Projet de loi sur le mariage pour tous – Deuxième lecture

Monsieur le Président,

Madame la Garde des Sceaux,

Monsieur le Président de la Commission,

Monsieur le Rapporteur dont nous nous sentons si solidaire,

Mes chers Collègues,

 

Qu’il est long, souvent abrupt et difficile mais tellement beau, le chemin de l’égalité des droits dont l’histoire se confond avec celle de la République et dont nous sommes ici et maintenant les dépositaires.

Les femmes et les hommes homosexuels de notre pays  le savent bien, eux qui ont tant attendu pour ne plus être oubliés par l’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption pour tous dont nous débattons aujourd’hui en deuxième lecture s’inscrit dans cette démarche si positive qui a permis à la société française de passer progressivement de la tolérance à la reconnaissance.

Longtemps ignorés, pour reprendre la célèbre formule napoléonienne, ceux qui ne veulent pas se marier peuvent, depuis 14 ans, donner stabilité et sécurité à leur relation en inscrivant leur projet commun de vie dans les liens du Pacte Civil de Solidarité.

Longtemps proscrits, ceux qui ne peuvent pas se marier vont enfin, bénéficier de cette visibilité sociale à laquelle ils aspirent depuis si longtemps.

Rétrospectivement comment, à cet instant, ne pas rappeler l’action tant législative que réglementaire qui depuis 1981 a permis d’abattre le mur de l’homophobie et de faire de l’individu homosexuel dans la société française un citoyen à part entière. C’est Robert Badinter, invitant notre Assemblée, il y a plus de trente ans à dépénaliser l’homosexualité ; c’est Gaston Deferre ordonnant la destruction du fichier des homosexuels de la Préfecture de Police ; c’est Roger Quilliot faisant disparaitre la notion de « bon père de famille » des rapports entre locataires et bailleurs ; c’est la non-discrimination en fonction de l’orientation sexuelle inscrite en 1985 dans le code du travail.

Et puis il y a eu, au début des années 90, le combat pour faire entrer le couple homosexuel dans le code civil. Et ce n’est malheureusement pas un hasard si cette démarche collective, d’abord militante et associative, s’amorça à un moment où le sida décimait des hommes et des femmes qui n’étaient coupables que de vivre leur sexualité.

C’est une nouvelle page de cette histoire de trois décennies que nous écrivons aujourd’hui, tout simplement parce qu’une majorité de gauche, comme à chacune des avancées que je viens de rappeler, a voulu et veut faire vivre, dans cet hémicycle, la belle promesse républicaine de l’égalité.

C’est de cela dont il s’agit, donner des droits nouveaux à certains, sans réduire les droits des autres, et nul besoin pour s’y opposer de nourrir, à cette occasion, le fantasme d’une invasion de la théorie du genre dans notre société et tout particulièrement dans l’Education nationale!

Nul besoin non plus, d’appeler à la rescousse un supposé « ordre naturel » -historiquement si connoté faîtes attention !- qui, sur le fondement de la seule proclamation de son existence, condamnerait notre démarche.

Nul besoin enfin d’invoquer je ne sais quelle exception française qui, le jour où la Nouvelle-Zélande fait le choix du mariage pour tous, ne peut qu’illustrer le retard de notre pays que nous rattrapons justement depuis le 6 mai 2012.

De fait, je tiens à dire aujourd’hui à tous les opposants à ce texte : vous « prêchez » une cause perdue. Vous ne pourrez pas revenir en arrière !  L’aspiration de nos concitoyens a toujours été d’aller vers plus de droits, vers plus de libertés individuelles. C’est le vent (heureux) de l’histoire.

En cela, comme l’a écrit Jean-Claude Bologne, « le mariage a été et demeure un miroir fidèle de la société »,  et c’est la raison pour laquelle c’est la société, qui nous demande aujourd’hui d’ouvrir le mariage à tous les couples, cette société qui aspire à toujours plus d’égalité, de reconnaissance et d’intégration ; cette société qui sait s’enrichir de toutes les différences et notamment d’orientation sexuelle ; cette société positive, avide d’avenir partagé et de vivre ensemble.

En attendant la prochaine étape, celle de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, comment ne pas dire à cet instant et à cette tribune notre fierté mais aussi notre émotion en nous rappelant l’engagement de ces femmes et de ces hommes, si précurseurs dans l’expression de leurs légitimes aspirations et que leur mortelle condition n’a pas autorisé à attendre le vote de mardi prochain et à partager notre bonheur. Oui, le bonheur, une idée toujours neuve et que nous faisons plus que jamais vivre dans la France de 2013 !