Projet de loi liberté de la création, architecture, et patrimoine -Texte issu de la CMP
Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,
Presqu’un an après son adoption en Conseil des ministres, nous examinons, une dernière fois, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie mercredi dernier, a en effet conclu à un texte commun que nous sommes aujourd’hui invités à approuver. Ce que doit parallèlement faire le Sénat, le 29 juin prochain.
Au terme de plus de cinq heures de réunion, nous avons trouvé un accord sur les 41 articles qui étaient encore en discussion à l’issue de deux lectures dans chaque assemblée. Qu’il me soit permis de saluer ici la volonté de consensus qui a animé tant la Présidente Catherine Morin‑Desailly, que les deux rapporteurs pour le Sénat, Jean-Pierre Leleux et Françoise Férat et plus largement tous les participants à cette Commission Mixte Paritaire.
Comment ne pas rappeler, en cet instant, la portée de ce texte, attendu depuis si longtemps, attendu en fait depuis qu’avait émergé la revendication d’une loi d’orientation pour le spectacle vivant. Ce texte va ainsi inscrire, pour la première fois dans la loi, les objectifs des politiques poursuivies par le service public de la culture dans notre pays. Comment ne pas se réjouir, que nous soyons parvenus, en matière de protection du patrimoine, un peu plus d’un siècle après la loi fondatrice de 1913 relative aux monuments historiques, à légiférer pour mettre notamment en valeur les sites patrimoniaux remarquables. Comment ne pas se féliciter de l’intégration dans ce texte d’un volet consacré à l’architecture sur laquelle le Parlement ne s’était pas penché depuis près de quarante ans. Il faudra, et nous nous y emploierons dans les jours et les semaines à venir, donner tout l’éclairage nécessaire aux apports de ce texte, et ils sont aussi nombreux que novateurs.
Pour aborder, avec un nécessaire esprit de synthèse, le contenu des articles, je voudrais souligner que ce texte inscrit, pour la première fois dans la loi, et c’est ô combien essentiel en ces temps incertains, deux principes fondamentaux essentiels : le principe de liberté de la création artistique, affirmé à l’article 1er et le principe de liberté de la diffusion artistique, porté à l’article 1er bis, la CMP ayant décidé de plus d’assortir ces deux principes de sanctions pénales en cas d’entrave.
À son article 2, le projet de loi définit l’ambition d’une politique de « service public » en faveur de la création culturelle à laquelle l’Assemblée nationale tenait tout particulièrement, « construite en concertation avec les acteurs de la création artistique », à la demande du Sénat.
À l’article 3 sur la politique de labellisation, le Sénat a accepté l’agrément par l’État des dirigeants de toutes les structures, y compris celles dont l’État n’est pas le principal financeur, dès lors qu’il est précisé que le dirigeant est choisi par un jury au sein duquel siègent les collectivités territoriales concernées.
A l’article 3 bis, je suis heureux d’avoir pu convaincre de l’intérêt de l’élaboration d’un rapport visant à instituer un 1% travaux publics au bénéficie de l’expression artistique dans l’espace public.
Dans le domaine musical, c’est l’article 5, un accord entre les deux assemblées a été trouvé, l’Assemblée nationale acceptant d’établir une distinction entre artistes principaux et artistes d’accompagnement, tandis que le Sénat retenait la rédaction de l’Assemblée nationale sur les cessions de créances. C’est dans le même esprit que se voit satisfaite une revendication portée par les artistes depuis dix ans et étendant la rémunération équitable aux webradios.
Je tiens à souligner que les articles qui restaient en discussion relatifs à la copie privée ont tous été adoptés sans modification nouvelle.
La CMP a par ailleurs souhaité, à l’article 10 quater , créer un système de gestion collective des droits des auteurs dont les œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques sont reproduites et mises à disposition du public par des services automatisés de référencement d’images. Notre volonté politique d’assurer une rémunération nouvelle à des acteurs culturels majeurs trop souvent précarisés, a su opportunément, dans sa rédaction finale, dépasser une éventuelle contrariété avec le droit européen.
