’information que j’ai co-signé avec Patrice Verchère en juin 2011 sur la révolution numérique et les droits de l’individu, le rapport d’avril 2013 du groupe d’experts sur l’avenir des aides à la presse présidé par Roch‑Olivier Maistre et auquel a participé notre collègue Michel Françaix, le rapport de la mission sur l’acte II de l’exception culturelle présidée par Pierre Lescure de mai 2013, les avis sur les crédits en faveur de la presse faits au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée par Michel Françaix puis par Rudy Salles.

 

Je rappellerai également l’opiniâtreté avec laquelle, depuis plusieurs années, dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances qui se sont succédés, Patrice Martin-Lalande pour le groupe UMP,  Michel Françaix et moi-même pour le groupe SRC avons proposé des amendements tendant à étendre le bénéfice du taux super réduit de TVA à la presse en ligne.

 

Sur un plan technique, la présente proposition de loi ne soulève aucune difficulté puisqu’elle s’appuie sur la définition des services de presse en ligne déjà introduite à l’article 1er de la loi du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse par la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, précisée et affinée depuis par décret et par une jurisprudence importante de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

 

Ses principaux éléments sont : une maîtrise éditoriale par la personne éditrice ; la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, renouvelé régulièrement ; le traitement journalistique des informations et leur lien avec l’actualité et enfin l’exclusion des outils de promotion ou des accessoires d’une activité industrielle ou commerciale.

 

Après tant d’années durant lesquelles nous avons porté avec conviction mais sans succès cette mesure d’harmonisation et donc d’égalité fiscale, je vous invite, mes chers collègues, à adopter sans modification cette proposition de loi qui, je le souligne, a été adoptée à l’unanimité de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.