Intervention sur le projet de loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine »
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Mes Chers collègues,
C’est avec joie et émotion que je rapporte, aujourd’hui devant vous, au nom de la Commission des Affaires culturelles et de l’Education, sur le projet de loi relatif à la « Liberté de création, à l’architecture et au patrimoine ». Ce texte va, en effet, inscrire, pour la première fois dans la loi, les objectifs des politiques poursuivies par le service public de la culture dans notre pays. Il répond ainsi à la revendication forte d’une loi d’orientation pour le spectacle vivant portée depuis des années par les acteurs culturels et, en matière de protection du patrimoine, il fait très directement référence à la loi adoptée il y a un peu plus d’un siècle relative aux monuments historiques.
Dans un calendrier certes serré, je suis particulièrement heureux du travail collectif que nous avons réalisé lors de l’examen en Commission. Ainsi, durant dix-huit heures et en votre présence, Madame la ministre, nous avons adopté plus de 150 amendements. En conséquence, le texte que nous examinons aujourd’hui couvre désormais un champ plus large que le projet de loi initial et j’ai la faiblesse de croire que nos apports lui donnent plus encore de force et d’assise.
Disons-le ici en préalable, ce texte est cohérent non seulement dans sa forme mais aussi par sa philosophie car il embrasse tous les champs de la création en affirmant, pour la première fois, la nécessaire filiation qui existe entre la création et le patrimoine, entre les œuvres de l’esprit d’aujourd’hui et l’héritage culturel de demain. Ce que j’ai déjà été amené à qualifier d’alliance historique entre les circassiens et les cisterciens !
Sa force à l’instant évoquée, le projet de loi la tire, tout d’abord, de son article 1er qui ajoute à l’édifice des droits et libertés, la liberté de la création en la consacrant explicitement. Nous n’avons pas souhaité modifier cet article en considérant que rester à sa rédaction originelle (« la création artistique est libre ») lui donnait toute son intensité et sa future portée jurisprudentielle.
L’article 2, quant à lui, fixe, pour la première fois, un cadre législatif clair aux politiques culturelles publiques mises en œuvre conjointement par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics. C’est essentiel ! La Commission a souhaité compléter la définition de ces objectifs en précisant qu’ils doivent : soutenir la création d’œuvres originales en langue française, favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes, contribuer à la promotion des initiatives portées par le secteur associatif ainsi que par les lieux intermédiaires et indépendants, mais aussi participer à la valorisation des métiers d’art.
Je ne saurais oublier, concernant la partie création, les dispositions concernant le partage de la valeur et la transparence des rémunérations, là encore enrichies par notre commission, ou celles consacrées à l’emploi artistique, sujet dont notre Commission s’était saisie dès le début de la législature.
Quelques mots sur le secteur musical pour vous dire, chers collègues, que, dans l’attente des conclusions de la mission Schwarz, votre rapporteur a pris l’initiative d’un amendement visant à ouvrir la perspective de la gestion collective obligatoire privilégiée par nombre de rapports comme une solution à une meilleure répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur.
Il a paru indispensable à votre rapporteur d’inclure, par ailleurs, des dispositions relatives aux archives afin d’adapter leur régime aux évolutions de notre temps, en y intégrant explicitement les documents numériques, en facilitant la mutualisation de la conservation des archives numériques entre les différents services publics d’archives et en améliorant la protection des fonds privés classés comme « archives historiques ». Les archivistes attendaient ces mesures et je vous remercie, Madame la ministre, d’avoir accompagné cette démarche avec bienveillance.
Votre projet de loi, Madame la Ministre, vise aussi à renforcer la protection et à améliorer la diffusion du patrimoine culturel. Vous avez souhaité le compléter en Commission par un amendement dit « Palmyre » traduisant l’engagement de notre pays pour assurer la sauvegarde de biens culturels inestimables appartenant au patrimoine de l’Humanité et directement menacés de destruction.
La Commission a aussi fait le choix d’intégrer le patrimoine immatériel dans la définition juridique du patrimoine culturel afin de mieux reconnaître et protéger les savoir-faire, les traditions orales et les pratiques sociales porteuses d’une identité, nationale comme locale.
