Proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias – Nouvelle lecture

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes chers Collègues,

Comment ne pas traduire, ici et à cet instant, après vous, Madame la Ministre, l’intense émotion qui nous étreint à la pensée des femmes, des hommes et (peut être encore plus) des enfants qui ont perdu la vie à Nice, le jour de la Fête nationale, victimes de l’insoutenable barbarie d’un terroriste.

Que le débat que nous avons, cet après-midi dans cet hémicycle, témoigne de notre ferme détermination à faire vivre la démocratie parlementaire tout comme la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias que veulent justement abattre les assassins de Charlie, du Bataclan, des terrasses parisiennes et aujourd’hui de la Promenade des Anglais.

Nous sommes donc réunis cet après-midi pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

En effet, la commission mixte paritaire réunie le 14 juin dernier pour examiner ce texte n’est pas parvenue à un accord.

Sur les trente-et-un articles que comporte la proposition de loi, vingt-et-un restent en discussion pour cette nouvelle lecture. Et parmi ces vingt-et-un articles, neuf n’ont fait l’objet d’aucune modification lors de l’examen de la proposition de loi en commission, il y a deux semaines.

En effet, nous n’avons pas voulu remettre en cause de bonnes initiatives qu’a pu avoir le Sénat en matière de numérotation logique des chaînes de télévision en matière de sécurisation juridique des décisions de la commission du réseau du Conseil supérieur des messageries de presse et des compétences de la commission des droits d’auteur des journalistes.

En revanche, nous avons souhaité revenir sur des modifications substantielles que la Haute assemblée a apportées, notamment aux dispositifs relatifs au droit d’opposition des journalistes, à la protection du secret de leurs sources ou encore à la généralisation des comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes.

Ces modifications – dont certaines, en matière de protection du secret des sources des journalistes, constitueraient une dangereuse régression par rapport au droit actuel – expliquent nos divergences parfois profondes avec le Sénat.

C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de Stéphane Travert et des membres de son groupe, la Commission a rétabli les dispositifs adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture et prévoyant :

– la consultation annuelle du comité d’entreprise sur le respect du droit d’opposition (article 1er bis) ;

– la sanction de la violation du droit d’opposition des journalistes et des obligations de transparence faites aux entreprises de presse par la suspension, totale ou partielle, des aides publiques à la presse (article 11 bis).

Par ailleurs, afin de répondre aux interrogations parfois exprimées quant au caractère subjectif de la notion d’« intime conviction professionnelle » – pourtant présente dans la loi depuis 2009, à l’initiative du Sénat, et génératrice d’aucun contentieux à ce jour –, la Commission a décidé, sur ma proposition, de fonder le droit d’opposition, étendu à l’ensemble des journalistes par l’article 1er , sur la seule notion de « conviction professionnelle », formée dans le respect de la charte déontologique de l’entreprise éditrice. Cette « conviction » ne sera en rien arbitraire : il ne s’agira pas de l’expression d’une simple opinion. Elle devra être «professionnelle », c’est‑à‑dire trouver ses fondements dans le respect des précautions fondamentales qui constitue l’exercice loyal et professionnel du métier de journaliste.

En outre, la Commission a rétabli, le principe selon lequel les chartes déontologiques devront être rédigées conjointement par la direction et les représentants des journalistes. Cette rédaction conjointe devra résulter de véritables « négociations », tendant à la recherche d’un accord, et non de simples « discussions » susceptibles d’être closes par une initiative unilatérale de la direction. Le Gouvernement nous proposera tout à l’heure un amendement bienvenu pour répondre à la question, soulevée en commission, de savoir ce qu’il adviendrait en cas d’échec des négociations d’ici le 1er juillet 2017.

Pour ce qui concerne l’article 1er ter, qui renforce la protection du secret des sources des journalistes, la Commission a, sur ma proposition et sur celle de Michel Pouzol ainsi que des membres de son groupe, rétabli la rédaction que l’Assemblée nationale avait, à l’unanimité, votée en première lecture, en y apportant quelques modifications purement rédactionnelles de coordination. Il me paraît important de ne pas remettre en cause l’équilibre auquel nous étions parvenus en première lecture sur cette question éminemment sensible et qui avait été favorablement salué par les organisations syndicales et les associations défendant la liberté d’informer. C’est un acquis qu’il me semble essentiel de préserver.

Par ailleurs, à l’article 2, la Commission a réintroduit le principe selon lequel le Conseil supérieur de l’audiovisuel devra veiller à ce que les conventions qu’il conclut avec les éditeurs de services de radio et de télévision garantissent le respect du droit d’opposition  des journalistes. Au risque de me répéter, je tiens à souligner que le contrôle du CSA s’exercera bien a posteriori. Les éditeurs de services de radio et de télévision, à travers les conventions qu’ils auront conclues avec le CSA, prendront ex ante des engagements visant à garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes et le respect du droit d’opposition des journalistes. Ce n’est qu’ensuite que le CSA sera amené à exercer ex post son contrôle et à prononcer des sanctions en cas d’éventuels manquements.

Pour ce qui est du dispositif généralisant les comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes (article 7), la Commission a rétabli, la rédaction que nous avions adoptée en première lecture et qui avait le mérite d’asseoir la crédibilité de ces comités en leur permettant d’être consultés par toute personne et en définissant des règles d’indépendance exigeantes. Stéphane Travert et les membres de son groupe nous proposeront tout à l’heure un amendement particulièrement opportun qui propose de simplifier la procédure de nomination des membres de ces comités, sans pour autant réduire les garanties de leur indépendance.

Je tiens par ailleurs à souligner que la Commission a adopté, sans modifications autres que rédactionnelles ou de coordination, l’article 7 bis qui étend aux chaînes parlementaires le dispositif des comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes.

Enfin, la Commission a supprimé l’article 11 sexies A qui, adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, visait à limiter le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu, prévue au profit des journalistes, mais aussi des rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à poursuivre la démarche qui nous mobilise depuis quelques mois déjà et qui vise à relever les défis que pose la concentration actuelle des médias.

Je ne reviendrai pas ici sur les événements qui ont pu révéler à quel point l’enjeu de la garantie de la liberté et de la crédibilité de nos médias était crucial face aux tentatives d’intrusion des intérêts particuliers dans le traitement de l’information.

Dans le prolongement de la loi de 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, poursuivons donc le travail que nous menons depuis le début de cette législature pour renforcer, dans notre pays, l’expression démocratique tant des idées que des opinions.