En ce qui concerne l’article 10 nonies, relatif au droit de suite, je me félicite que l’article ait pu être adopté, à une précision près, dans le texte issu de l’Assemblée nationale, qui paraît tout à fait équilibré au regard des enjeux, tant pour les ayants-droits et les sociétés d’auteur que pour les fondations poursuivant l’œuvre d’artistes décédés.
L’article 11 A, particulièrement innovant, sur la pratique amateur a été adopté en prenant en compte le patient travail de ciselage législatif effectué progressivement tout au long des quatre lectures dans nos deux assemblées. L’article 11 ter sur les quotas radios, quant à lui, a fait l’objet d’une nouvelle rédaction reprenant le texte de l’amendement présenté par le Gouvernement en deuxième lecture au Sénat, permettant, après bien des débats, de mettre en place un dispositif plus efficace au bénéfice de la diversité musicale.
À l’article 17 A sur les conservatoires, nous sommes parvenus à une rédaction commune en substituant au chef-de-filât de la région porté par le Sénat, un cadre seulement incitatif permettant aux différents niveaux de collectivités territoriales, notamment les régions, de s’impliquer ou de continuer de s’impliquer dans le financement des conservatoires.
S’agissant de l’article 20 relatif à l’archéologie préventive, les divergences qui s’étaient fortement exprimées lors des deux premières lectures, se sont finalement estompées sur le base de la prise en compte, d’une part, des conditions pour la délivrance de l’agrément pour fouilles visant au respect d’exigences sociales, financières et comptables et, d’autre part, du contrôle préalable par les services de l’Etat des offres de fouilles reçues des différents opérateurs. Par ailleurs, a été retenu le choix du ressort de compétence régionale pour les services territoriaux d’archéologie préventive.
En matière de ventes d’œuvres d’art, a été supprimé l’article 18 bis AA qui pouvait partir d’une intention louable mais qui comportait un risque majeur pour la place de Paris dans le marché de l’art international, risque que nous n’avons pas voulu prendre. Je fais confiance à la mission d’information sur le marché de l’art actuellement en cours au sein de notre commission, pour travailler au fond sur ces questions importantes.
En ce qui concerne la protection du patrimoine, là aussi un juste équilibre a été trouvé, notamment au substantiel article 24, qui est le produit d’un réel travail de co-construction législative entre nos deux Assemblées, ce qui permet d’affirmer ici et maintenant, Madame la Ministre, que le serment de Figeac a été intégralement tenu !
Pour ce qui est de l’architecture, de cette création architecturale que nous avons collectivement souhaitée « désirée et libérée » dans le rapport que j’ai rendu en juillet 2014, je voudrais sincèrement remercier nos collègues sénateurs d’avoir in fine fait leurs, les préoccupations que nous avons constamment portées lors des deux lectures dans cet hémicycle. Il faut dire que notre détermination était forte. Je suis ainsi particulièrement heureux que l’article 26 quater relatif à l’intervention de professionnels dans le cadre des permis d’aménager les lotissements soit maintenu. C’est essentiel pour que l’architecte y trouve toute sa place aux côtés naturellement d’autres professionnels tels que les géomètres experts, les urbanistes ou les paysagistes. Nous serons, particulièrement mobilisés à vos côtés, Madame la Ministre, pour que le seuil fixé par décret permette à cette mesure de garder toute sa portée. Toutes nos préconisations de 2014 sont désormais inscrites dans la loi. C’est l’aboutissement d’un long travail parlementaire dont je suis particulièrement heureux qu’il trouve aujourd’hui une si belle issue.
Pour toutes ces raisons je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ce texte majeur pour les acteurs culturels de notre pays, qui a connu un parcours législatif dense et dont la rédaction a sensiblement évolué, couvrant un champ désormais beaucoup plus large que lors de son dépôt sur le bureau de notre Assemblée en juillet 2015, tant il a été enrichi et amendé par le Parlement. Après l’accord historique du 28 avril dernier sur l’intermittence, le vote de cette grande loi me permet d’affirmer que nous vivons actuellement une très belle saison culturelle !