Je ne vais volontairement qu’évoquer la réforme du régime juridique des biens archéologiques et des instruments de la politique scientifique d’archéologie préventive, tant le travail conduit par notre collègue Martine Faure, qui a trouvé sa traduction législative par l’adoption de plusieurs amendements, a été particulièrement utile.
Je m’arrêterai, par contre, quelques instants sur les dispositions relatives au patrimoine. Car la fusion des dispositifs des secteurs sauvegardés, des ZPPAUP et des AVAP en une seule servitude d’utilité publique appelée « cité historique » a pu faire naître, des interrogations et même des inquiétudes quant au maintien, pour l’avenir, du meilleur niveau de protection possible de notre patrimoine monumental.
En confortant le rôle de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, en incluant les paysages dans le champ de la protection et en adaptant le dispositif aux intercommunalités, nous avons répondu aux attentes fortes qui se sont exprimées. La garantie parallèlement apportée par le gouvernement en Commission, du maintien de l’assistance technique et financière de l’Etat pour l’élaboration et la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan local d’urbanisme couvrant le périmètre de la cité historique, permet de lever définitivement les doutes ou les éventuelles ambiguïtés.
A l’aune de la consécration, dans le projet de loi, des Fonds régionaux d’art contemporain – FRAC – qui contribuent de façon majeure, depuis plus de trente ans, à l’accès à l’art contemporain et au soutien à la création dans les territoires, je me réjouis que la Commission ait conféré une valeur législative à la labellisation des centres culturels de rencontre. Ces structures qui ont pour objectif de développer, dans des sites qui présentent un intérêt patrimonial majeur, un projet artistique et culturel, étaient très attachées à cette reconnaissance.
Je vais, vous n’en serez pas surpris, terminer par les dispositions relatives à l’architecture. Car je suis, Madame la Ministre, particulièrement heureux, d’avoir pu intégrer dans ce projet de loi, nombre de propositions formulées par la mission parlementaire sur la création architecturale et s’inscrivant dans la stratégie nationale pour l’architecture que vous avez vous-même, depuis, définie. Le retour au seuil des 150 m2 de surface de plancher au-dessus duquel le recours à l’architecte est obligatoire est sans nul doute un marqueur de notre volonté politique commune et un signe donné à la profession. Mais rappelons ici qu’il s’agit aussi d’une mesure de simplification pour tous nos concitoyens tant le calcul actuellement en vigueur manque de clarté et de lisibilité.
Par ailleurs, nous sommes convaincus que des mesures incitatives comme l’expérimentation des permis simplifiés, la consécration législative du concours d’architecture, la possibilité offerte d’ouvrir une phase de dialogue au cours de la procédure du concours, sont des apports tout aussi essentiels résultant de l’examen en commission. En outre, offrir une majoration supplémentaire soit de l’emprise au sol, soit de la hauteur pour permettre plus de d’innovation ; ou lancer une expérimentation nouvelle, pour les bâtiments publics, en fixant des objectifs à atteindre plutôt que les moyens d’y parvenir redonneront à l’architecture française la pleine capacité de créer et d’innover plus librement. Car, c’est la recherche de la plus grande valeur d’usage possible qui doit aussi pouvoir aiguiller le travail de l’architecte. C’est le sens des dispositions que nous avons adoptées. .
Madame la Ministre, mes chers collègues, nous avons attendu ce texte, … longtemps. Il s’inscrit dans un cadre rendu aujourd’hui plus favorable de par la volonté du Gouvernement. Je pense naturellement au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a conforté la logique d’exercice conjoint d’une compétence culturelle partagée par les différents échelons territoriaux ; à la consécration législative des annexes 8 et 10 de la correction sur l’indemnisation du chômage qui a enfin offert aux intermittents un cadre juridique sécurisé ; mais aussi à l’augmentation, en 2015, des crédits du ministère de la Culture, qui devrait se prolonger l’année prochaine.
Ce projet de loi est ambitieux. Il va de la musique aux monuments historiques, en passant par l’archéologie préventive, les fonds d’art contemporain et les écoles d’art. Il répond à nombre de préoccupations qui animent, depuis plusieurs années, l’ensemble des acteurs culturels et que nous sommes un certain nombre, sur tous les bancs de cet hémicycle, à avoir voulu porter avec constance. Le moment est donc venu, ici et maintenant, de passer des discours aux actes !