Colloque sur les droits culturels- Sénat

Chères Marie-Christine BLANDIN et Sylvie ROBERT,

Mesdames, Messieurs,

Chers participants,

Je remercie mes deux collègues sénatrices de m’avoir convié à cette table ronde de clôture de leur colloque sur les droits culturels.

Après tous les témoignages d’acteurs de la culture qui ont rythmé cette journée d’échange, il me semble utile de revenir brièvement sur la façon dont les « droits culturels » ont fait leur entrée dans la loi française.

En effet, alors que la notion figure dans les textes internationaux de référence depuis une quinzaine d’années, ce n’est que tout récemment qu’elle est apparue dans le droit positif français.

L’article 103 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République précise ainsi que « La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 », tandis que l’article 3 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi « LCAP », dispose, par cohérence avec ce premier texte, que « L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005, une politique de service public construite en concertation avec les acteurs de la création artistique ».

Dans les deux cas, nous – députés et sénateurs – avons donc fait le choix de ne pas définir en tant que tels les droits culturels, mais plutôt de positionner les politiques culturelles des acteurs publics en référence à ces droits, tels qu’énoncés par la Convention UNESCO de 2005.

Je rappelle que celle-ci renvoie précisément, dans ses considérants, à l’article 5 de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001, qui proclame que « Toute personne doit pouvoir s’exprimer, créer et diffuser ses œuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle ; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle ; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

De fait, cette définition correspond pleinement au champ des trois premiers articles de la loi LCAP puisque les articles 1er et 2 posent le principe de la liberté de la création artistique et de sa diffusion, alors que l’article 3 détaille les objectifs de la politique artistique et culturelle, parmi lesquels figurent notamment :
– la garantie de la diversité de la création et des expressions culturelles,
– la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d’expression artistique,
– l’intégration de la culture à l’éducation,
– l’égal accès des citoyens à la culture et aux œuvres,
– ou encore le développement des activités de création artistique pratiquées en amateur.

Plutôt que la reprise d’une définition des « droits culturels » existant déjà en droit international, la loi française a donc fait le choix d’assurer leur mise en œuvre effective en consacrant le principe de la liberté créative et en fixant un certain nombre d’objectifs à l’action publique, dans le respect de la liberté d’administration des collectivités territoriales.

En écho à toutes les expériences évoquées ici durant cette journée, reconnaissons toutefois que la France n’a pas attendu l’entrée de la notion de « droits culturels » dans son droit positif interne pour mener une politique culturelle active, soutenant les créateurs dans tous les domaines de la création et ouvrant la culture au public le plus large.

En témoignent par exemple l’existence d’un régime spécifique d’assurance chômage pour les emplois artistiques, notre système élaboré de protection des droits des artistes et créateurs, le développement de l’éducation artistique et culturelle dès le plus jeune âge – qui a bénéficié d’un effort sans précédent sous cette législature, dans la foulée de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République –, les politiques des publics mises en œuvres par la plupart des institutions culturelles (musées, monuments nationaux, centres de spectacles vivants), ou encore le soutien à la création dans l’espace public pour rapprocher les œuvres des personnes qui en sont les plus éloignées.

L’intitulé de cette dernière table ronde pose la question de l’avenir des droits culturels : il n’est bien entendu pas question de s’en tenir là et de nous reposer sur nos lauriers.

Dans les périodes de fragilité et de tensions comme celle que nous traversons, la culture, sa liberté et sa diversité sont plus que jamais indispensables pour construire une société plus ouverte et plus fraternelle.

Au-delà des lois et des proclamations officielles, l’avenir des droits culturels est avant tout entre nos mains.

À nous, donc, de renouveler sans cesse nos engagements individuels et institutionnels, de convaincre, toujours et encore, de l’importance de la culture pour la vitalité démocratique et sociale, de rester vigilant face aux tentatives de contrôle ou de censure de la liberté créative, mais aussi de réfléchir, ensemble, créateurs et décideurs publics, acteurs éducatifs et culturels, chercheurs et mécènes, à de nouveaux modes de création et de partage culturel, pour irriguer tous les territoires et ne laisser personne au bord du chemin.

Je vous remercie.